
Les Espions
BLU-RAY - Région B
Potemkine Films
Parution : 7 février 2023
Image
Ceux qui se réjouissaient, pour la toute première édition haute-définition française des Espions, de la perspective d'un éventuel nouveau master restauré, verront leurs ardeurs refroidies dès le pré-générique, où le logo MK2 et le panneau introductif révèlent qu'il s'agit bien de la restauration de 2004, obtenue à partir d'une copie praguoise du film scannée à 2K et restaurée à L'Immagine Ritrovata de Bologne, autrement dit le master déjà à l'origine du DVD MK2 de 2007, puis des éditions haute-définition britanniques de Eureka (Masters of Cinema #90) en 2014 ou américaines de Kino Lorber en 2016.
Comparatif de rigueur
Blu-ray Potemkine (2013) vs. DVD MK2 (2006) : 1 2 3 4 5 6
Pour être équilibré, il faut reconnaître que ce master (antédiluvien à l'échelle du numérique) n'était, en soi, pas dépourvu de qualités, et que le passage au 1080p fait vraiment ressortir la qualité de définition ou la finesse de certains gros plans, qui restent très spectaculaire pour un film aussi daté. On voit également sur le comparatif que cette édition l'emporte nettement sur la gestion du contraste, décisive pour un film muet des années 20, avec des blancs mieux rendus et des noirs d'une belle profondeur mais jamais bouchés, et sur celui grain, bien plus présent et plus naturel.
Pour autant, cette restauration a son âge, et il n'est pas difficile d'imaginer ce qu'elle aurait d'améliorable avec un scan plus fin, un nettoyage plus approfondi et un travail d'homogénéisation : de nombreuses saletés (scratchs, rayures, stries blanches..) demeurent tout du long et la diversité des sources utilisées se fait parfois sentir au gré de certains scènes, voire de certains plans. La dernière image du comparatif révèle d'ailleurs que l'image de cette édition Bluray est - de façon assez inexplicable - parfois bien plus souillée que celle du DVD de 2006 !
Son
L'unique piste sonore DTS-HD 2.0 est constituée de l'accompagnement musical composé et enregistré par Neil Brand en 2005, remplaçant la composition originale de Werner Richard Heymann. Efficace sans être envahissante, elle accompagne avec tonicité les péripéties et ruptures de ton de ce film échevelé. Rien à redire niveau technique.
Suppléments
A l'intérieur du boîtier (qui contient également un DVD), il y a semble-t-il un livret contenant un texte d'Olivier Père, mais celui-ci n'accompagnait pas les disques-test que nous avons reçus.
Dans Les Espions, vu par Bernard Eisenschitz (35'30''), ce spécialiste notoire du cinéma allemand (et de Lang en particulier) offre une analyse comme à son habitude très complète. On y part de la production du film, lancée en partie en réaction à ses films précédents mais aussi sujette à l'impact du cinéma soviétique (notamment celui d'Eisenstein) qui rencontre alors du succès en Allemagne : il ne s'agit plus pour lui d'être du côté du futurisme (comme dans Metropolis) ou du passé (comme dans Les Nibelungen), mais dans celui de l'actualité. Il évoque ensuite la manière particulière dont le film traite le sujet de l'espionnage, plutôt à l'encontre des tendances ou humoristiques ou nationalistes de l'époque. Les comédiens principaux sont mentionnés, notamment la Viennoise Gerda Maurus, avec qui Lang entretenait alors une "relation fusionnelle" (on n'en saura pas plus), ou Rudolf Klein-Rogge, ex-mari de Thea von Harbou et spécialiste de ces personnages "démoniaques" (c'est notamment lui qui incarna Mabuse ou le roi Attila des Nibelungen). Bernard Eisenschitz vante ensuite la vivacité du découpage du film, qui contribue au rythme de l'action, à une époque où le cinéma muet atteint une forme de "virtuosité absolue". En évoquant les liens (et différences) avec La Femme sur la lune (plutôt à l'avantage des Espions, d'ailleurs), l'historien consacre un moment intermédiaire important au destin complexe et fascinant de Thea von Harbou. Il termine en évoquant ces 18 mois particuliers, fin 1929 courant 1930, où tandis que s'achèvent "la foi en l'avenir" en même temps que la République de Weimar, et cherchant une nouvelle inspiration réaliste, Fritz Lang fera une pause dans sa carrière, qui le conduira ensuite à la réalisation de son premier film parlant, M le maudit.
The Void machine (11') est un texte de Murielle Joudet, monté et lu par Julien Wautier, qui entreprend de réattribuer aux Espions, ce "petit film avec beaucoup d'action" (dixit Lang lui-même), la place qu'il mérite, celle d'un film "mésestimé", éclipsé par les "monuments pyrotechniques" qui l'entourent (Metropolis, Les Nibelungen, La Femme sur la lune ou Docteur Mabuse). Le film, "qui pose les codes du film d'espionnage", est ainsi décrit comme un film "visionnaire" car "annonçant précocement la période américaine" du cinéaste. On y insiste sur la veine "réaliste trouble", "behaviouriste", inspirée de nombreux faits divers d'actualité, d'un film qui tourne le dos à l'expressionisme. Quand il évoque l'utilisation du gros plan ; qu'il analyse la nature du "geste" ou de l' "action pure" ; qu'il décrit l'usage des nombres comme des hiéroglyphes, des signes qu'il serait inutile de chercher à décoder ; ou quand il dresse une relation duale avec Hitchcock, le texte ne manque pas de pertinence - et le montage qui l'accompagne est très habile - mais la prose parfois alambiquée aurait probablement été plus digeste - et plus facile à assimiler - à l'écrit : entendre que "la mise en scène de Lang est la carte tentant de rendre compte d'un territoire secret, toujours plus vaste, qui semble s'étendre à perte de vue, s'étendre à tel point qu'on ne saurait dire où il commence et où il se termine, et s'il existe vraiment", ce n'est pas tout à fait la même chose que le lire....
Le dernier supplément est un documentaire allemand, Un petit film mais avec beaucoup d'action (1h08') datant de 2006, réalisé par Guido Altendorf et Anke Wilkening, et qui figurait déjà en supplément du film dans l'édition MK2. D'une forme assez classique, avec un montage d'images du film, d'intervenants divers et de documents d'époque, le module retrace la genèse du film, évoquant les différents protagonistes (techniciens, comédiens...), le tournage mais aussi les déboires du film avec la censure ou les détails de la restauration menée en 2004. Un peu long, mais très complet.
En savoir plus
Taille du Disque : 48 803 280 896 bytes
Taille du Film : 39 865 645 056 bytes
Durée : 2:30:20
Total Bitrate: 35,36 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 1509 kbps / 24-bit)
Subtitles: French