
KNOCK ON ANY DOOR (Nicholas Ray, 1949) découverte
Pourquoi Knock on Any Door malgré son tandem Bogart-Ray est tombé dans l'oubli ? Dans une interview retranscrite dans le dossier consacré au réalisateur dans le Positif d'avril 2016, Ray parle du film comme d'une frustration et de sa mise en scène comme "insatisfaisante". Si même l'auteur se met des bâtons dans les roues, la défense du film risque d'être compliquée. Compliquée mais nécessaire, car ce film de procès mérite qu'on s'y attarde, voir qu'on le soutienne. Pour s'en débarrasser, précisons d’emblée le principal défaut, ce foutu flash back. Ray en parle comme d'une erreur et le bougre n'a pas tord, non pas seulement parce qu'il occupe une bonne grosse demi-heure de film, mais aussi parce que son romantisme ne marche pas. On sait le réalisateur très client des amours éclatants, mais l'union qui unit ce benêt de John Derek et sa brave petite môme n'a pas la force et le tragique de celui de They Live by Night auquel il fait ardemment penser. A coté de ça, la part policière est tonitruante (voir le hold-up ou l’introduction sur le grill annonçant la première demi-heure géniale de On Dangerous Ground) mais dès que les tourteaux se posent près d'un arbre, le film se prend un coup de mou. Un flash back pas étincelant mais pourtant cohérent, vu qu'il s'agit d'une vue de l’esprit. Rien ne vient affirmer que ces images sont objectifs puisque c'est Bogart qui les raconte donc l'avocat de la défense. Ça ne sauve rien artistiquement mais ça nourrit dramatiquement. Au bout de 45 minutes au compteur, le film revient à son procès et le talent de Nicolas Ray explose. L'audience se muscle, aidée par cette ordure de George Macready (l'un des salopards les plus fascinants du cinéma us) et la résolution du drame se brouille. Ray multiplie les détails géniaux, de la sueur dans le dos du juge en passant par le juif européen dans le jury, tandis que le monologue final de Bogey rappelle la verve libertaire d'un Gabin dans Deux hommes dans la ville. Ce n'est pas le seul lien qui unit les deux films et il est quasiment sur que Knock on Any Door a énormément inspiré Giovanni pour son plaidoyer. Le dernier plan sur lequel s’inscrit le mot fin est glaçant. Le personnage de Bogart a bossé dur pour sauver ce morveux, irritant quand il lance tout fier "live fast, die young, make a good looking corpse", touchant quand il murmure à son avocat "i want to live". Boiteux mais doté de superbes envolées, Knock on Any Door est à réhabiliter.