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Test dvd
Image de la jaquette

Thérèse

DVD - Région All
Arte Vidéo
Parution : 22 septembre 2005

Image

Pour cette édition datant de 2005, Arte Video a mis les petits plats dans les grands : outre ses suppléments de qualité, elle peut se targuer d’une image radieuse qui fait honneur au raffinement de la photographie de Philippe Rousselot cherchant la pureté de trait des peintures de Georges de La Tour. Avec ses contrastes bien définis, son absence totale de scratches, de griffures, de problèmes de mouvance et de lissage, ce master qui se voulait alors "haute définition" reste la référence pour découvrir Thérèse.

Son

Le mono d’origine est respecté. Pas de souffle ou de sons parasites, ni de saturation, voilà une restitution de qualité d’une bande-son minimale, entièrement centrée sur la voix humaine, et ayant probablement fait des émules (Dumont n’a-t-il pas tourné son récent Camille Claudel 1915 dans un mono, lui aussi ?).

Suppléments

Vingt Ans Après - Inédit (4 min)
A l’occasion de l’édition de Thérèse par Arte Video, Alain Cavalier revient dans un de ses cahiers filmés sur sa rencontre avec Catherine Mouchet alors qu’elle était encore au Conservatoire d’Art Dramatique. Une photo d’elle est superposée à une Fiancée Juive de Rembrandt, littéralisant ainsi à l’écran "l’interstice" entre l’énergie d’une jeune fille et le hiératisme d’une peinture classique. Il raconte comment une conversation ininterrompue de deux ans avec la comédienne novice (pas encore choisie pour le rôle) a participé de l’élaboration du script, alors que l’actrice s’affinait et prenait en maturité. Elle lisait le Mouchette de Bernanos, ce qui nous permet une question qui n’a sûrement pas grande importance : Thérèse ne serait-il finalement pas plus janséniste que jésuite ?

Lettre d’Alain Cavalier (13 min)
Dans une ciné-lettre adressée aux amis, qui sera reprise par l’émission Cinema Cinemas, Cavalier relate la préparation de Thérèse. Dans la simplicité de son appartement, il passe en revue la feuille de papier à remplir, sans être écrivain, pour convaincre l’avance sur recettes, les sollicitations téléphoniques qu’il laisse en plan pour se concentrer sur son ouvrage, le verre de vin comme compagnon, des photo de Thérèse Martin, son Cahier, les croquis, une caméra Super 8 lui servant en guise d’échauffement. Comme Thérèse, Alain Cavalier ne manque pas d’humour et entrecoupe son exposé d’impromptus gratuits : une démonstration de découpage d’orange, une bouteille d’alcool qu’on vide dans l’évier avec une pompe volontaire (après tout « l’exagération ça fait partie de la mise en scène »). Se dessine en creux l’emploi du temps (au sens le plus pur du terme) d’un créateur pour qui tout passe par l’artisanat, de la solitude des préparations à la vie collective du tournage. Investir des heures pour un film qui ne se fera peut-être pas, convaincre des commissions, gagner bon an mal an leur confiance. Aujourd’hui le refrain n’a pas changé, mais sûrement Cavalier en alliant un nom déjà établi à la facilité du filmage numérique est-il, dans son cadre restreint, plus protégé que d’autres de l’arrogance des financierrs.


Georges de la tour (par Alain Cavalier) (26 min)
Cavalier a le tutoiement facile, qui ici désigne tantôt le spectateur invité à un exposé sur le peintre français, tantôt le cadreur affrontant la difficulté d’inclure dans un cadre horizontal (celui du cinéma) ceux tout en verticalité de La Tour. Contre la grandiloquence (les évocations du Ciel de Poussin), il joue la rudesse et la simplicité de La Tour, qui allait sûrement plus au café et peignait ces "petites gens" voutés qui « travaillaient pour ceux qui combattaient et qui priaient. » Comme dans Thérèse, se succèdent des tableaux au fond uniforme, sans décorum (meubles ou paysages) dans une épure extrême. Il confronte d’ailleurs les tableaux à un extrait VHS de son film. Les analyses sont ludiques et instructives. Application scolaire (dans le meilleur sens du terme) et joueuse d’un honnête homme mettant son érudition humaniste au service d’un point de vue d’expérimentateur ludique.

Alain Cavalier, 7 chapitres, 5 jours, 2 pièces-cuisine (55 min)
Un film de Jean-Pierre Limosin issu de la collection Cinéastes de notre temps d’André S. Labarthe et Jeanine Bazin. Commentant face à un écran TV l’évolution atypique de son oeuvre (d’une frange industrielle "maquillée" aux essais  de Thérèse où il trouve dans l’imperfection même du visage de Catherine Mouchet l’émoi brut qu’il recherchait), le cinéaste révèle un parcours à contre-courant de ceux qui ont commencé petit pour passer dans la cour des grands. C’est au contraire comme si son cinéma, en  enlevant du fard, gagnait en enfance, retrouvant dans le visage de l’actrice qu’il révèle le premier souvenir de ses cinq ans. De la star intimidante (Romy Schneider, Catherine Deneuve) à l’égalité des visages, c’est aussi une radicalisation politique qui se devine, mise en dialectique avec une « tyrannie de la face humaine » qu’il éprouve ainsi le besoin récurrent de voiler (la momie de Ce répondeur…, les carmélites de Thérèse, les braqueurs encagoulés d’un film de casse). Il est aussi beaucoup questions de mains dans ce documentaire : celles de Catherine Mouchet qu’elle n’aimait guère, des travailleuses de 24 Portrait, du cinéaste, que la caméra de Labarthe montre proche de ses sous (ce nerf de la guerre). Pauvreté choisie, décroissance appliquée : visages/mains/objets, petite équipe voir plus de techniciens du tout, indépendance maximale. De fait, Cavalier fut un précurseur de la caméra-stylo (vidéo gonflée en 35 millimètres au moment du reportage). Des extraits de ces « petites transgressions » qui peuplent L’Insoumis, Martin et Léa, Thérèse parsèment ce précieux document sur un cinéaste en activité, semblant alors sûr de la voie qu’il empruntera depuis (nous sommes après Libera Me) : un renforcement progressif de sa singularité, à prendre ou à laisser. Du son et de l’image, pour le script on verra. Rien de plus éloigné pourtant de cette intégrité revendiquée qu’une glorification de la « solitude de l’artiste, cette couillonnade bourgeoise », mais la mémoire des noms et des visages (ces photos de martyrs qu’il commente), le souvenir des collectifs, des nuits d’amour, des grandes salles de cinéma. Le jeu n’invite peut-être pas tout le monde, mais n’importe qui. Comme tous les jeux d’enfants, cela se joue on ne peut plus sérieusement.


Inclus dans le coffret :
Un livret de 56 pages incluant le découpage et les dialogues du film en son entier, mis en page par Carmen Fernandez et Catherine Schapira.

Par Jean-Gavril Sluka - le 2 octobre 2013