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Test dvd
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Trilogie Bill Douglas

DVD - Région 2
UFO
Parution : 19 novembre 2013

Image

La restauration de la trilogie a été menée par le British Film Institute à partir des négatifs originaux 16mm et 35mm des trois films. Ces éléments ont été nettoyés par HD-DVNR avec le risque de lissage que ce procédé apporte. Ici, le résultat est très satisfaisant, une attention particulière ayant été visiblement portée au respect du grain argentique. On se retrouve ainsi avec des copies très propres, nettoyées des poussières, taches et rayures, tout en évitant un aspect lissé qui aurait trahi l'esthétique des films. Si le nettoyage et la compression sont excellents, l'image n'est néanmoins pas totalement exempte de défauts avec dans le premier volet des blancs parfois cramés et des macroblocs sensibles dans les noirs. Douglas souhaitait dans cette première partie des noirs et des blancs très tranchés et les contrastes de cette édition respectent cette volonté mais provoquent tout de même ces quelques défauts numériques mais qui ne gênent en rien, il faut le souligner, le confort de vision.

Si l'on pouvait a priori regretter une édition uniquement en DVD sur notre territoire, a contrario du Royaume-Uni où la BFI a ressorti la trilogie en Blu-ray, le soin apporté à cette édition tient la dragée haute au support HD, les sources argentiques d'origine limitant de toute manière en terme de définition et de grain le résultat du transfert numérique.

Son

Si certains hésitent entre l'édition Blu-ray anglaise et le DVD français, il convient de rappeler que seul ce dernier propose des sous-titres en français. Ces sous-titres se révèlent particulièrement utiles même si l'on est familier avec la langue anglaise, l'accent écossais étant fort prononcé et rendant la compréhension du film parfois difficile. De plus, les acteurs marmonnent beaucoup et les dialogues sont souvent étouffés. Côté son, pas de spacialisation et de grands effets ici, on s'en sera douté, mais des ambiances feutrées, sourdes, proposées dans un bon mono des familles. La bande sonore a été restaurée et se révèle de très bonne qualité, sans souffle ni grésillements.

Suppléments

Tous les bonus sont regroupés sur un deuxième disque. On retrouve le court métrage de fin d'étude de Bill Douglas déjà proposé dans l'édition BFI mais pas le très complet documentaire de 63 minutes datant de 2006 et intitulé Bill Douglas : Intent on Getting Image, ni l'entretien de trois minutes avec le réalisateur. Mais en lieu et place, cette édition propose un autre excellent documentaire anglais de la série télévisée Laterna Magicka, des interviews avec Peter Jewell et Mamoun Hassan (qui étaient en partie intégrées à Intent on Getting Image) et surtout un entretien bien plus conséquent avec Bill Douglas de 29 minutes.

Entretien avec Bill Douglas (29 min - 1978)
L'entretien est découpé en deux parties sur le menu d'accueil. La première, d'une durée de 18 min, tourne autour de l'écriture et du tournage. La seconde, d'une durée de 11 min, revient sur la trilogie dans son ensemble.
Douglas débute en racontant son entrée dans le cinéma, de sa tentative de premier film - une adaptation de Tchekov tournée en 8mm - à son entrée à la London Film School. Il explique ensuite par le menu sa méthode d'écriture, l'écrit ayant une grande importance dans son travail. On découvre en passant qu'il a écrit des pièces de théâtre, des romans, des poèmes, et qu'il résout ses blocages d'écriture en se promenant dans les librairies. On sent que l'écriture est vraiment primordiale dans sa vie et qu'elle est la phase la plus importante de son travail de cinéaste. Douglas parle ensuite d'une autre passion, celle pour le pré-cinéma et l'animation des images. Il montre quelques pièces de sa gigantesque collection d'objets et l'on sent là encore sa fascination quasi enfantine lorsqu'il évoque les zootrope, praxinoscope et autres inventions donnant vie aux images fixes. Il revient ensuite à des questions de cinéma, évoquant la maigreur des budgets dans l'industrie britannique, la tentation des étudiants en cinéma à penser en dialogues et non en images et en sensations, sa volonté d'écrire sur l'ordinaire... autant de sujets malheureusement survolés alors qu'on aurait aimé l'entendre développer ces thèmes tant ils font sens avec son travail sur la trilogie. Heureusement, la deuxième partie de l'entretien creuse plus les questions de mise en scène, de tournage, de direction d'acteurs. Douglas parle longuement de ses acteurs Stephen Archibald (Jamie) et Joseph Blatchley (Robert), de la façon dont il fait ressurgir les images du passé, s'en imprègne, pour pouvoir tourner chaque scène. Là encore, c'est trop court et frustrant : Douglas est un excellent orateur et un cinéaste ayant une approche singulière du 7ème art, et l'on aurait aimé rester bien plus longtemps en sa compagnie.


Peter Jewell se souvient de Bill Douglas (13 min)
Peter Jewell, c'est le véritable Robert de My Way Home, celui qui a permis au jeune Bill Douglas de renaître et qui restera toute sa vie durant son ami le plus proche. Jewell raconte sa rencontre avec le futur cinéaste alors qu'ils ont tous les deux dix-huit ans et font leur service militaire près du canal de Suez. La version de Jewell diffère quelque peu de ce que l'on voit dans le film : Bill était moins renfermé et avait même plutôt tendance à s'épancher auprès de Jewell sur son triste sort, et ce n'était pas Marilyn Monroe mais Doris Day qui était affichée sur son placard de chambrée ! Jewell raconte ensuite leur amitié et l'on pénètre un peu avec lui dans l'intimité du cinéaste : sa timidité, ses angoisses de metteur en scène, son besoin de s'exprimer par l'art pour transcender l'expérience dramatique de sa jeunesse... un témoignage profondément touchant et qui permet de mieux comprendre l'homme et, ce faisant, son oeuvre.

Produire Bill Douglas (14 min)
Il s'agit d'un entretien avec Mamoun Hassan, directeur de la production à la BFI qui a permis à la trilogie de voir le jour. Hassan commence en soulignant lui aussi l'exigence du cinéaste, Douglas devenant fou lorsqu'il ne parvenait pas à obtenir le plan souhaité. Il insiste bien sur le fait que ce n'était pas des caprices mais une véritable souffrance qui le submergeait lorsqu'il n'arrivait pas à obtenir ce qu'il avait en tête. Il raconte ensuite sa découverte du scénario de My Childhood, un script aussi puissant que hors norme dans son écriture très littéraire et précise qui parvient à faire naître dans la tête du lecteur chaque plan sans faire appel à la grammaire habituelle. Les tournages de Douglas étaient tout aussi particuliers, notamment la direction des acteurs à qui il demandait de "parler le moins possible, d'en faire le moins possible", lui-même ne faisant la plupart du temps qu'une seule prise et devenant fou de rage lorsqu'il était contraint d'en faire une troisième. Douglas mettait les professionnels au même niveau que les amateurs en ne leur donnant pas le scénario à l'avance, les contraignant ainsi à être dans l'instant, dans la découverte et limitant ainsi la tentation de "jouer". Hassan dresse le portrait d'une homme complètement possédé par le film à faire, dur et intransigeant avec lui-même mais aussi avec les autres, congédiant régulièrement des collaborateurs, les effrayant même parfois. Rien d'autre ne comptait que le film à faire, pas pour l'argent, la reconnaissance mais parce que c'était vital pour lui. Un entretien très éclairant, très complémentaire de celui avec Peter Jewell.


Lanterne magique : Bill Douglas et l'histoire secrète du cinéma (60 min - 2009)
On retrouve au début de ce documentaire de Sean Martin et Louise Milne, Peter Jewell qui raconte comment pendant trente ans ils ont constitué avec Bill Douglas une collection unique d'objets consacrés au cinéma et au pré-cinéma. Une collection débutée en 1961 et qui à la mort du cinéaste comprenait 50 000 pièces qui sont regroupées aujourd'hui sous la forme d'un musée dont l'historien Ian Christie nous fait visiter une petite partie. On rencontre ensuite Helen Swift, la soeur du cinéaste, qui raconte la passion dévorante de Bill pour le 7ème art qui, enfant, ne passait pas un jour sans se rendre dans une salle obscure. Il adorait les Chaplin, les burlesques muets, les serials et vouait une passion pour Shirley Temple. Interviennent ensuite des proches, des collaborateurs, des spécialistes du cinéaste comme les acteurs Alex Norton et Robin Soan, le réalisateur Saxon Logan, les monteurs Mick Audsley et Charles Rees et bien d'autres encore. Des interventions parfois très courtes mais qui additionnées apportent de nombreuses informations sur l'homme, son oeuvre et le pourquoi de sa passion pour les jouets optiques qui prenait des allures d'échappatoire pour un homme qui ne trouvait que très difficilement les moyens de tourner ses propres films. S'entourer de ces objets et voir des films encore et encore l'aidaient à vivre.

Après cette forme d'introduction mosaïque on passe au coeur du documentaire qui est consacré à Comrades. Tout est passé en revue : la genèse, la production, le choix des acteurs, le tournage, les difficultés financières, les thématiques explorées par Douglas, la réception publique et critique du film... Alors que l'on aurait pu imaginer que cette fresque historique sur les martyrs de Tupuddle était moins personnelle que la trilogie autobiographique, on comprend qu'il n'en est rien et que ce projet tenait totalement à coeur à Douglas qui voyait dans ce film la possibilité de parler de sa vision politique et sociale du monde tout en intégrant, via le personnage du lanterniste, sa passion pour les jouets optiques et d'ainsi proposer un poème visuel jouant sur les émotions du spectateur. Comme le dit Peter Jewell, Douglas voulait tout mettre dans ce film. La quantité de témoignages nous immerge dans la conception d'un film très différent de la trilogie que ce soit stylistiquement ou en terme de moyens de production, et l'on apprend là encore énormément sur les méthodes de travail de Douglas et sa conception du cinéma. Ce documentaire complet, efficacement construit et richement illustré (par des extraits de vieux serials, des animations de jouets optiques, des photos de plateaux et même un passage de téléfilm où l'on peut découvrir Douglas acteur !) se révèle un excellent complément aux autres bonus, d'une part parce qu'il s'intéresse au quatrième et dernier film du cinéaste et d'autre part car la multiplicité des points de vue exprimés permet de mieux cerner encore qui était Bill Douglas.

Come Dancing (13 min - 1971)
Il s'agit du court métrage de fin d'étude de Douglas. Le film navigue brillamment entre chronique sociale et travail expérimental avec beaucoup d'idées de cadrage, de montage et d'utilisation de la bande sonore. Emprunts au free cinema, musicalité mods et un brin de provocation : on voit ici ce qui a pu attirer Bill Douglas chez un cinéaste comme Lindsay Anderson. Mais le film reste très personnel et surtout il montre un univers et un style très différent de celui de la trilogie ou de Comrades, ce qui nous fait encore regretter que Douglas n'ait pas eu plus d'opportunités d'exprimer son art.


Livret d'accompagnement
Ce corpus de bonus conséquent et passionnant (130 minutes au total) se voit complété par un très beau livret de 100 pages. Après une très courte et fort superficielle introduction d'Edouard Waintrop (critique et actuel directeur de la Quinzaine des réalisateurs), on entre dans le vif du sujet avec l'historienne et enseignante Louise Milne (la coréalisatrice du documentaire Bill Douglas et l'histoire secrète du cinéma) avec un texte très complet retraçant les grandes étapes de la vie et de la carrière du cinéaste.

On retrouve ensuite Peter Jewell qui nous offre un passage d'une autobiographie double qu'il a longtemps pensé écrire sur Bill et lui. Trois interludes de cette biographie devaient être consacrés à Douglas et au cinéma : Bill and Charlie, Bill and Marilyn et Bill et François. Les deux premiers - Chaplin et Monroe - étaient, comme l'explique Jewell, de vraies passions pour le cinéaste. Truffaut c'est différent, ce sont les critiques qui ont créé la correspondance. De leur jeunesse pauvre à la réalisation d'une autobiographie fictionnalisée, en passant par le rapport qu'ils entretenaient avec leurs jeunes acteurs (Stephen Archibald et Jean-Pierre Léaud) : le rapprochement saute effectivement aux yeux. Mais Douglas, s'il aimait Truffaut, ne ce sentait pas forcément proche de son cinéma et de sa démarche. Jewell s'amuse du coup à noter toutes les correspondances entre les deux hommes, que ce soit des passages de leur vie qui se ressemblent étrangement, des goûts cinématographiques partagés, des approches du cinéma qui se recoupent... Au-delà de l'exercice, amusant et plein d'enseignements sur la manière dont deux visions du cinéma peuvent se répondre et se faire écho, ce texte plein d'humour est bourré d'anecdotes qui sont aussi amusantes, touchantes que pleines d'enseignements sur Bill Douglas.

Le quatrième texte, signé John Caughie, est consacré à une rapide - mais passionnante - analyse de la mise en scène dans la trilogie. Caughie tâche de définir le style Douglas en étudiant la composition des plans, les échelles utilisées, le montage, les discrets mouvements de caméra, le jeu des acteurs, leurs déplacements, et parvient à partir d'exemples concrets à montrer comment l'émotion parvient à naître de la rigueur et de la sobriété du style Douglas. Cette analyse très pertinente se voit complétée par un texte tout aussi passionnant de Matthew Flanagan, spécialiste du cinéma expérimental : "la poétique de l'enfance : la forme et la composition dans la trilogie".

Intervient ensuite Sean Martin, l'autre réalisateur de Bill Douglas et l'histoire secrète du cinéma, qui évoque l'acteur Stephen Archibald, de sa rencontre avec Douglas à sa brutale disparition en 1998. Enfin, le dernier chapitre du livre est consacré au Musée du Cinéma Bill Douglas qui se trouve à l'Université d'Exeter. Ce corpus de textes judicieusement choisis car parfaitement complémentaires est très richement illustré par de nombreuses photos, des lettres, des storyboards : un travail de mise en page et d'iconographie exemplaire qui fait de ce livret d'accompagnement un modèle du genre.

Pour sa première sortie DVD, UFO nous propose du très bel ouvrage : des films rares proposés dans des copies excellentes, des suppléments consistants, un livret des plus agréables, un packaging soigné... on saluera donc leur travail en espérant que cette sortie soit un succès, tant pour l'éditeur que pour l'oeuvre de Bill Douglas qui mérite encore d'être découverte et partagée.

Par Olivier Bitoun - le 21 novembre 2013