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Dossiers

L'atelier d'Éric Rohmer

L’Atelier d’Éric Rohmer est le titre donné au DVD inclus dans le coffret Intégrale Rohmer édité par Potemkine. Il réunit deux séries de courts métrages de fiction réalisés (pour l’essentiel) par Éric Rohmer entre 1996 et 2009.

Série de courts-métrages « Anniversaires »

L’Anniversaire de Paula - 1993 (1)
Réalisation et scénario : Haydée Caillot. Photographie : Denis Morel. Son : Ludovic Hénault. Montage : Yves Sarda. Musique : Roland Vincent. Productrice : Françoise Etchegaray. Société de production : Les Films du Losange, Compagnie Éric Rohmer. Interprètes : Dorothée Blanck, Corinne Colas, Jean-Luc Revol. Couleurs. 12 minutes. Super 16

A la veille de ses cinquante ans, Paula (Dorothée Blanck) revient à Dunkerque, ville où elle a vécu. Elle y erre à la recherche des hommes de son passé...

France - 1996
Réalisation et scénario : Diane Baratier. Photographie : Diane Baratier. Son : Pascal Ribier, Ghislaine Vingot. Montage : Mary Stephen. Musique : Rémy Chaudagne. Société de production : Compagnie Éric Rohmer. Interprètes : Nathalie Moncorger, François Raoul-Duval, France Zobda. Couleurs. 17 minutes. 16 mm.

En sa journée d’anniversaire, une jeune femme prénommée France (Nathalie Moncorger) devrait se réjouir. Mais la célibataire s’enferme peu à peu dans sa peur...

Des goûts et des couleurs - 1996
Réalisation et scénario : Éric Rohmer, Anne-Sophie Rouvillois. Photographie : Diane Baratier, Sébastien Leclercq. Son : Pascal Ribier. Montage : Mary Stephen. Musique : Konrad Max Kunz. Productrice : Françoise Etchegaray. Société de production : Compagnie Éric Rohmer. Interprètes : Laure Marsac, Eric Viellard, Anne-Sophie Rouvillois. Couleurs. 20 minutes. 16 mm.

Nicolas (Éric Viellard), séduit par Violette (Laure Marsac), invite celle-ci à fêter son anniversaire en sa compagnie...

Heurts divers - 1997
Réalisation et scénario : Éric Rohmer, Florence Rauscher, François Rauscher. Photographie : Diane Baratier, Thierry Faure. Son : Pascal Ribier, Laurent Lafran, Jean-Paul Mugel. Montage : Mary Stephen. Musique : Marc Bredel, Matthieu Davette. Productrice : Françoise Etchegaray. Société de production : Compagnie Éric Rohmer. Interprètes : Julie Debazac, Laurent Le Doyen, Florence Rauscher, François Rauscher. Couleurs. 24 minutes. 16 mm.

Un frère et une sœur (Florence Rauscher et François Rauscher) s’apprêtent à fêter l’anniversaire de leur père...

Les Amis de Ninon (1998)
Réalisation et scénario : Éric Rohmer, Rosette. Photographie : Diane Baratier, Sébastien Leclercq. Son : Pascal Ribier. Montage : Mary Stephen. Musique : Ronan Girre, Jean-Louis Valéro. Productrice : Françoise Etchegaray. Société de production : Compagnie Éric Rohmer. Interprètes : Maud Buquet, Arielle Dombasle, Pascal Greggory, Julie Jézéquel, Isild Le Besco, Rosette. Couleurs. 25 minutes. 16 mm.

Ninon (Rosette), épouse et mère comblée, décide d’inviter quelques-uns de ses anciens amants ou prétendants pour fêter son anniversaire...

Série de courts-métrages « Le modèle »

Un dentiste exemplaire - 1998
Réalisation et scénario : Éric Rohmer, Aurélia Alcaïs, Haydée Caillot, Stéphane Pioffet. Photographie : Diane Baratier. Son : Pascal Ribier. Montage : Mary Stephen. Musique : Éric Rohmer et Mary Stephen. Productrice : Françoise Etchegaray. Société de production : Compagnie Éric Rohmer. Interprètes : Aurélia Alcaïs, Laura Favali, Stéphane Pioffet, Jeanloup Sieff, Joël Barbouth. Couleurs. 12 minutes. 16 mm.

Mélanie (Aurélia Alcaïs) une jeune étudiante parisienne envisage de poser (nue) pour un photographe...

Une histoire qui se dessine (1999)
Réalisation et scénario : Éric Rohmer, Rosette. Photographie : Diane Baratier. Son : Pascal Ribier. Montage : Mary Stephen. Productrice : Françoise Etchegaray. Société de production : Compagnie Éric Rohmer. Interprètes : Rosette, Emmanuel Salinger, Vincent Dieutre. Couleurs. Stéréo. 10 minutes. DV.

Ninon (Rosette) et Vincent (Emmanuel Salinger), deux dessinateurs croquant les touristes parisiens, se croisent et s’entrecroisent dans la Capitale...

La Cambrure - 1999
Réalisation et scénario : Éric Rohmer, Edwige Shaki. Photographie : Diane Baratier. Son : Pascal Ribier. Montage : Mary Stephen. Musique : Debussy. Productrice : Françoise Etchegaray. Société de production : Compagnie Éric Rohmer. Interprètes : Edwige Shaki, François Rauscher, André Del Debbio. Couleurs. Stéréo. 16 minutes. DV.

Roman (François Rauscher), étudiant en Histoire de l’art, s’éprend d’Eva (Edwige Shaki), une jeune fille dont la silhouette lui rappelle celle d’un nu féminin sculpté par son oncle...

Le Canapé rouge - 2004
Réalisation et scénario : Éric Rohmer, Marie Rivière. Photographie : Diane Baratier. Son : Pascal Ribier. Montage : Mary Stephen. Musique : Schumann. Productrice : Françoise Etchegaray. Société de production : Compagnie Éric Rohmer. Interprètes : Marie Rivière, Charlotte Véry, Philippe Magnan. Couleurs. Stéréo. 32 minutes. Béta-numérique.

Dans une rue de Paris, Lucie (Marie Rivière) rencontre par hasard Eva (Charlotte Véry), une amie perdue de vue depuis des années et qui se consacre désormais à la peinture. Eva propose bientôt à Lucie de la peindre...

Le Nu à la terrasse - 2008
Réalisation et scénario : Éric Rohmer d’après une idée de Joëlle Miquel. Photographie : Diane Baratier. Son : Pascal Ribier. Montage : Mary Stephen. Musique : Schumann. Productrice : Françoise Etchegaray. Société de production : Compagnie Éric Rohmer. Interprètes : Marie-Françoise Audolent, Fanny Vambacas, Olivier Blond, Camille Vambacas, Alexandre Murard. Couleurs. 25 minutes. Numérique.

Un couple de jeunes mariés (Fanny Vambacas et Olivier Blond) vient d’emménager. Pour décorer leur nouvel appartement, leur choix s’arrête notamment sur une toile d’un peintre inconnu des années 1930 représentant un nu féminin...

La Proposition - 2009
Réalisation et scénario : Éric Rohmer, Anne-Sophie Rouvillois d’après une idée de Sybille Chevrier. Photographie : Diane Baratier. Son : Pascal Ribier. Montage : Mary Stephen. Musique : Schumann. Productrice : Françoise Etchegaray. Société de production : Compagnie Éric Rohmer. Interprètes : Elodie Meularger, Adèle Jayle, Yves Alcaïs. Couleurs. 15 minutes. Numérique.

Une jeune étudiante parisienne (Elodie Meularger) envisage de poser (nue) pour un peintre...

ANALYSE

Ainsi que l’expliquent Antoine de Baecque et Noël Herpe dans leur monumentale Éric Rohmer. Biographie (2)c’est en 1996 que le cinéaste décide d’initier la production d’une série de courts métrages dont la réalisation devait être confiée à quelques-unes de ses complices techniciennes ou comédiennes. Peut-être inspiré par L’Anniversaire de Paula - l’œuvre d’une interprète rohmérienne produite par les Films du Losange en 1993 (3) - le cinéaste ne fixe aux futures bénéficiaires de l’entreprise qu’une obligation scénaristique : celle de traiter dans leur film le thème de l’anniversaire. Diane Baratier, avec qui Éric Rohmer avait alors déjà collaboré à trois reprises (4), signera avec France le premier des quatre volets d’Anniversaires. Se contentant de « remettre à l’endroit » le script de sa jeune collaboratrice, selon l’expression de Diane Baratier elle-même, Éric Rohmer la laisse par la suite entièrement libre de concevoir et de diriger son court métrage. Une indépendance artistique dont ne jouiront en revanche guère les participantes suivantes au cycle Anniversaires. Que le spectateur ne se laisse en effet pas abuser par les génériques de Des goûts et des couleurs (1996), Heurts divers (1997) et Les Amis de Ninon (1998) indiquant qu’Éric Rohmer n’a pris en charge que le seul découpage de ces films... Si Anne-Sophie Rouvillois, Florence et Frédéric Rauscher ainsi que Rosette sont officiellement présentés comme les auteurs des ces courts métrages, Éric Rohmer en est en réalité le véritable maître d’œuvre. Après avoir largement réécrit les scénarii proposés par les unes et les autres, de même que les dialogues, l’auteur de Ma nuit chez Maud exerce à chaque fois un même et strict contrôle sur le choix du casting comme sur la réalisation et le montage. La mise en œuvre technique est, par ailleurs, confiée aux fidèles du cinéaste tels que la monteuse Mary Stephen (5), le preneur de son Pascal Ribier (6), la productrice Françoise Etchegaray (7)... ou la directrice de la photographie Diane Baratier ! Mis à part France, les différents volets formant Anniversaires doivent donc être considérés comme autant d’œuvre authentiquement rohmériennes dans lesquelles le cinéaste « reste incroyablement fidèle à lui-même. » (8)

Certes pas totalement étranger à l’univers du réalisateur des Nuits de la pleine lune - l’on pourrait voir dans l’héroïne à la fois combative et "paumée" de France, jouée avec un beau naturel par Florence Moncorger, une sorte de cousine de la Louise rohmérienne - cette déclinaison du motif de l’anniversaire par Diane Baratier n’en reste pas moins très personnelle. Le désir masculin montré par la réalisatrice s’incarne en de jeunes dragueurs vulgaires et agressifs ou bien en des vieillards au regard libidineux, transformant les déambulations urbaines de la séduisante France en un chemin de croix. Et définitivement exempt de toute sophistication amoureuse - si le nom de Christine de Pisan apparaît dans France, c’est uniquement sous la forme d’un panonceau de la RATP ! -,  l’âpre et prolétaire Paris campé par Diane Baratier s’affirme in fine comme l’angoissante antithèse (9) de la Capitale fantasmée par Éric Rohmer.

Le traitement de Paris, comme de l’amour, dans les trois épisodes suivants d’Anniversaires s’avère en revanche parfaitement respectueux des codes plastiques et thématiques rohmériens, trahissant la mainmise totale du cinéaste sur ce trio filmique. Déployant une grammaire visuelle typique d’Éric Rohmer combinant champ/contre-champ et décors à l’esthétique picturalisante, ces courts métrages constituent autant de (brèves) explorations de quelques-unes des modalités de l’amour. Des goûts et des couleurs - dont le titre donne à ce film des allures de Comédie et Proverbe miniature - met ainsi en scène la naissance (très vite contrariée...) d’une idylle entre Violette (Laure Marsac) et Nicolas (Éric Viellard), deux étudiants amateurs de Proust et de Beethoven. Heurts divers se rattache quant à lui plutôt à la problématique des Contes moraux : un enchaînement de quiproquos chronologiques générés par le passage à l’heure d’hiver offre l’occasion à un frère et à une sœur (Florence Rauscher et François Rauscher) de « vivre différemment deux fois le même moment » comme il est dit au terme de leurs aventures nocturnes. Et d’ainsi arrêter des choix amoureux les engageant pour l’avenir. Enfin, dans Les Amis de Ninon, la manière ludique dont une femme mariée - Ninon, jouée par Rosette - y teste son pouvoir de séduction n’est pas sans rappeler la démarche marivaldienne d’Isabelle dans Conte d’automne. Et les plans conclusifs des Amis de Ninon montrant les personnages danser au son d’une musique techno viennent de nouveau illustrer cette sensibilité à la modernité esthétique dont le "réactionnaire" Éric Rohmer avait, par exemple, fait preuve dans Les Nuits de la pleine lune.

Sans doute mineures au regard d’œuvres aussi denses et maîtrisées que, entre autres exemples de chefs-d’œuvre rohmériens, Ma nuit chez Maud et La Marquise d’O..., ces trois "nouvelles" filmiques ne sont cependant pas dépourvues de charmes cinématographiques. Hormis leurs atouts visuels déjà évoqués, toutes témoignent d’indéniables qualités d’écriture - scénaristique et dialoguée - comme de direction d’acteurs - mise à part, sans doute, Heurts divers souffrant de la prestation un peu approximative de François Rauscher. Ce trio de courts métrages offre, en outre, l’occasion à Éric Rohmer de pratiquer un comique de situation peu courant dans son œuvre, donnant lieu à d’authentiques moments de drôlerie. On pense notamment à l’usage des plus réussis qu’Éric Rohmer fait d’une robe jaune à fleurs, véritable MacGuffin humoristique, dans Des goûts et des couleurs. Ou bien encore à l’évolution aussi imprévue qu’amusante de la soirée d’anniversaire dans Les Amis de Ninon. Mais ayant peut-être épuisé les potentialités narratives du motif des Anniversaires, Éric Rohmer met un terme à ce cycle en 1998. Manifestement séduit par la déclinaison sous des formes brèves de son univers, le cinéaste s’empresse cependant d’entamer la même année une seconde série de courts métrages. Courant jusqu’en 2009 et comptant six titres, cette collection filmique sera quant à elle consacrée au thème du Modèle, au sens artistique du terme.

Les génériques de ces six courts métrages laissent de nouveau planer une ambiguïté quant à l’identité réelle de leur créateur. Éric Rohmer (parfois simplement désigné par son seul prénom) s’y voit là encore cantonné au seul poste du découpage. Et la paternité (ou plutôt la maternité) de chacun des volets de la série y est attribué, comme dans le cas d’Anniversaires, à quelques-unes des collaboratrices (occasionnelles ou de longue date) du cinéaste : Aurélia Alcaïs, Rosette, Edwige Shaki, Marie Rivière, Charlotte Véry ou bien encore Anne-Sophie Rouvillois. L’enquête menée par Antoine de Baecque et Noël Herpe quant à la genèse de ces films fait cependant clairement apparaître qu’Éric Rohmer en est le véritable auteur. Si ce dernier s’appuie initialement sur des scripts rédigées par ses amies artistes, le cinéaste les amende largement, ainsi que le raconte notamment Anne-Sophie Rouvillois dans Éric Rohmer. Biographie à propos de La Proposition. Se réappropriant les matériaux scénaristiques proposés par les unes et les autres, Éric Rohmer les met ensuite en scène lui-même avec son équipe coutumière de techniciens. Et, au même titre que trois des quatre épisodes d’Anniversaires, les courts métrages de la série du Modèle sont autant de pièces à verser à la filmographie du cinéaste.

Rohmérienne sui generis, chacune de ces variations sur la figure du Modèle l’est et formellement et thématiquement. D’Un dentiste exemplaire à La Proposition, le cinéaste privilégie à nouveau une approche picturale d’échanges dialogués dessinant un champ cinématographique propice à l’exploration des diverses formes du désir amoureux. Se teintant à l’instar des Anniversaires d’éléments de comédies, les films dévolus au Modèle se distinguent cependant de la série précédente par un mélange d’érotisme et de réflexion théorique, rendant ces courts métrages assez étonnants. N’hésitant pas à inclure comme dans Un dentiste exemplaire, La Cambrure ou bien encore La Proposition, des plans de nudité partielle ou totale (10), le cinéaste y tisse ainsi un lien explicite entre sexualité et création esthétique. Poser pour un artiste est l’occasion pour quelques-uns des héroïnes et héros de la série de se procurer une excitation sensuelle manifeste. (11)

À cette jouissance exhibitionniste et narcissique répond celle d’essence voyeuriste du photographe (Un dentiste exemplaire), du sculpteur (La Cambrure), du peintre (Le Nu à la terrasse), mais aussi des simples spectateurs et spectatrices de ces productions artistiques. Ainsi en va-t-il des jeunes mariés du Nu à la terrasse. Au terme d’un subtil mouvement chorégraphique, l’homme et la femme initialement éloignés l’un de l’autre dans le cadre se rapprocheront peu à peu pour finalement s’enlacer étroitement, émoustillés qu’ils sont par l’observation prolongée de la toile donnant son titre au court métrage. Mais c’est sans doute dans Le Canapé rouge « l’opus le plus réussi de la série (12) »  que l’origine à la fois exhibitionniste et voyeuriste du geste artistique est exprimée de la manière la plus exemplaire. Il y est question d’un portrait d’elle-même - sur un canapé rouge - que Lucie (Marie Rivière) destine à son amant Alain (Philippe Magnan) et dont elle confie la réalisation à son amie Éva (Charlotte Véry). Suivant dès lors les différentes étapes de la création de la toile, Éric Rohmer fait aussi bien apparaître la tension narcissique à l’action chez Lucie que la pulsion scopique taraudant Éva et Philippe au regard desquels elle s’offre picturalement.

C’est donc un spectre de l’art rohmérien des plus larges que permet de parcourir cette dizaine de courts métrages rassemblés dans L’atelier d’Éric Rohmer. Les trois segments d’Anniversaires, en revisitant quelques cadres et motifs narratifs chers au cinéaste, offrent autant d’occasion de goûter son art (achevé) de conteur. Quant aux six films du Modèle, sous leurs allures parfois licencieuses, ils ouvrent une perspective plus théorique en affirmant le fondement désirant de la création artistique. Et ces deux cycles viennent chacun à leur manière, narrative ou réflexive, confirmer la place certainement importante de la forme courte (13) dans la filmographie rohmérienne.

(1) Si l’on s’en tient à ce qu’indiquent Antoine de Baecque et Noël Herpe dans Éric Rohmer. Biographie, ce court métrage écrit et mis en scène par Haydée Caillot - qu’Éric Rohmer dirigea notamment dans La Femme de l’aviateur (1981) et 4 aventures de Reinette et Mirabelle (1984) - ne relève pas du cycle Anniversaires auquel il est antérieur. Potemkine a néanmoins décidé d’associer L’Anniversaire de Paula à cette série, sans toutefois justifier son choix. De même Noël Herpe n’explique pas la présence de L’Anniversaire de Paula sur ce DVD dans le livret qu’il a rédigé en accompagnement de cette Intégrale éditée par Potemkine.
(2) Antoine de Baecque et Noël Herpe, Éric Rohmer. Biographie, éditions Stock, Paris, 2014. C’est à quelques-unes des 818 pages (!) de cette considérable évocation cinématographique et intime du cinéaste que nous empruntons les informations concernant la genèse des séries de courts métrages Anniversaires et Le Modèle figurant dans cet article.
(3) Concernant L’Anniversaire de Paula, cf. note 1.
(4) En 1996, Diane Baratier avait déjà assuré la photographie de L’Arbre, le maire et la médiathèque (1993), des Rendez-vous de Paris (1995) et de Conte d’été (1996). On la retrouvera, par la suite, au générique de la totalité des longs métrages d’Éric Rohmer parmi lesquels Conte d’automne (1998) et Triple agent (2004).
(5) Mary Stephen a collaboré pour la première fois avec Éric Rohmer sur La Femme de l’aviateur (1980). Lui confiant dès lors régulièrement le montage de ses films, Éric Rohmer fera notamment appel à Mary Stephen pour Conte d’automne et Triple agent.
(6) Pascal Ribier rejoint la troupe rohmérienne en 1987 à l’occasion de 4 aventures de Reinette et Mirabelle. On le retrouve par la suite au générique de Conte d’automne et Triple agent.
(7) La collaboration entre Françoise Etchegaray et Éric Rohmer débute en 1993 avec L’Arbre, le maire et la médiathèque. Elle se prolongera jusqu’à l’ultime mise en scène du cinéaste. Entre temps Françoise Etchegaray aura notamment produit Conte d’automne et Triple agent.
(8) Antoine de Baecque et Noël Herpe, Éric Rohmer. Biographie, page 709.
(9) « L’anniversaire de Paula » de Haydée Caillot peut être lui aussi reçu comme une relecture très noire de l’univers rohmérien. Inscrivant son action dans une Dunkerque nocturne et hivernale, symétrique inversé des espaces solaires et colorés chers à Éric Rohmer, le court métrage s’attache à un personnage féminin radicalement déprimé, presque borderline, possible incarnation d’une héroïne rohmérienne vieillie et malchanceuse au jeu de l’amour et du hasard...
(10) Ces images de plus en plus osées, voire égrillardes - l’on va de la vision d’une chute des reins (Un dentiste exemplaire) à celle d’un sexe féminin (La Proposition), en passant par celles de seins opulents et de fesses tendues (La Cambrure)... - expliqueraient-elles que le catholique Éric Rohmer n’ait pas tenu à signer lui-même la réalisation de ces courts métrages ? Comme à la manière d’un érotomane du XVIIIème siècle dissimulant derrière l’anonymat son goût pour les jeunes plastiques féminines...

(11) Ce motif de la jouissance narcissique est aussi traité dans Une histoire qui se dessine, en apparence le plus sage de ces six courts métrages. Il n’y est certes pas question de nudité puisque les artistes des rues que sont Vincent (Emmanuel Salinger) et Ninon (Rosette) se contentent de faire le portrait de touristes sur le Pont des Arts ou devant le Palais de Chaillot. Mais l’on verra dans les manœuvres déployées par un homme (joué par Vincent Dieutre) pour se faire dessiner par Vincent et Ninon en même temps une manifestation somme toute assez claire de pulsion exhibitionniste.
(12) Antoine de Baecque et Noël Herpe, Éric Rohmer. Biographie, page 712. Un point de vue que l’auteur de cette chronique partage pleinement. Force est en effet de constater que les cinq autres films de la série du Modèle présentent quelques faiblesses d’interprétation (Un dentiste exemplaire, La Cambrure, La Proposition) ou de dialogues (Une histoire qui se dessine, Le Nu à la terrasse) qui en atténuent (un peu) la portée cinématographique. Un reproche que l’on ne pourra en revanche pas faire au Canapé rouge, un court métrage se signalant tant par la maîtrise de son écriture que par les qualités des prestations de son trio de comédiens.
(13) Concernant les courts métrages documentaires d’Éric Rohmer, parties pareillement intégrantes de l’œuvre du cinéaste, l’on rappellera que Potemkine les a répartis entre les bonus accompagnant les longs métrages du cinéaste. Nous avons, pour notre part, chroniqué sur DVDCLASSIK les suivants : Une étudiante d’aujourd’hui, L’Homme et les gouvernements, Fermière à Montfaucon, Nancy au XVIIIe siècle et la série Villes nouvelles.

Par Pierre Charrel - le 25 avril 2014