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Portraits

Au tout début des années 1930, avec l’expansion du cinéma parlant, Universal décide de produire des films d’horreur, le plus souvent adaptés d’œuvres littéraires des maîtres du genre au XIXème siècle (Bram Stoker, Mary Shelley, Edgar Allan Poe, H. G. Wells…). Ainsi, en 1931 voit-on s’affronter au sommet du box-office les deux premiers grands classiques du cinéma fantastique parlant produits par la Universal. D’un côté, le magnifique Frankenstein réalisé par James Whale, au scénario ingénieux librement adapté du roman de Mary Shelley. Soutenu par une photographie contrastée, des interprètes convaincants (et notamment l’immense Boris Karloff pour le rôle de la créature qui va faire de lui une star) et une mise en scène fluide et inventive, le film est un chef-d’œuvre. De l’autre côté, le moins flamboyant mais tout de même mythique Dracula réalisé par Tod Browning. Si le film bénéficie de décors moins gothiques dans sa seconde partie, d’un manque flagrant de rythme et d’une mise en scène trop théâtrale, il possède néanmoins de sérieux atouts qui en font un très grand succès, à commencer par la présence de l’inoubliable Bela Lugosi en Comte Dracula. D’autres classiques, d’autres chef-d’œuvres, d’autres triomphes vont suivre dans le courant des années 1930 (The Mummy en 1932, The Invisible Man en 1933, The Bride of Frankenstein en 1935, Son of Frankenstein en 1939…), pour ensuite évoluer dans la seconde moitié des années 1930 et même carrément changer dans les années 1940. La Warner Bros., la RKO et la MGM ne tardent pas à suivre le mouvement en produisant quelques perles du genre, comme Mad Love en 1935, Mark of the Vampire en 1935, Doctor X en 1932, The Most Dangerous Game en 1932… Certains acteurs deviennent des stars parmi ces films appelés "Horror movies" : Boris Karloff, Claude Rains, Peter Lorre, Lon Chaney Jr. (et cela même si cet acteur devint une star plutôt dans les années 1940), et bien sûr Bela Lugosi.

Bela Ferenc Dezsõ Blaskó naît en 1882 à Lugos, paisible ville de l’empire d’Autriche-Hongrie, dans une famille peu aisée. Son père était boulanger, contrairement à ce que Lugosi a toujours raconté, arguant que celui-ci travaillait dans les milieux bancaires. Il se heurte assez vite à son autorité rigide et fugue à douze ans. Il traîne quelques temps et travaille comme ouvrier dans des mines ou pour des compagnies de chemins de fer, avant d’être orienté par sa sœur vers le théâtre. Il y trouve immédiatement son bonheur et étudie les arts dramatiques à Budapest. C’est là qu’il choisit le pseudonyme aristocratique de Lugossy (littéralement : de Lugos), bientôt simplifié en Lugosi, et acquiert assez rapidement une petite notoriété comme jeune premier charmeur. Prouvant rapidement son talent au théâtre, il incarne alors successivement des personnages importants dans Hamlet, Macbeth, Richard III ou King Lear. Il interprète une quantité impressionnante de rôles très divers, dont celui du Christ. Lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale, Bela Lugosi s’engage dans l’armée austro-hongroise. Blessé à trois reprises et décoré, il est exempté en 1916 et se tourne vers le cinéma. Pour ce dernier, un exercice moins honorable que les planches, il utilise le pseudonyme d’Arisztid Olt. Il s’engage aussi dans l’action syndicale, rejoignant avec quelques amis un groupe de défense d’acteurs proche des communistes. Après la guerre, il connaît quelques problèmes dans la nouvelle république indépendante de Hongrie née du Traité de Versailles. On le trouve un peu trop à gauche, et son appartenance syndicale lui vaut la méfiance du nouveau pouvoir. Il part en 1919 pour Berlin où il tourne onze films. C'est ainsi qu'il apparaît comme majordome dans une version de Dr Jekyll & Mr Hyde réalisée par Murnau, hélas aujourd'hui perdue. Puis, comme beaucoup d’acteurs européens, il quitte le vieux continent pour tenter sa chance aux Etats-Unis en 1921. Paradoxalement, alors qu’il ne parle pas anglais, ce n’est pas au cinéma qu’il connaît le succès mais au théâtre. Il rejoint tout d’abord une troupe de langue hongroise qui tourne aux Etats-Unis. Puis après quelques années de vaches maigres où, parallèlement à la scène, il fait de la quasi figuration au cinéma, il obtient enfin le rôle de sa vie, triomphant à Broadway dans Dracula, une adaptation théâtrale du roman de Bram Stoker dont il apprend les répliques phonétiquement. Sa prestance, son air mystérieux et son accent slave font des ravages auprès des spectateurs et surtout des spectatrices. Bela Lugosi est un séducteur qui compte de nombreuses conquêtes (il se mariera cinq fois et divorcera à quatre reprises, ce qui contribuera largement à sa future ruine financière).

En 1931, avec l’explosion du cinéma parlant, la célèbre maison de production américaine Universal décide de remettre au goût du jour les mythes de l’horreur en provenance de la littérature du XIXème siècle. Une adaptation cinématographique de Dracula est mise en chantier, le rôle du célèbre vampire étant attribué à Lon Chaney. Mais ce dernier meurt d’un cancer des poumons. La production se tourne tout naturellement vers Bela Lugosi, ayant interprété le comte maléfique plus de mille fois sur scène. A la sortie du film, c’est un immense triomphe, Lugosi devient instantanément une star. En cet instant, il ignore que ce rôle va lui coller à la peau toute sa vie et lui donner une étiquette indélébile, celle du personnage de cinéma toujours vil, malfaisant et avide de cruauté. Suivant le succès monstrueux du film, l’acteur va rapidement tourner dans plusieurs autres productions inégales. A cette époque, Bela Lugosi est considéré comme un grand professionnel formé au théâtre, connaissant son texte à la perfection, mais gêné par sa relative méconnaissance de l’anglais et déstabilisé par les improvisations et autres changements de dernière minute sur les tournages. En dépit de son fulgurant succès, aussi important qu’inattendu, la Universal ne lui accorde pas de contrat et ne désire donc pas l’utiliser plus que de raison. Lugosi se remet alors à chercher du travail et doit tout faire pour prouver qu’il existe au sein d’Hollywood. De 1931 à 1933 sortiront une dizaine de films avec lui, dont la plupart peuvent être considérés comme assez mineurs : bons films, séries B, serials, ou autres productions dans lesquelles il ne tient pas toujours un rôle important. De cette période encore dominée par l’ombrageux Dracula émergeront tout de même quelques films devenus depuis des classiques du genre, comme Night of Terror, Murders in the Rue Morgue, dont le demi-échec déçoit la Universal, ou encore et surtout White zombie, l’un des meilleurs films que Lugosi ait tourné dans sa carrière. Mais là encore, le personnage de cet hypnotiseur cruel et macabre ne fait que l’enfoncer un peu plus dans un genre qui ne veut désormais plus le lâcher : « Chaque producteur à Hollywood m’a réduit à un type d’acteur. J’étais à la fois amusé et déçu » confiera-t-il par la suite. Qu’importe pour le moment, car dans les années 1930 Lugosi excelle dans l’art de terroriser le public et interprète ses plus grands rôles. Certes, il ne sort pas du genre de l’épouvante, mais il y est plus à l’aise que n’importe qui d’autre et se révèle un atout maître pour chacun des films auxquels il participe. En 1934, il incarne probablement son plus beau rôle dans The Black Cat, qui le confronte pour la première fois à Boris Karloff. Les deux hommes, deux stars de l’horreur, deux figures emblématiques du genre, vont se rencontrer sept fois au cinéma mais cette rencontre-ci sera leur plus belle. Puis c’est au tour de The Raven de surgir en 1935, autre adaptation lointaine d’Edgar Allan Poe permettant une nouvelle fois à Bela Lugosi de crever l’écran. Dans un style plus formaté et qualitativement moindre, l’efficace serial The Return of Chandu et le très moyen The Mysterious Mr Wong constituent néanmoins de jolis succès. Puis The Invisible Ray, ou l’acteur est plus sobre qu’à l’accoutumée, vient parachever une période relativement faste dans sa carrière, mais en même temps la conclure de manière plus ou moins définitive. En effet, jamais Lugosi ne retrouvera le souffle salvateur et créatif de cette période, se voyant confier à l’avenir des films de moins en moins intéressants. Toutefois, la suite ne sera pas dénuée d’un certain enthousiasme, comme l’attesteront quelques œuvres particulièrement réussies.

La dernière partie des années 1930 voit arriver une période peu propice aux grands films pour la légende hongroise. Perdu, inquiet, il change d’agent trois fois en trois ans, les estimant incapables de lui redonner une crédibilité auprès des grands studios. Toutefois, des rôles dans de sympathiques serials (Shadow of Chinatown, S.O.S. Coast Guard et l’honorable The Phantom Creeps) lui permettent encore d’être en activité et de gagner suffisamment d’argent. Il faudra qu’il incarne Ygor dans le magnifique Son of Frankenstein en 1939 pour que sa popularité retrouve enfin un vrai second souffle. Second, tel est bien le mot qui conviendrait à cette première moitié des années 1940, puisque Bela Lugosi mène désormais une carrière relativement ambiguë : d’un côté il tourne dans de grosses productions en incarnant des seconds couteaux, et de l’autre il tourne dans des productions de seconde zone, des séries B au budget souvent étriqué, dans lesquelles il a régulièrement droit au premier rôle. Tous produits par la Universal, Black Friday, The Wolf Man (deux films où il n’apparaît qu’une poignée de minutes), Night Monster, The Ghost of Frankenstein et Frankenstein Meets the Wolf Man lui assurent une place sur le devant de la scène : des films largement distribués et projetés devant un public abondant. Pour les petites firmes de l’époque, comme la Monogram, Bela Lugosi tourne toute une kyrielle de films négligeables du point de vue historique. The Devil Bat, Invisible Ghost, Bowery at Midnight, Black Dragons ou Voodoo Man… De bons petits films sans prétention et sans gloire sont mis en boîte avec un certain talent. Lugosi y excelle et leur apporte leur principal intérêt : sans lui, ces œuvrettes mineures seraient déjà tombées dans l’oubli le plus total. Mais il fait également de mauvais choix, en tournant d’autres petites productions difficilement défendables, comme The Corpse Vanishes et The Ape Man. Puis il s’enfonce dans des comédies horrifiques. Le genre du fantastique commençant à tourner en rond, il est inévitable qu’à cette époque arrivent un certain nombre de films mêlant maladroitement humour, terreur et moquerie. Tout comme avec The Gorilla en 1939 ou Spooks Run Wild en 1941, l’acteur tourne donc des films ingrats qui vont signer sa perte. Malgré un amusant Ghosts on the Loose à peu près correct et un très sérieux et intéressant The Return of the Vampire, sa filmographie atteint des sommets dans le disgracieux avec des navets sidérants ; One Body Too Many et Zombies on Broadway en sont malheureusement les preuves éclatantes de par leur indigence la plus totale. Lugosi tourne cependant encore un excellent film en 1945, un classique de la RKO : The Body Snatcher de Robert Wise. Il n’y tient qu’un rôle de quelques minutes, tandis que Boris Karloff en est la star. Ce sera leur dernière collaboration. La seconde moitié des années 1940 voit arriver la fin de l’époque classique du cinéma fantastique américain, le genre se tarissant presque complètement. Identifié comme une figure largement associée à cet univers, Bela Lugosi s’efface inexorablement des écrans. En 1947, Scared to Death, film d’épouvante à la trame classique, marque une étape amusante pour lui, puisqu’il s’agit de l’unique film en couleur qu’il tournera. Assez mauvais de manière générale, le film n’en n’est pas moins relativement important quand on s’intéresse à l’acteur. Enfin, c’est le passage obligé par un épisode d’Abbott et Costello, son dernier film avant le début des années 1950 : Abbott and Costello Meet Frankenstein. Il est, à ce moment-là, douloureux de mesurer le chemin parcouru par Lugosi. Devenu une immense star dans les années 1930, ayant tourné plusieurs classiques et incarné des rôles inoubliables, il devint petit à petit un acteur privilégié des séries B pour enfin être tourné en dérision par une poignée de films peu recommandables.

Sa vie privée, elle, fut souvent difficile, voire chaotique. En ce sens, Bela Lugosi défraie la chronique dès 1929, car son mariage avec Beatrice Weeks ne dure que trois jours, du 29 septembre au 2 octobre. Dès les années de gloires au cinéma, il mène la grande vie. Amateur de femmes, fin gourmet en ce qui concerne les plaisirs de la table, grand collectionneur de timbres et de pipes, il s’investit également dans la vie syndicale en participant à la création de la Screen Actors Guild. Il se remarie pour la quatrième fois en 1933, avec Lilian Arch : ils auront un fils unique en 1938. A cette époque, Bela Lugosi commence à consommer de plus en plus de morphine. Il en use au départ pour calmer les douleurs que lui provoque vraisemblablement une blessure de guerre. Depuis, le médicament est devenu une vraie drogue. Ce n’est pas tout, car dans la vie il aime jouer avec son personnage de prince des ténèbres, alias le Comte Dracula, et n’hésite pas à se vêtir de sa cape pour les soirées mondaines. Les journalistes se piquent au jeu et brodent des histoires rocambolesques autour de sa personne, ce qui fortifie encore sa gloire. La presse raconte les histoires d’un homme qui dormirait dans un cercueil, ne sortirait jamais le jour, ou encore boirait réellement du sang. Consciente du potentiel publicitaire de l’acteur, la Universal en rajoute et fait construire une grande maison dans laquelle la star reçoit les journalistes : des tentures noires, de grands chandeliers, des armes exotiques accrochées aux murs, des chauves-souris nichant au plafond, des serviteurs asiatiques muets… et Bela Lugosi, tout de noir drapé, les recevant dans une pièce où trône un cercueil. Le cadre promotionnel forge sa légende mais l’enferme définitivement dans des rôles fantastiques desquels il n’aspire pourtant qu’à sortir. L’acteur et le personnage finissent par se confondre. Selon certaines rumeurs, Lugosi lui-même aurait parfois du mal à séparer la fiction de la réalité, l’usage de la drogue n’étant pas sans conséquence. Interrogé, l’homme répond néanmoins de manière tristement lucide : « Les circonstances ont fait de moi la personnalité théâtrale que je suis, que beaucoup de gens croient comme également une part de ma vie personnelle. » Ernst Lubitsch lui offre cependant un second rôle dans Ninotchka en 1939, avec Greta Garbo, bien loin des sentiers battus du film d’épouvante. Malgré cela, l’image de la star reste inévitablement associée à l’univers de l’horreur. Lugosi ne reçoit que des propositions de rôles de suceurs de sang, de savants fous ou de génies du mal. Pourtant, de ses propres mots, il voudrait se tourner vers autre chose : « J’aimerais quitter les rôles surnaturels et juste incarner une personne intéressante et terre-à-terre. » Les petites productions qu’il tourne abondamment dans les années 1940, il les accepte essentiellement pour vivre et financer son train de vie, ainsi que ses divorces : « Je serai sincère. Le chèque de règlement hebdomadaire est la chose la plus importante pour moi » a-t-il avoué lui-même. Pourtant, jusque dans ses plus mauvais films, Bela veut toujours y croire et joue ses rôles comme s'il interprétait du Shakespeare. Car pour lui, le respect du public est d’une importance capitale et ne doit jamais être remis en cause. Sa carrière bat de l’aile plus dangereusement encore au fur et à mesure que les années 1940 avancent. Car s’il participe au soutien des troupes sur le front pendant la Seconde Guerre mondiale, il a néanmoins beaucoup de peine à trouver des rôles à sa mesure. L’image de Lugosi se ringardise, les rôles se raréfient peu à peu, les films s’espacent de plus en plus. Entre 1948 et 1952, il ne tourne plus. On notera cependant sa participation à la série TV Suspense (dans l’épisode intitulé A Cask of Amontillado). Durant cette période, il cachetonne et met son orgueil de côté, parcourant les revues et les shows télévisés dans lesquels il rejoue le vampire à satiété, n’hésitant pas à se plonger dans la dérision la plus totale. Comble de malchance, en raison de son passé communiste, la chasse aux sorcières menée par le sénateur McCarthy fait bientôt figurer son nom sur la liste noire d’Hollywood. Le fond artistique, quant à lui, semble définitivement atteint dès son retour sur les écrans, avec Bela Lugosi Meets a Brooklyn Gorilla et Mother Riley Meets the Vampire. Les deux films sont des comédies d’épouvante affreusement mauvaises et ne font décemment sourire que deux ou trois fois. Bela Lugosi est maintenant vieux et fatigué, sa carrière est presque au point mort, le public ne le considère désormais plus que comme un objet du passé.

Contre toute attente, en 1953, alors qu’il n’a plus aucun engagement, l’acteur rencontre un jeune réalisateur débutant : Ed Wood. Ce dernier lui offre alors un rôle dans le film qu’il cherche à monter sur la vie d’un transsexuel, Glen or Glenda. Lugosi est tout d’abord méfiant quant au sujet scabreux et dérangeant du film, mais il sympathise très vite avec ce jeune metteur en scène qui lui semble plein d’énergie. De plus, Ed Wood est un admirateur sincère de Bela Lugosi et lui offre un rôle de narrateur pour lequel il touchera 1 000 dollars. Ses scènes sont tournées dans un environnement de savant fou gothique et sont ensuite introduites de-ci de-là dans le film. Ce long métrage est un échec cuisant et Lugosi y cabotine comme jamais. Rapidement, les deux hommes deviennent très amis et s’associent : l’un cherche à donner de l’ampleur à ses projets en se servant d’un nom encore connu, l’autre espère rebondir avec un vrai retour au cinéma qui ne vient plus. Après cette expérience, Lugosi ne décroche qu’un petit rôle muet dans The Black Sleep pour la télévision, qui sera diffusé en 1956. Mais Ed Wood s’apprête à tourner un film pour lequel il veut offrir à Lugosi un vrai rôle à sa mesure, Bride of the Monster. Le film est fauché, rempli de faux raccords, et ne marche pas non plus. Mais l’acteur y retrouve un peu de sa superbe en usant d’artifices auxquels il avait déjà recouru quelques années plutôt : regards mystérieux et grandes tirades menaçantes sont de retour, mais l’ensemble paraît bien ridicule. Epuisé par l’abus de morphine qu’il consomme depuis une vingtaine d’années, l’acteur se rend dans une clinique de désintoxication et prévient la presse. Sa cure est médiatisée et fait beaucoup de bruit, car c’est la première fois qu’une star reconnaît publiquement sa dépendance à la drogue. Les photos montrent un vieillard à bout et amaigri dans un lit d’hôpital. Sa sortie de clinique est mise en scène devant les caméras et montre un Bela Lugosi en forme, remerciant chaleureusement médecins et infirmières, et annonçant qu’il est prêt à tourner. Son prochain projet est un film intitulé The Ghoul Goes West, qui sera réalisé par Ed Wood. Ce dernier n’a le temps de tourner que quelques petites scènes : l’acteur sortant de son pavillon, errant dans la campagne, pleurant à un enterrement… Puis Lugosi décède chez lui le 16 octobre 1956, à la suite d’une crise cardiaque. Il allait avoir 74 ans. Comme ce dernier était ruiné, c’est Frank Sinatra qui paiera ses funérailles. Pour son enterrement au Holly Cross Cemetery (à Culver city, en Californie), Lugosi est paré de sa célèbre cape de Dracula, à la demande de sa nouvelle femme, Hope Lininger, et de son fils, Bela Lugosi Jr. La légende veut que, lors des obsèques, Peter Lorre ait chuchoté à Vincent Price : « Est-ce qu’on ne devrait pas lui enfoncer un pieu dans le cœur, au cas où… ? » Quant à Ed Wood, il recyclera les derniers plans tournés dans le fameux Plan 9 from Outer Space en 1959. Ce film constituera la dernière apparition de l’acteur hongrois à l’écran.

Bela Lugosi a créé un mythe dont il n’est jamais sorti, mais les cinéphiles du monde entier se souviennent de lui pour une généreuse poignée de classiques et une interprétation en tout point remarquable. Un accent inoubliable pour une voix parfaitement posée, un physique grand et avantageux, un visage subtilement animé, un charisme fort, un charme vénéneux et une volonté de toujours donner le meilleur de lui-même… Tels sont les attributs de cette légende hollywoodienne dont la prestance continue encore et toujours de fasciner au travers de films rentrés dans la mémoire collective.

« Je crois que je suis un peu comme un loup solitaire. Je ne dis pas que je n’aime pas les gens du tout, mais pour vous dire la vérité, j’aime seulement ceux avec lesquels j’ai une chance de regarder profondément dans leurs cœurs et leurs esprits. » (Bela Lugosi)

  

Les Films avec Bela Lugosi chroniqués sur DVDClassik

Le Coffret Bela Lugosi Universal

Par Julien Léonard - le 25 février 2009