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Critique de film
Le film

Les Derniers jours de la nation Apache

(Indian Uprising)

L'histoire

1885 en Arizona. Les Apaches de Geronimo (Miguel Inclan) ont de nouveau quitté leur réserve de San Carlos, estimant que le traité qu’ils avaient signé n’avait pas été respecté ; en effet, des chercheurs d’or se sont installés sur leurs terres, convoitant leurs richesses. La mission du Capitaine MacCloud (George Montgomery) étant de maintenir la paix sur le territoire, on l’envoie traquer et ramener les Indiens. S’étant fait rattrapé, Geronimo accepte que sa tribu suive la cavalerie à condition que les mineurs soient chassés de leur territoire, quitte à se laisser massacrer dans le cas contraire. Devant une telle détermination, McCloud leur promet que leur demande sera prise en compte. Effectivement, sa troupe se rend sans plus tarder déloger les chercheurs d’or qui rentrent penauds en ville. Mais les notables de Tucson, qui vivent de l’or trouvé dans les mines, manœuvrent en secret pour ranimer le conflit afin que les Indiens soient exterminés et que les prospecteurs puissent ainsi retourner tranquillement s’occuper de leurs gisements ; pour ce faire ils n’hésitent pas à tuer un des leurs en faisant reporter la faute sur les "sauvages" de Geronimo. Malheureusement pour les Apaches, McCloud a été remplacé au commandement par l’impitoyable Stark (Robert Shayne), qui n’a aucun scrupule à vouloir anéantir les Indiens. McCloud, poussé par l’institutrice dont il est tombé amoureux, va tenter de le contrer...

Analyse et critique

Nous n’avions pas encore eu l’occasion d’évoquer Ray Nazarro en ces lieux ; et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir réalisé une multitude de westerns. Ce fut même probablement avec Lesley Selander et quelques autres artisans hollywoodiens l’un des plus prolifiques cinéastes à avoir œuvré dans le genre durant les années 40 et 50, capable de réaliser jusqu’à treize films dans la même année ! Né à Boston, il débuta sa carrière au cinéma à l’époque du muet, dirigeant alors de nombreux courts métrages. A partir de 1945 avec Outlaws of the Rockies - western mettant en scène le personnage de Durango Kid -, il travailla exclusivement pour la Columbia à qui il fournit de la matière pour ses premières parties de séance, presque exclusivement des westerns de séries B ou Z tournés principalement vers l’action non-stop sans pour autant - parait-il - que leur réalisateur n’en oublie de jeter un regard assez élégiaque sur l’Ouest américain. Le très bon Top Gun avec Sterling Hayden, l’un de ses derniers films daté de 1955, est un parfait exemple de ce dosage assez harmonieux. Après que les majors ont abandonné la série B à la fin des années 60, Nazarro réalisera des westerns spaghettis en Europe et travaillera également pour la télévision. Autant dire qu'encore aujourd'hui seule une infime partie de l’iceberg cinématographique du cinéaste nous est connue.

Si probablement une majeure partie de sa production doit être constituée d’œuvres plus ou moins médiocres, il y a autant de probabilités pour que, à l’instar de Top Gun, quelques films sympathiques s’en dégagent. Sans être déshonorant, Indian Uprising fait malheureusement partie de la première catégorie. Entre une romance assez inintéressante et quelques séquences humoristiques moyennement drôles, ce western narre l’histoire tirée de faits réels - mais sans aucunes surprises - d’un officier militaire essayant désespérément de maintenir la paix entre Blancs et Indiens, ces derniers s’étant enfuis de leur réserve à cause de la violation du traité qui stipulait qu’aucun homme blanc ne devait venir sur leurs terres. Les chercheurs d’or soutenus par les notables de la région ne s’étant pas gênés pour aller malgré tout prospecter sur leurs territoires, les Indiens ont estimé qu’ils étaient dans leur droit de prendre la tangente. Après qu’un Major va-t-en-guerre a envenimé la discorde, la mission de ce gentil militaire pour reconstruire la paix va devenir de plus en plus compliquée, ayant à lutter à la fois contre les civils avides et les militaires sans scrupules. George Montgomery, qui incarne cet officier de cavalerie ardent défenseur de la paix, a beau se révéler fort sympathique - d’autant plus que son personnage n’hésite pas à contrer sa hiérarchie pour défendre les Indiens ou à lancer ses troupes contre des Blancs -, il ne possède ni le charisme de Randolph Scott - qui aurait très bien pu à cette époque endosser la défroque de ce soldat - ni celui d'Audie Murphy qui reprendra le rôle plus de dix ans plus tard dans le remake bien plus intéressant réalisé par William Witney en 1964, La Fureur des Apaches (Apache Rifles).

En effet, Charles B. Smith rajoutera des détails au scénario original qui rendront le remake beaucoup plus captivant, un western rythmé et plaisant grâce aussi à une distribution fonctionnant beaucoup mieux que celle du film de Nazarro avec entre autres la jolie Linda Lawson dans le rôle de la missionnaire métisse, Michael Dante dans celui du guerrier apache, L.Q. Jones dans celui du prospecteur qui massacre sans scrupules des civils indiens ou encore John Archer dans la peau d’un officier belliqueux proche du Owen Thursday du Massacre de Fort Apache de John Ford. Ici, dans les rôles équivalents, que ce soit respectivement George Montgomery, Audrey Long, Miguel Inclan - qui, avant Geronimo ici, avait déjà personnifié Cochise dans le film de Ford -, Douglas Kennedy ou Robert Shayne, aucun n’arrivera à faire oublier les comédiens du remake qui tous sont un peu plus convaincants. Néanmoins, dans un ensemble bavard, banal et peu rythmé, on trouve ici et là quelques occasions de nous réjouir avec par exemple une séquence inattendue d’une violence assez sèche et inhabituelle pour l’époque, celle du massacre de civils indiens - femmes et enfants - par Douglas Kennedy, filmée frontalement et qui s’avère d’une puissance à laquelle on ne s’attendait pas au sein d’un tel film de série aussi convenu. Le reste des scènes d’action ne possèderont malheureusement qu’assez peu d’ampleur ou de puissance, handicapées de plus par des transparences pas très réussies. On relèvera de beaux décors naturels, quelques bons thèmes musicaux mais qui proviennent d’un autre western - dont j’avoue ne pas me souvenir -, un hommage volontaire ou non à La Charge héroïque de John Ford lors de la séquence au fort entre Georges Montgomery et Joe Sawyer - la manière qu’a Montgomery de réajuster son uniforme après avoir fait sa toilette, se retrouvant devant un sergent irlandais qui fait grandement penser à Victor McLaglen (il manque juste la fiole de whisky cachée) -, des Indiens campés par des comédiens crédibles, le scénariste ayant eu l’idée de les faire parler espagnol. Leurs paroles sont ensuite traduites par un guerrier indien ayant étudié l’anglais, ce qui au final - contrairement au sublime Au-delà du Missouri de William Wellman - rend le film encore une peu plus laborieux, puisque les scènes dialoguées s’éternisent un peu trop longuement du fait que chaque phrase soit répétée deux fois.

Depuis 1950, dans la brèche ouverte par l'élégiaque La Flèche brisée (Broken Arrow) de Delmer Daves, le puissant La Porte du diable (Devil’s Doorway) d’Anthony Mann ou encore la sublime trilogie cavalerie de John Ford - qui pourrait réellement avoir lancé cette "mode" -, de multiples westerns pro-Indiens se sont engouffrés, évidemment pas tous du même intérêt, pas tous du même niveau. Le film de Ray Nazarro, pas spécialement mauvais, fait néanmoins partie des westerns les plus anodins concernant cette vague, gentiment divertissant à condition de ne pas être trop exigeant. Il n’est cependant jamais désagréable de tomber sur un western dénonçant la cupidité, la convoitise et les manipulations des hommes blancs jusqu’au plus haut niveau de la hiérarchie, sur un western qui revient sur les relations difficiles en Arizona entre Blancs et Indiens alors même que les traités de paix avaient été signés, l’or demeurant encore et toujours le ferment des conflits. Pas indigne mais guère captivant non plus !

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 4 mars 2017