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Test blu-ray
Image de la jaquette

Pandora

BLU-RAY - Région B
Carlotta Films
Parution : 27 octobre 2021

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Pandora rejoint cette année la collection Ultra Collector de Carlotta, la fin d'une longue attente pour le cinéphile français qui n'avait plus accès au film en vidéo depuis bien longtemps, à moins de se tourner vers l'import. En 2008, la George Eastman House, soutenue financièrement par des organismes comme la Film Foundation, s'est lancée dans la restauration photochimique du négatif Technicolor de Pandora. Le master HD qui en a découlé est sorti en Blu-ray chez les Américains de Kino Lorber en 2010 puis en France en DVD en 2012, sous la bannière Films Sans Frontières, éditeur à la réputation douteuse pour la légalité de ses mandats d'exploitation. Ce n'était visiblement pas qu'une légende puisque le peu scrupuleux FSF dut finalement retirer le DVD de la vente...

Seconde étape en 2019 lorsque The Cohen Film Collection, avec l'aide d'OCS, finance une restauration numérique de ce négatif restauré, à partir d'un nouveau scan 4K et un parti pris esthétique radicalement différent de tout ce que l'on avait pu voir jusqu'à présent. Car pour se rapprocher au plus près du "rendu parfait d'une copie originale", les historiens-spécialistes Technicolor du Musée George Eastman ont choisi de prendre comme références une copie de 1951 issue de la collection personnelle de Martin Scorsese et une copie 16mm Technicolor IB, deux éléments de tirage d'époque en "dye-transfer", une méthode alternative de tirage par transfert thermique de colorants, plus stable que l'habituelle photochimie. Ce nouveau master est sorti en Blu-ray aux Etats-Unis en 2020, chez Cohen Media.

Le résultat permet aujourd'hui une qualité de visionnage plus qu'appréciable. On remarque déjà l'excellence du travail effectué sur le négatif, avec les trois matrices (rouge/vert/bleu) du Technicolor parfaitement alignées qui permettent de restituer des images à la finesse palpable et sans contours colorés. Le niveau de détail est satisfaisant, sans toutefois atteindre une très grande précision dans les étoffes et les textures. Nous ne sommes pas devant un rendu clinquant ni flou, peut-être un peu doux à la rigueur même si l'impression de Haute-Définition est bien là.... A l'exception habituelle des plans truqués, fondus enchaînés ou au noir, dont la fabrication imposait une perte de génération, et qui sont ici très repérables, notamment par la brusque perte de finesse qu'ils occasionnent. Le 4K permet également une belle gestion du grain, désormais plus discret mais toujours présent, sans gommage particulier. L'apport spectaculaire de cette nouvelle restauration est évidemment son changement radical de tonalité, passant d'une certaine froideur en 2010 à un aspect chaud et ambré affirmé en 2021. Les temps changent, comme les méthodes de restauration : plus soucieux qu'auparavant de respecter les teintes d'origine, les spécialistes du George Eastman Museum ont choisi pour références des éléments qui ne sont pas le fruit du hasard. Les doutes légitimes quant à la fiabilité des deux copies ont probablement été évoqués, sous-pesés, nous leur faisons confiance. D'autant que le rendu est vraiment convaincant, cohérent dans ses tonalités, jamais disproportionné ou douteux. Ce scan 4K de belle tenue offre une palette de couleurs très cohérente dans ses tons chauds idéalement saturés, permettant une jolie restitution des nuances.

Nous nous permettrons cependant d'exprimer quelques bémols sur certains détails d'étalonnage. De nombreux plans (incluant les fondus cités précédemment) détonnent régulièrement dans leurs couleurs et leurs contrastes, avec des raccords-couleur parfois peu discrets d'un plan à l'autre. Même si la cohérence avec le rendu "salle" et le respect des défauts d'époque est compréhensible et justifiable, quelques raccords auraient peut-être pu se voir légèrement réajustés de manière invisible pour éviter d'être aussi remarqués. D'un plan à l'autre, des noirs rougeâtres peuvent s'enchaîner avec des noirs neutres et sans dominante (effet garanti pendant les scènes en nuit américaine !), quelques carnations plus ambrées peuvent glisser imperceptiblement vers un léger magenta lorsqu'elles sont en gros plan, des images peuvent brusquement perdre quelques points de saturation par rapport au plan précédent, etc. Des exemples très spécifiques, brefs mais répétés, qui pourront distraire le spectateur mais qui restent heureusement mineurs...

Nous accompagnons ce test de plusieurs comparatifs avec les deux DVD sortis en France et le premier Blu-ray américain de 2010 :

DVD Editions Montparnasse (2000) vs. Blu-ray Carlotta (2021) : 1 2 3 4 5 6 7

DVD Films Sans Frontières (2012) vs. Blu-ray Carlotta (2021) : 1 2 3 4 5 6 7

Blu-ray Kino (2010) vs. Blu-ray Carlotta (2021) : 1 2 3 4 5 6 7

Son

La version originale a été bien restaurée, nettoyée des impuretés du temps et restituée dans une qualité assez bonne. Les dialogues sont très clairs, les ambiances bien équilibrées. La VO est proposée dans un mono 1.0 classique et efficace ainsi que dans un remix 5.1 à l'ouverture un tout petit peu plus affirmée et à la spatialisation heureusement mesurée (ce sont les canaux frontaux qui sont essentiellement sollicités). Carlotta reprend la version française jadis proposée sur le DVD des Editions Montparnasse, au rendu plutôt positif, assez propre et sans sifflantes. Le mixage est un peu plus couvert qu'en VO, il se distingue parfois par des signes de détérioration du signal (piste optique usée), notamment sur les voix.

Suppléments

Pandora est le vingtième coffret Ultra Collector de Carlotta, un nouveau classique réédité en tirage limité à 2 500 exemplaires, avec un visuel signé par l'anglais Stephen Millership. Proposé en DVD et en Blu-ray, le film est accompagné d'un livre inédit de 160 pages écrit par l'historien Patrick Brion. Les fidèles de son Cinéma de Minuit sur France 3 ne seront pas surpris de le voir ici à l'oeuvre, tant il a été parmi les plus actifs défenseurs d'Albert Lewin en France, consacrant pendant plus de 40 ans des cycles réguliers aux six films "hors du temps" de ce cinéaste méconnu, jusqu'à lui dédier un livre en 2002. Illustré de 30 photos d'archive, le livre Pandora dresse le portrait d'Albert Lewin, personnage atypique d'Hollywood, érudit, "fin lettré" et grand amateur d'art, mais aussi figure de l'ombre de la MGM des années 30, du temps d'Irving Thalberg. Resté consultant pour la major, Albert Lewin prendra ponctuellement son envol en indépendant pour se frotter plus personnellement au cinéma, réalisant tout de même deux chefs-d'oeuvre : Le Portrait de Dorian Gray et donc Pandora, dont Brion raconte des anecdotes de tournage à partir d'interviews et d'articles retrouvés dans ses archives. Sont évidemment évoqués la belle Ava Gardner, tourbillon sulfureux dont la vie privée tissera parfois d'étranges parallèles avec le film, la "carrière exceptionnelle" de James Mason qui alterna compositions remarquées et rôles plus commerciaux, ou l'apport indispensable du directeur de la photographie (et futur réalisateur) Jack Cardiff.

Patrick Brion propose ensuite plusieurs documents d'achive : un texte d'Albert Lewin sur le "délibérément surréaliste" Pandora, l'hommage de Jean Renoir au cinéaste précurseur et "indispensable à notre époque", et des extraits d'autobiographies en rapport avec le tournage. Ava Gardner parle d'un film qui a changé sa vie "pour toujours" en lui faisant découvrir l'Espagne et l'Angleterre. Elle précise assez sèchement les circonstances de sa fausse romance avec Mario Cabré ("une nuisance et un crétin") qui fit couler beaucoup d'encre à l'époque, alors qu'elle convolait avec Frank Sinatra. James Mason, aussi amer que franc, ne cache pas sa déception en découvrant que le film Pandora n'était pas au niveau des promesses suscitées par Albert Lewin, qu'il admirait visiblement... en tout cas jusqu'à ce que le tournage débute, le réalisateur s'étant alors transformé en "führer calme". Jack Cardiff se souvient d'un réalisateur "transporté" par la beauté de son actrice, au point de lui consacrer un nombre démesuré de gros plans, et donne à son tour son point de vue sur les complications amoureuses d'Ava Gardner pendant la production. Le photographe Man Ray, figure du surréalisme, parle de la maison de son ami Albert Lewin, "le dernier cri de l'architecture moderne", revient sur les efforts du cinéaste pour l'"intégrer à son univers" à la MGM ou comment il a travaillé sur un portrait d'Ava Gardner pour Pandora. Patrick Brion a également réuni quelques critiques parues dans la presse, pas toujours tendre ("un vrai navet" pour Le Figaro, un "cinéma involontaire" pour les Cahiers du Cinéma) et le fac-similé d'une bande dessinée adaptée du film, parue en 1951 (sur 30 pages). Un ensemble pertinent et rempli d'informations mais qui, on l'avoue, manque un peu des approfondissements analytiques qui ont fait le succès et l'intérêt de la collection.

Pandora est accompagné de plusieurs suppléments :


Un rêve de cinéma (7 min - SD upscalé en HD)
Reprise du DVD des Editions Montparnasse, une courte présentation écrite par Pierre Olivier (aujourd'hui responsable de TF1 Studio) et lue par Hugues Peysson (qui a, depuis, créé l'Atelier d'Images). Un condensé riche en informations sur l'"esthète" Albert Lewin et "son oeil tatillon", la production anglaise tournée en Espagne, la photographie "audacieuse" de Jack Cardiff, la participation d'Ava Gardner pour son premier film en couleurs, dans ce rôle de "femme ultime". Une bonne introduction à Pandora, "un rêve poétique et sensuel".

Jack Cardiff ouvre la boîte de Pandore (12 min - HD)
Un bref entretien avec le directeur de la photographie Jack Cardiff par le documentariste Yves Montmayeur, entrecoupé de nombreux extraits de Pandora. Cardiff raconte quelques anecdotes de la production de Pandora, comme les conditions extrêmes d'ensoleillement qui lui firent abandonner le tournage des scènes de nuit en plein jour pour les refaire plus tard en studio, les acteurs étant aveuglés par le soleil de plomb. Il se souvient de la "réelle vision artistique" d'Albert Lewin, de son grand intérêt pour la peinture, et parle brièvement du travail avec le directeur artistique John Bryant, loin de la "vision touristique". Il évoque avec humour ses multiples collaborations avec Ava Gardner, son visage compliqué à éclairer parce qu'elle était éternellement fatiguée : sur Pandora parce qu'elle passait ses nuits au téléphone avec son amoureux Franck Sinatra, et quelques années plus tard pour La Comtesse aux pieds nus, parce qu'elle venait de rompre avec lui et qu'elle en était inconsolable... Des souvenirs en partie évoqués dans le livre de Patrick Brion.


Le torero de Cordoue (18 min - SD upscalé en HD)
Court documentaire espagnol produit en 1947 pour célébrer le toréador le plus marquant de son époque, Manuel Rordiguez "Manolete", tragiquement disparu pendant une corrida. L'occasion de voir quelques faenas du modèle qui inspira le personnage de Juan Montalvo, dans Pandora.

Ouverture alternative (2 min 26 s - VOSTF - HD)
Extrait d'une copie britannique (non restaurée) avec un texte introductif différent, qui reprend les vers du Rubaiyat qui clôturent le film.

La restauration (5 min - HD)
Un comparatif colorimétrique effectué entre l'ancien master et la nouvelle restauration 4K.

Bande-annonce originale (2 min 01 s - n&b - VOSTF - HD)

Bande-annonce présentée par Hedda Hopper (2 min 59 s - VOSTF - SD upscalé en HD)
Pour attirer un public plus populaire et féminin, MGM s'est offert l'aide d'Hedda Hopper, ancienne actrice devenue échotière dans la presse et à la radio, qui introduit la bande-annonce Pandora et insiste sur le glamour de son actrice Ava Gardner...

Bande-annonce de la restauration (54 s - VOSTF - HD)

En savoir plus

Taille du Disque : 44 697 733 746 bytes
Taille du Film : 33 958 260 288 bytes
Durée : 2:04:05.896
Total Bitrate: 36,49 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 29,98 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 29986 kbps / 1080p / 23,976 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: English / DTS-HD Master Audio / 5.1 / 48 kHz / 2369 kbps / 24-bit (DTS Core: 5.1 / 48 kHz / 768 kbps / 24-bit)
Audio: English / DTS-HD Master Audio / 1.0 / 48 kHz / 1017 kbps / 24-bit (DTS Core: 1.0 / 48 kHz / 768 kbps / 24-bit)
Audio: French / DTS-HD Master Audio / 1.0 / 48 kHz / 1049 kbps / 24-bit (DTS Core: 1.0 / 48 kHz / 768 kbps / 24-bit)
Subtitle: French / 27,166 kbps
Subtitle: French / 1,513 kbps

Par Stéphane Beauchet - le 7 décembre 2021