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Critique de film
Le film

When the Daltons Rode

L'histoire

Tod Jackson (Randolph Scott) se rend à Guthrie pour y exercer son métier de juriste. En cours de route, il s’arrête à Coffeyville pour rendre visite à ses amis d’enfance, les Dalton. Ici, au Kansas, Rigby (Harvey Stephens) et ses géomètres, exproprient les petits paysans pour le compte d’une compagnie ferroviaire. Encouragé par les Dalton, Tod décide de rester un temps sur place pour plaider la cause des fermiers spoliés et expulsés. Il ne lui faut pas longtemps pour tomber amoureux de Julie (Kay Francis), la fiancée de son ami Bob Dalton (Broderick Crawford). Afin de ne pas provoquer d’embrouilles ou de rancœurs, il prend la décision de poursuivre sa route mais il devra ajourner une nouvelle fois son départ pour se faire l’avocat de Ben Dalton (Stuart Erwin) qui, en voulant chasser les géomètres arrivés sur ses terres, en tue un accidentellement. Ben est jugé mais le procès se termine par un second mort et la fuite des Dalton qui deviennent alors des hors-la-loi blâmés pour tous les crimes commis alentour. C’est le début d’un engrenage de fuites, de désolation et de violences… Tandis que de son côté, Tod ne sait plus trop sur quel pied danser, pris entre son désir d’aider ses ex-amis désormais recherché dans tout le pays, son amour pour Julie et son attachement à la loi…

Analyse et critique

En 1939, Henry King réalise un chef-d’œuvre de sensibilité narrant la biographie romancée de Jesse James : Le Brigand bien aimé (Jesse James). L’immense succès obtenu par le film exhorte les producteurs à chercher l’inspiration de leurs futurs scénarios de westerns dans un des éléments les plus importants de la mythologie de l’Ouest : les bandits de grand chemin. C’est d’abord Fritz Lang, à peine débarqué à Hollywood, qui y apporte sa contribution en filmant la suite plus terne du film de Henry King : Le Retour de Frank James (1940). Durant les années 40, les frères Dalton, les frères James, les frères Younger, Billy le Kid, Sundance Kid, etc., vont squatter les écrans de cinéma et faire les beaux jours des salles obscures : les amateurs de série B vont s’y ruer pour voir les "exploits" violents de ces nouveaux héros que sont ces "outlaws". Ray Enright réunira d’ailleurs tous ces ‘Bad Men’ cités plus haut dans le survolté et nerveux Far West 89 (Return of the Bad Men - 1948). Mais Hollywood arrive presque toujours à enjoliver les choses et à trouver des excuses à ces "hors-la-loi malgré eux". La faute en incombe souvent à des financiers ou patrons de compagnies sans scrupules qui, en les poussant à bout, les mènent au crime, tout ceci dégénérant en une spirale de violence sans fin.

Il en va de même pour ce film inédit en France qu’est When the Daltons Rode. Le scénariste Harold Shumate n’a reculé devant aucun compromis pour prendre lui aussi de nombreuses licences avec la vérité. Une anecdote amusante, le scénariste a été jusqu’à oser faire mourir Emmett Dalton alors que son scénario s’inspire du livre même du rescapé de la famille, Emmett en personne !!! Pour en rester dans les éléments constitutifs de ce genre de "biographies" mis en place par Henry King, les frères Dalton sont tous au départ d’honnêtes ranchers qui, par malchance et colère, arrivent à fracasser le crâne d’un géomètre et à tuer un autre homme pendant le procès d’un des leurs. "Pourquoi devrait-on obéir à des lois faites pour des menteurs et des voleurs" dira l’un des frères. A partir de ce moment là, tous les crimes, même quand ils n’y seront pour rien, leurs seront imputés. Voulant attaquer et piller la diligence transportant la paie des hommes de la compagnie ayant voulu les exproprier, ils subiront les représailles par l’incendie volontaire de la maison de leur mère, ce qui les fera commettre un nouveau crime par pure vengeance. L’engrenage est lancé et ne pourra que mal se terminer. La fin tragique de ces héros participe de l’aura de romantisme dont le scénariste et les producteurs ont voulu entourer ces personnages afin de renforcer l’empathie que ressentiront les spectateurs à leur égard. Arthur Penn s’en souviendra quand il réalisera son chef-d’œuvre, Bonnie & Clyde.


Rien de nouveau donc dans ce film conventionnel de George Marshall mais il faut rappeler qu’il s’agit d’un des premiers fleurons des westerns consacrés aux desperados et pour cette raison nous nous devons d’être indulgents. Le film démarre d’une manière laborieuse puisque le premier quart d’heure nous assène un enchaînement de scènes se voulant humoristique mais n’arrivant qu’à nous désespérer, Andy Devine (le conducteur de la diligence dans le Stagecoach de John Ford) nous gratifiant en plus d’un cabotinage assez pénible. Ca s’arrange par la suite dès que le drame se met en place et qu’il en vient à remplacer le ton "léger" franchement déplacé du début. La dernière demi-heure, suite ininterrompue d’action et de coups de feu, convient bien mieux à George Marshall qui fait preuve alors d’un solide métier, aidé en cela par le souffle épique (parfois quasi-wagnérien) de la partition de Frank Skinner mais surtout par d'ahurissantes cascades de l’inimitable Yakima Canutt, ce dernier n’hésitant pas à se laisser glisser sous une diligence, à sauter avec son cheval d’un wagon dans une rivière (image célèbre qui a été ensuite maintes fois copiée y compris par Richard Brooks dans Les Professionnels), à courir sur le toit d’un train lancé à vitesse raisonnable…

Une série B mouvementée et plaisante mais qui est loin d’atteindre le niveau du western précédent du cinéaste, le délicieux et émouvant Femme ou démon (Destry Ride Again - 1939) avec le couple James Stewart / Marlène Dietrich ou celui de l’assez drôle La Vallée de la poudre (The Sheepman - 1958) avec Glenn Ford. Alors que Randolph Scott et Kay Francis sont en tête d’affiches, ce sont plutôt Grat et Bo Dalton, joués respectivement par Brian Donlevy et un excellent Broderick Crawford, qui retiennent l’attention. Il faut dire que Randolph Scott n’a pas le beau rôle dans When the Daltons Rode puisqu’il n’est d’aucunes scènes d’action, séquences pour lesquelles les spectateurs allaient avant tout voir ces bandes sans prétention. Vous n’allez pas vous relever la nuit pour vous extasier sur ce film mais il aura eu le mérite de vous avoir fait passer un assez agréable moment, finissant par une tuerie assez étonnante pour l’époque.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 29 août 2004