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Test dvd
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René Vautier en Algérie

DVD - Région All
Les Mutins de Pangée
Parution : 21 octobre 2014

Image et son

Avoir 20 ans dans les Aurès

Depuis vingt ans, les éléments de tirage étaient bloqués au laboratoire LTC pour des questions juridiques. Le film n'était ainsi plus disponible en copie 35mm et ne circulait que dans des copies vidéo très dénaturées. Après une longue bataille juridique, ces éléments ont enfin pu être rendus accessibles et la restauration du film envisagée.

Le film a été tourné en 16mm puis gonflé en 35mm en 1972. Le négatif 16mm restait donc l'élément de référence, les copies en 35mm présentant une perte de netteté et une image rognée. La restauration a donc été faite principalement à partir du négatif original 16mm, complété par l'internégatif inversible 35mm permettant de récupérer certaines scènes qui n'existaient plus que sur ce support. La restauration sonore a été réalisée à partir du magnétique son 16 mm et de l’internégatif son 35 mm. Tous ces éléments ont été numérisés et restaurés au laboratoire Digimage, sous l’expertise technique d’Hervé Pichard et de Florence Tissot de La Cinémathèque française, en collaboration avec Moïra Chappedelaine-Vautier. L'étalonnage a été effectué sous le contrôle de Pierre-William Glenn et l’ensemble de la restauration a été validée par Moïra Vautier et La Cinémathèque française en août 2012. Cette version restaurée en résolution 2K respecte le format d'origine (1.37), le montage et le son d'origine du film, mais aussi la texture granuleuse de la pellicule 16mm.

Si la copie est effectivement très bien nettoyée, si les couleurs ont retrouvé de leur peps, la compression est un peu problématique. On part bien entendu d'un négatif 16mm, mais au grain prononcé inhérent à ce support vient s'ajouter un fourmillement numérique visible surtout sur les fonds clairs ou unis. Ce défaut demeure léger et l'on ne peut que se réjouir de pouvoir pour la première fois découvrir le film dans d'aussi bonnes conditions.

Les autres films

Tout d'abord, il ne faut pas perdre de vue que la plupart de ces films ont été tournés dans des conditions compliquées, souvent en 16mm et avec du matériel de récupération. Au-delà du tournage, leur conservation - et même leur sauvegarde - a été rendue difficile par les interdictions des autorités et les destructions massives des éléments. Il faut donc mesurer dans un premier temps la chance que nous avons de pouvoir les découvrir dans des conditions globalement très satisfaisantes.

Malgré leur restauration, les copies restent dans l'ensemble bien abîmées. On compte de nombreuses griffures, des taches, des points noirs. Ces défauts sont souvent très visibles dans les premières bobines des films, l'état général allant plutôt en s'améliorant par la suite. Certains des films restent cependant dégradés sur l'ensemble de leur métrage. Les couleurs sont souvent passées, délavées. La compression est par contre de bonne tenue (on note cependant parfois des effets de macro-blocs, comme dans J'ai huit ans) et l'image stable.

Certains films - comme Le Glas ou Guerre aux images en Algérie - sont issus d'enregistrements télévisés et sont dans des qualités très dégradées, l'état des copies se doublant alors d'un manque de définition flagrant. C'est également le cas de A propos de... l'autre détail qui n'a pas été conformé et est présenté dans une copie vidéo de qualité très médiocre.

Les Ajoncs et Les Trois cousins sont globalement proposés dans un excellent état. Parmi les films présentant des copies correctes on trouve Les Anneaux d'or, Algérie en flammes, J'ai huit ans. Et pour ceux dont les copies restent très abîmées : Peuple en marche, La Caravelle. Techniquement si simple, Le Remords et Déjà le sang de mai ensemençait novembre.

Côté son, c'est dans l'ensemble clair et propre et les films ne présentent au pire qu'un léger souffle ou des défauts passagers.

Suppléments

Entretien avec René Vautier (8 min 50 - 2012)
Ce petit entretien est une parfaite introduction au présent coffret. René Vautier y raconte son entrée dans la résistance puis sa décision de ne plus toucher une arme mais de continuer à combattre avec une caméra. A travers l'évocation de quelques moments clefs de son parcours - Afrique 50, la Tunisie, Algérie en flamme, Avoir 20 ans dans les Aurès - il parle de son engagement auprès des peuples opprimés et de sa lutte pour leur donner la parole.

Bande-annonce de Avoir 20 ans dans les Aurès (1 min 10 - 197?)
Une bande-annonce économe constituée d'une succession de cartons, écrits à la main, reprenant des citations presses (« Un film de salubrité publique » pour Le Nouvel Observateur, « Le film le plus libre, le moins conformiste » pour Louis Marcorelles du Monde...). On comprend à la lecture d'une des citations signée Charlie Hebdo que celle-ci a été réalisée à l'occasion du premier passage du film à la télévision française.

Remise du collier de l'Hermine (5 min 40 - 2000)
En 2000, René Vautier est à Pontivy pour recevoir le collier de l'Hermine. La cérémonie se déroule naturellement - discours et applaudissements - lorsque intervient depuis la salle, Claudine Dupont-Tingaud, ancienne conseillère Générale FN de la Région Bretagne qui s'indigne de cette distinction scandaleuse. Vautier répond posément en faisant lecture du courrier envoyé par l'ancienne conseillère au comité du collier de l'Hermine, le contenu suffisant tout simplement à ridiculiser l'indignée et à rappeler la honteuse relecture que le FN peut faire de l'histoire. En 2010, la même Dupont-Tingaud sera condamnée pour diffamation suite à ses accusations portées contre René Vautier et Mehdi Lallaoui, accusés de propager des informations mensongères et de développer « des thèses racistes anti-françaises au bénéfice du néocolonialisme humanitaire. »

René Vautier, l'indomptable de Jacques Royer (23 min - 1996)
Une petite mise en scène de cirque vient introduire « l'homme le plus censuré de France » qui depuis sa cage salue le spectateur de son classique « salut et fraternité ». Vautier s'amuse dans cet hommage qui lui est rendu, mais n'oublie pas en passant de faire sa propre hagiographie : sa lutte avec les autorités, la censure, ses passages en prison, ses passages à tabac, les balles reçues, les blessures, les séjours à l’hôpital, les expulsions, les vols de pellicule, les menaces... En une vingtaine de minutes, Jacques Royer essaye de raconter le parcours de Vautier en s'appuyant sur des extraits et des témoignages passés ou réalisés pour l'occasion avec le cinéaste. René en Afrique, René en Tunisie, René en Algérie, René au Festival de Cannes, René en Bretagne... les chapitres s'enchaînent sans que le film ne prenne le temps d'explorer vraiment chaque sujet.

On apprécie les images d'archives, les anecdotes multiples mais on ne fait vraiment que survoler l'oeuvre du cinéaste. On ne rentre jamais dans la création, le film se contentant de raconter l'engagement, le militantisme de Vautier, son aventure humaine. C'est bien sûr un aspect primordial, mais c'est toujours celui qui est raconté encore et encore. Et comme Vautier prend toujours lui-même en charge le récit de sa vie, ce sont des histoires que l'on connaît par cœur et qui donnent le sentiment à force de répétition d'être une histoire officielle dont on aimerait parfois découvrir l'envers, ou d'autres points de vue. Il ne s'agit pas de remettre en cause la bonne foi de René Vautier, mais juste regretter un peu que l'on ait si peu fait parler ses collaborateurs, ce qui aurait permis de raconter autre chose de l'homme et de ses films, et peut-être ce faisant de quitter un peu l'aspect engagement politique pour parler cinéma, chose que Vautier aborde trop peu souvent par lui-même. De la même manière - et c'est flagrant dans tout le passage du documentaire consacré à l'UPCB - cette concentration sur la seule personne de Vautier empêche une vue d'ensemble du mouvement dans lequel il s'inscrit. On ne relie que trop peu Vautier aux autres acteurs du cinéma d'intervention sociale, du cinéma militant, comme s'il était un artiste solitaire alors que c'est au contraire un cinéma basé sur les rencontres, les échanges, les collaborations, le partage d'expériences. Ainsi, pour illustrer les films de l'UPCB, il n'y a à une exception près que des extraits de films signés Vautier, aucun autre nom ne venant montrer l'effervescence du mouvement cinématographique breton qui reste du coup accroché à son seul nom. Bien sûr, l'objet du film est de raconter Vautier, mais comment vraiment le raconter en l'isolant, comme une statue de commandeur du cinéma militant ?

Entretien avec Pierre Clément (18 min - 1998)
Histoire de faire mentir ce que nous venons de dire juste au-dessus, le bonus suivant est consacré à un proche collaborateur de Vautier, le chef opérateur Pierre Clément. Après être sorti de l'IDHEC, Clément travaille à Paris et se fait appeler par Vautier, alors installé en Tunisie, pour la réalisation des Anneaux d'or. Il reste en Tunisie pendant toute cette première année de l'indépendance du pays. En 1958, Clément part filmer Saqiet Sidi Usuf qui vient d'être bombardé par les forces françaises. Il se rend du côté interdit de la ligne Morice pour suivre les combattants du FLN. Ces images qu'il ramène du conflit sont montées en Italie et forment les deux premiers volets (Saqiet Sidi Usuf et Réfugiés algériens) de ce qui devait devenir une trilogie sur la guerre d'Algérie. Pierre Clément retourne en effet dans le djebel, mais après avoir filmé pendant deux mois il est arrêté en octobre 58 par les autorités françaises, torturé et condamné à dix ans de prison (il en fera deux en Algérie puis deux en France). Amnistié en 1962, il est libéré mais ne récupère ni son matériel de prise de vues, ni la pellicule tournée... Le dernier volet de la trilogie ne verra jamais le jour. Clément passe par la Suisse puis retourne en Algérie où il essaye de monter un projet de long métrage. Suite à un très grave accident de voiture, il reste cinq ans sans travailler. De retour en France, son passé algérien lui ferme les portes aussi bien du cinéma que de la télévision. Il ne travaille qu'épisodiquement comme chef opérateur et sa carrière est littéralement brisée par son engagement politique.

Vautier fait appel à lui pour Avoir 20 ans dans les Aurès (1972) et La Folle de Toujane (1974), et cet entretien qu'il mène avec son ami et collaborateur est l'occasion de lui rendre hommage. On sent que Pierre Clément est un homme d'une grande modestie, jamais il ne se gargarise de ce qu'il a fait, semblant simplement penser qu'il a agi naturellement, mu par la simple nécessité de témoigner. L'entretien se concentre uniquement sur son arrestation et les images tournées pendant la guerre et confisquées par l'armée. Dommage car on aurait aimé en savoir encore plus sur le parcours de cet homme dont la simplicité le dispute au courage.

Alger : Révolution africaine (11 min 25 - 2014)
L'historien Jacques Choukroun explique comment l'Algérie devient dès son indépendance une plaque tournante de la lutte pour la décolonisation, un lieu où se construisent les luttes africaines pour la libération des peuples opprimés. Un témoignage très intéressant qui permet de comprendre la présence des films anti-Apartheid de Vautier dans ce coffret consacré à l'Algérie.

La Loi du silence (23 min - 2003)
Ce film de Moïra Chappedelaine-Vautier, fille du cinéaste, interroge la Loi d'amnistie de 1963 et les conséquences que cette loi a eue sur les études menées sur la guerre d'Algérie. Elle fait intervenir son père, mais aussi Henri Alleg, Pierre Vidal-Naquet et beaucoup d'autres spécialistes. Un reportage très intéressant, qui rappelle notamment que l'Amnistie n'est pas un pardon mais l'effacement de la peine mais aussi du crime lui-même.

Bande-annonce Afrique 50 (7 min 35)
Il s'agit d'une bande-annonce réalisée par Les Mutins de Pangée pour la promotion de leur édition DVD+Livre du film en septembre 2013. Celle-ci est composée d'extraits du film et d'une rapide présentation des bonus : des bouts d'entretien avec l'historien Alain Ruscio, la critique Nicole Brénez et René Vautier, ou encore de larges passages de De Sable et de sang de Michel Le Thomas.

Bande-annonce Algérie Tours / Détours (2 min 15)
Bande-annonce de ce film consacré à l'aventure des ciné pop menés par Vautier après l'indépendance de l'Algérie. Quarante après, Oriane Brun-Moschetti et Leïla Morouche accompagnent Vautier sur les routes d'Algérie à l'occasion d'une tournée-projection des films réalisés à l'époque. Où quand les images d'hier rencontrent l'Algérie d'aujourd'hui. On ne peut que regretter que le film dans son entier ne soit pas proposé dans ce coffret tant il serait venu compléter à merveille cette histoire de Vautier et l'Algérie...

Livret de 28 pages
Ce livret s'ouvre sur un entretien avec René Vautier où le cinéaste raconte la Résistance, l'Algérie, la censure... Un échange très intéressant mais malheureusement trop court ! Suit un texte de Marie Chominot qui rappelle de manière concise et précise la carrière de Vautier, l'auteure mettant en avant comme on peut s'en douter son rapport à l'Algérie et les éléments les plus emblématiques de sa vie et de son œuvre. On trouve ensuite une succession de notules où chacun des films est rapidement présenté, seul Avoir 20 ans dans les Aurès bénéficiant d'un texte un peu plus conséquent signé de la toujours pertinente Nicole Brénez. Très joliment illustré et mis en page, ce livret vient présenter de manière synthétique et documentée le contenu du coffret.

En savoir plus

Pour les analyses des films, se reporter au dossier René Vautier en Algérie

Par Olivier Bitoun - le 20 février 2015