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Test dvd

Les Proies du vampire

DVD - Région All
Parution :

Image

1.33 standard ou "full frame Academy" comme disent les anglais. Splendide transfert numérique qui rend hommage aux magnifiques images N.&B. composées par le directeur de la photographie Rosario Solano et son opérateur Hugo Velasco, en dépit de quelques effets de rémanence fugace sur un ou deux plans. L’ensemble est doté d’une très belle compression, d’une haute définition, d’un contraste magnifique, de noirs d’encre admirablement restitués. On n’est pas en présence d’une copie "laiteuse" comme on en voyait lorsque le projectionniste de la salle de cinéma augmentait la lumière excessivement. Un peu de grain et de bruit vidéo sur certains plans d’ensembles au début (fumée du train qui entre en gare) mais pour le reste, la copie ayant servi au transfert est la plus belle que nous ayons jamais vue de ce classique devenu invisible en France depuis près de 15 ans : quelques rayures, griffures, brûlures de cigarette et poussières blanches mais sans comparaison avec la copie bien usée que nous avions pu voir vers 1986 à Paris au cours d’un festival. Un doute concernant une coupure de la censure vers 29’29’’ à la fin de la vampirisation d’un enfant : cette scène d’une cruauté inconcevable à l’époque n’a pas dû la laisser indifférente et un ou deux plans du cadavre sont peut-être absents car le montage de la fin de cette séquence et de la suivante est un peu trop heurté pour ne pas éveiller les soupçons. Quoiqu’il en soit, sur l’ensemble, admirable travail de restauration du matériel d’origine. Mentionnons aussi une très belle jaquette utilisant la partie purement picturale de l’affiche publicitaire mexicaine d’époque.

Son

Deux versions proposées dont une v.o. pure espagnole et une v.o. avec sous-titrage anglais. Les sous-titres sont très lisibles sans tenir trop de place : ils ne défigurent pas le film et sont corrects du point de vue de la traduction. Il existe certes une version française d’époque puisque le film fut distribué dans notre pays mais dans quel état est-elle et qui en a les droits ? L’essentiel est bien cette version mexicaine originale qui met en valeur la psychologie des personnages, rend sensible les nuances d’accents, restitue les adorables voix légèrement rauques et toujours chaudes des actrices latines dont on ne lasse pas. Le film fut peut-être tourné en mono et il pourrait s’agir ici d’une remastérisation stéréo. Cela dit, les Mexicains pouvaient avoir accès sans coût démesuré au matériel américain d’enregistrement. Quoiqu’il en soit le rapport musique / effets / dialogues restitué en Stéréo 2.0 est très beau. Il suffit amplement à notre bonheur. On déplore naturellement l’absence de sous-titres français et de v.f. d’époque mais les riches éditeurs qui auraient inclus de tels suppléments sont précisément ceux qui ne vous proposeront pas un tel film ! Notons que la partition symphonique composée et orchestrée par, respectivement, Enrique Rodriguez et Gustavo C. Carrion, est contemporaine d’une belle manière, à certains instants, du style de James Bernard inauguré la même année tout en conservant l’influence des compositeurs des années 1940 comme Hans J. Salter. On ne se lasse pas de l’écouter.

Suppléments

Le menu principal commence par une animation sophistiquée commune aux DVD de l’éditeur (1’ à peu près) puis fait place au menu général spécifique du film, constitué d’un beau montage de quelques-unes unes de ses plus belles images : cela a l’inconvénient de révéler d’avance certains des plus beaux plans et donc de couper l’effet de surprise mais enfin… c’est la mode actuelle. Ce montage est sonorisé par la musique originale : il est en soi très beau. D’une manière générale, les menus sont très lisibles et leur navigation est intuitive et rationnelle. Ce menu principal est donc divisé en 4 sections.

1) Play : pour voir le film immédiatement.

2) Subtitles : "on" pour choisir la version mexicaine originale sous-titrée anglaise / "off" pour une v.o. mexicaine (parlée espagnol, par conséquent) pure.

3) Chapters : il est divisé en 2 x 6 = 12 sections illustrées et sonorisées par la musique du film. L’ensemble est beau et bien présenté.

4) Suppléments : ils sont divisés en 3 sections :

a) English version : version anglaise. On ne pense pas que le dvdphile français aura besoin de cette option mais elle est disponible à cet endroit et non pas, assez curieusement, dans une rubrique "langage" générale.

b) Photo-Novel : The Vampire Coffin : "Roman-photos : Le cercueil du vampire". Remarquable document puisqu’il s’agit d’un photos-roman composé de près de 110 photogrammes N.&B. de El ataud del Vampiro [inédit en France] (Mexique, 1959) de Fernando Mendez. Film invisible en France et dont nous découvrons avec ravissement le scénario et la structure sur ces images de qualité moyenne, dont les bulles espagnoles sont traduites en anglais, mais qui sont l’unique trace de la suite du film de 1957. On constate que Robles interprète à nouveau le comte Lavud et que Salazar et Ariadna Welter reprennent aussi leurs rôles respectifs. Le scénario est digne des films d’Erle C. Kenton de 1945 (on ne vous en dit pas plus afin de vous laisser intacte la surprise visuelle) et on ne souhaite qu’une chose, après avoir visionné ce document passionnant : que Pete Tombs, le directeur de Mondo Macabro, retrouve un jour une copie de ce film et le distribue !

c) Play Documentary : Mexican Horror Movies : Documentaire vidéo sur le cinéma fantastique mexicain (durée : 21’10’’ – en 16/9) absolument passionnant pour qui comprend l’anglais parlé sans sous-titre, naturellement. Composé d’un montage de deux entretiens avec Ignacio Duran, directeur de l’Institut de la Culture Mexicain, et le critique anglais David Wilt qui rédigea le § Masked Men and Monsters : Mexico pour le livre de Pete Tombs, Mondo Macabro – Weird & Wonderful Cinema Around the World, Titan Books, Londres Octobre 1997, pp. 136-148 (livre qui donne son titre à ce label DVD aussi dirigé par son auteur), et de nombreux extraits de films aux formats divers, de fragments d’affiches, de photos d’exploitation. On y brosse l’essentiel de ce que tout cinéphile doit savoir pour comprendre l’histoire culturelle et industrielle du cinéma mexicain fantastique, avant comme après le film de Mendez qui en est le chef-d’œuvre. Le cinéma "grand public" mexicain avait connu son âge d’or en 1940-1953. Puis il connut une crise relative de fréquentation et les 2.000 à 3.000 cinémas du pays commencèrent à voir leurs encaissements diminuer. Certains producteurs indépendants comme l’ancien acteur populaire Abel Salazar (un peu le William Powell mexicain, nous dit-on) eurent l’idée d’acclimater l’ambiance des films fantastiques de l’Universal des années 30-39 au Mexique de 1955-1960. German Robles, acteur de théâtre classique, immortalisé par son rôle, déclarait : "J’ai joué ce rôle pour manger.". Quant à Mendez, devenu aujourd’hui un auteur-culte, non seulement auprès des jeunes cinéphiles mexicains mais encore auprès des cinéphiles fantastiques du monde entier, il fut objectivement considéré par ses collègues de l’époque comme sacrifié par ses producteurs sur l’autel du commerce alors même qu’il livrait l’œuvre d’art cinématographique la plus belle de toute l’histoire de leur cinéma national ! On évoque ensuite quelques perles rares comme El Baron del Terror [The Brainiac / inédit en France] (Mex. 1961) de Chavo Urieta, La maldicion de la llorona [The Curse of the Crying Women / inédit en France] (Mex. 1961) de Rafael Baledon, etc. Vers la 12’ commence la narration de la saga des Santo, l’enmascarado de plata d’abord héros de bandes-dessinées puis personnage de films : on lui fit combattre tous les personnages de l’âge d’or de 1931-1939 : vampire, momie, loup-garou, médecins fous jusqu’aux environs de 1970, période où un Santo fut significativement retitré El vampiro y el sexo afin de revigorer la série. Elle disparut néanmoins des écrans avant un come-back dopé aux effets spéciaux numériques en 2001. Santo ne peut pas mourir : il fait indéniablement partie de l’âme mexicaine. Enfin, un regard sur la génération des années 1970 permet de redécouvrir ce que fut, entre autres, La Mansion de la locura [Le système du Dr. Goudron et du Professeur Plume] (Mex. 1972) de Jose Luis Moctezuma - adapté d’Edgar A. Poe, un film authentiquement surréaliste et sans grand rapport avec ce que faisait Roger Corman quelques années auparavant puisque Moctezuma était collaborateur de Fernando Arrabal et Alejandro Jodorowsky ! Enfin une triste conclusion : la nationalisation du cinéma mexicain au début des années 1980 semble avoir tué toute velléité dans l’œuf, à l’exception de l’immortel Santo qui renaît de ses cendres avec une belle vigueur en 2001 – avec trucages numériques et confortable budget !

Par Francis Moury - le 15 février 2004