Test blu-ray
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Les Cavaliers

BLU-RAY - Région B
Rimini Editions
Parution : 6 novembre 2024

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Fidèle à John Ford auquel il consacre à chaque fois de belles éditions (celle-ci ne déroge presque pas à la règle), Rimini propose aujourd'hui Les Cavaliers, qui était sorti en Blu-ray en France en 2011 et eut les honneurs d'une restauration 4K chez les américains de Kino Lorber en 2022 (édité en Allemagne l'année suivante). Notez tout d'abord que Les Cavaliers a changé plusieurs fois de format en vidéo, passant du 1.77 sur le DVD (MGM, 2004) au 1.66 (chez MGM en 2015) pour revenir à ce qui semble être le ratio le plus logiquement utilisé à l'époque : le 1.85 (chez Kino Lorber). Rimini conserve ce format puisqu'il reprend à la base cette restauration, correcte au demeurant, bénéficiant d'une colorimétrie souvent satisfaisante, couplée à des contrastes bien ajustés. Seulement, l'image de cette restauration (curieusement estampillée 4K) reste encore un peu douce et faiblement détaillée : c'est peut-être ce qui a motivé l'éditeur (ou son laboratoire) à opérer quelques ajustements complémentaires pour en améliorer le rendu, comme ils ont pu le faire parallèlement avec le master de 1984. Dans les deux cas, il s'agit de restaurations plutôt récentes pour lesquelles, malgré leurs défauts éventuels, il n'était pas forcément nécessaire de revenir, au risque d'aggraver certains des paramètres.

L'analyse de cette restauration des Cavaliers, effectuée en 2K par le laboratoire TCS, est donc très intéressante car il y a à la fois du bon (un peu) et du moins bon (beaucoup). Malgré un léger zoom régulier par rapport à la copie américaine, et un écrêtage des hautes lumières (la luminosité des ciels, par exemple, est désormais plus limitée), on constate un complément de nettoyage bienvenu par rapport à la copie américaine. Mais ce projet de retouches avait d'abord pour but d'améliorer la précision de l'image : sur ce point, il y a effectivement du mieux puisque le piqué est désormais légèrement plus affirmé, révélant quelques détails supplémentaires sans aller toutefois vers le tranchant car il était impossible d'obtenir quelque chose de spectaculaire avec le matériau de départ.

Mais plutôt que de se contenter d'une netteté légèrement optimisée (comme sur cet exemple que nous avons recréé, à comparer avec le comparatif #4 ci-dessous), sans doute parce que les ajustements de piqué ont été finalement trop poussés, on a tenté de réduire la présence du bruit vidéo, et finalement du grain, ce qui a eu pour conséquence d'affaiblir la texture et lisser régulièrement les images de manière assez nette. Le laboratoire a utilisé un cocktail d'algorithmes et de filtres ciblés pour, semble-t-il, éviter la sur-accentuation du piqué sur les visages, mais occasionnant des zones de flou autour de ces mêmes visages (on peut parfois presque distinguer les "fenêtrages" de filtres!). Cela donne à plusieurs reprises l'impression que le point est fait dans les arrière-plans davantage que sur les acteurs (!), quand il n'y a pas tout simplement un bidouillage des détails les plus fins sur certains éléments de décor (par exemple les feuillages, les herbes, etc). Enfin, pour ne pas que l'image paraisse trop artificielle (mais c'est déjà trop tard), et afin de retrouver une patine argentique qui avait disparu suite aux réajustements/lissages, on a appliqué un faux grain numérique qui rattrape un minimum le naturel argentique mais ne suffit pas pour autant à cacher l'aspect numérique/cireux de l'ensemble. Car c'est surtout cela le vrai problème de ces interventions regrettables : même si on avoue être un peu mieux convaincu à certains moments du film, le rendu global ne sent pas assez la pellicule mais trop souvent la retouche numérique, impression qui est décuplée lorsqu'on visionne le film sur un grand écran. Dommage...

comparatif Blu-ray Kino Lorber (2022) vs. Blu-ray Rimini (2024) :
1 2 3 4 5 6

Son

La version originale est de très bonne tenue grâce à une prise de son direct dont on perçoit les détails non seulement dans le rendu des voix, cristallines et bénéficiant d'une bonne présence, mais aussi dans les arrière-plans qui profitent donc d'un certain réalisme. L'ensemble est très équilibré et entièrement nettoyé des impuretés du temps, notamment du souffle, totalement gommé. On aurait peut-être souhaité davantage de graves dans l'ensemble, histoire de pinailler un peu. La version française est plus compressée et beaucoup moins nuancée. Si la finesse des détails n'est plus qu'un souvenir, avec des mediums et des graves plus écrasants par rapport à la musique et aux ambiances, si le souffle a été tempéré, désormais extrêmement discret, le rendu contentera aisément les amateurs.

Suppléments

Les Cavaliers est proposé en combo DVD et Blu-ray dans un beau digibook plutôt épais, car il comprend Monument Man, un livre de 180 pages abondamment illustré, signé Marc Toullec. L’ancien rédacteur en chef de Mad Movies, pourvoyeur de nombreux livrets autour des films, retrace la filmographie de John Ford, côté western. Il s’attache moins à l’analyse des œuvres qu’au parcours de cinéma long d’un demi siècle d'un cinéaste qui s’est distingué très tôt (mais pas seulement) dans le genre qui nous intéresse aujourd’hui. À travers de nombreux extraits d'interviews, le livre révèle une personnalité multiple, pas toujours facile à cerner, celle d'"un grand sentimental sous le cuir d’un gros dur", à la fois un réalisateur imaginatif, pragmatique, sensible, instinctif, moraliste, qui pouvait succomber à sa "face sombre" pleine d’orgueil irlandais, soulignant un caractère bien trempé qui a donné pas mal de fil à retordre à ses équipes et ses castings. Le livre revient sur "la manière Ford", distinguant en véritable auteur sa façon de s’approprier les sujets qu'il oriente au plus près pendant la phase d’écriture, et raconte les coulisses de productions parfois difficiles à mettre en œuvre, le réalisateur pourtant célébré à l’époque n’échappant pas aux aléas du box-office. Marc Toullec raconte la manière dont Ford envisageait ses films, entre souci de réalisme et vrai talent pour "arranger les choses" du point de vue historique, s’inscrivant de plus en plus dans la légende (notion qu’il abordera frontalement dans Liberty Valance) tout en restant ouvert, sur le plateau, au hasard et à l’inspiration. De ce long parcours westernien, Marc Toullec retient les plus grandes réussites du Maître, avec entre autres les deux trilogies sur la cavalerie, "des deux côtés de l’épopée", entre "révisionnisme politique" et défense de la cause indienne, La Prisonnière du désert comme un "accomplissement" à la "sobre flamboyance", La poursuite infernale qui fût remonté sans lui par le producteur Darryl F. Zanuck, sa participation officieuse à Alamo, sur le tournage duquel il s’incruste au-delà de la simple invitation, ou Les Cavaliers qu’il délaisse quelques semaines avant la fin du tournage, suite à l’accident mortel d’un cascadeur. Le portrait serait incomplet sans le rappel des figures qui ont jalonné son cinéma, une troupe (la fameuse "John Ford Stock Company") qu’il compose dès le muet avec Harry Carey, puis son fils Harry Carey Jr, ou le complice John Wayne, "jeune premier déchu" qui trouvera la gloire grâce à La Chevauchée fantastique et que Ford considère comme "le meilleur acteur de Hollywood".

Les Cavaliers est accompagné de nombreux suppléments :

Commentaire audio de Joseph McBride (VOSTF)
Célèbre biographe de personnalités cinématographiques, notamment John Ford pour lequel il a mené une longue enquête à partir d’archives et de témoignages de collaborateurs, Joseph McBride évoque sous toutes les coutures le "fascinant" Les Cavaliers, livrant un commentaire dense et très instructif. On apprend notamment que John Ford était un "véritable expert" de la guerre de Sécession, qui possédait près de 6000 livres sur le sujet. Il regrette que le cinéaste n’ait pas davantage consacré de films à cette "page d’histoire largement négligée par Hollywood", et raconte comment le réalisateur est arrivé sur ce projet, l’adaptation du livre qui dût se conformer aux deux stars, le rôle féminin étoffé, les personnages réels ou les avancées de l’armée qui ont inspiré le scénario. Il signale les "vignettes dont Ford avait le secret", remplies de détails sur la guerre, même si cela ne servait pas l’histoire (comme le photographe), et donne quelques anecdotes de tournage, rappelant que John Wayne était souvent absent à cause de la préparation de Alamo qu’il allait mettre en scène. Jim McBride loue le directeur de la photographie William Clothier, bon partenaire de Ford et "la star du film", selon lui, notamment pour son travail sur la "beauté gothique" des décors. Le biographe raconte l’accident de Fred Kennedy, acteur-cascadeur qui faisait partie de la troupe du cinéaste et qu’on aperçoit tout au long du film, et se souvient de son interview de John Ford le jour où il mit fin à sa carrière, comprenant que le projet de western italien qu’il attendait ne se concrétiserait pas. Car John Ford, tout auréolé de prestige aujourd'hui, était loin de jouir d’une liberté totale à Hollywood, devant souvent s’adapter aux exigences des studios qui ont fini par l'abandonner...

Conversation entre Margaux Baralon et Emmanuel Raspiengas (40min - HD)
C’est toujours un grand plaisir de suivre ces discussions entre critiques, un format lancé par Rimini du temps de sa collection Billy Wilder, qui permet d’évoquer de façon fluide et très agréable les nombreuses thèmatiques abordées dans le film. La journaliste Margaux Baralon (Télématin, Sorociné, FilmoTV...) et le critique à Positif Emmanuel Raspiengas évoquent la mise en chantier du film qui fût  notamment compliquée par une compétition d’ego, entre des scénaristes interventionnistes (difficile à supporter pour un John Ford très indépendant) et des acteurs gourmands en salaire qui obligeront le cinéaste à revoir ses prétentions à la baisse. Ils parlent d’"un tournage qui part dans tous les sens", notamment suite à la mort accidentelle d’un cascadeur qui va profondément affecter Ford. Ils analysent ensuite Les Cavaliers, que le réalisateur aborde dans un patriotisme "pas du tout cocardier", alors qu'il est pourtant passionné par la Guerre de sécession. Ford reste surtout fasciné par les conséquences de la violence, "l’écume des évènements", et ne dépeint pas tant les combats que la vie de ces hommes remués d’une bataille à l’autre. On retrouve ici sa conscience sociale qui montre l’armée comme un lieu d’égalité, ou lorsqu’il aborde "la question noire" à travers le personnage de Lucky, qui détourne les attentes comiques et participe à l’évolution de l’héroïne. Margaux Baralon et Emmanuel Raspiengas reviennent également sur ces deux héros qui font la guerre sans porter d’armes, "deux mondes qui s’affrontent", entre le sauvage et le civilisé, dans un mélange "très étrange" de comédie et de tragédie - ainsi le soupçon de comédie romantique que Ford n’aborde pas frontalement, mais axe sur le partage du traumatisme. Il évoquent enfin un film mal reçu par la critique et le public, sans doute parce que "ce n’est pas un western", et qu’on ne retrouve pas l’esthétique flamboyante des autres chefs d’oeuvre du réalisateur.

Rimini propose également deux archives rares :

Interview de John Ford (30 min - HD - VOSTF)
Un document probablement proposé pour la première fois en vidéo en France, extrait d'un numéro de l'émission Cinéastes de notre temps, consacré à John Ford, diffusé en 1966. Assis sur son lit, le réalisateur a accordé une demi-heure d'entretien presque improvisé à André S. Labarthe et Hubert Knapp, restituée ici en intégralité, avec les changements de bobine et les soucis techniques. Avec souvent beaucoup d'humour, et parfois dans un français timide et approximatif, John Ford raconte sa vie d'avant le cinéma, lorsqu'il était cow-boy en Arizona. Il revient sur son arrivée à Hollywood ("par le train") et évoque le plaisir qu'il a à faire des films, en particulier des westerns, et sa façon de diriger les acteurs. Avec une fausse humilité bien à lui, John Ford dit ne pas chercher "une carrière artistique" au-delà des simples préoccupations financières, avouant tourner de gros films pour maintenir un niveau de salaire et préférant ses "petits films", moins prestigieux, à ceux habituellement cités (comme La Prisonnière du désert). Il aborde ainsi régulièrement l'aspect industriel et économique d'Hollywood, avouant avec pragmatisme prévoir ses films pour les marchés étrangers (France et Japon), où ils sont plus rentables et mieux accueillis. John Ford raconte également comment Eugene O'Neill se faisait projeter chaque mois Les Hommes de la mer, tant il appréciait cette adaptation de l'une de ses pièces : c'est, pour le cinéaste, le plus bel hommage qu'on lui ait jamais rendu...


Interview de William Holden (12 min - HD avec upscale - VOSTF)
Diffusé sur FR3 dans l'émission Ciné regards : William Holden, en 1979, un entretien avec l'acteur alors en tournage du Jour de la fin du monde. William Holden parle de ses passions pour la moto ou les voyages, les civilisations d'Afrique notamment, qui ajoutent une nouvelle dimension à sa vie, parallèlement à une carrière qui le motive moins qu'avant, faute de rôles intéressants (il aimerait davantage faire des Network que des films catastrophes).

Bande-annonce originale (2min 39s - HD - non sous-titré)

En savoir plus

Taille du Disque : 46 847 351 876 bytes
Taille du Film : 32 469 235 968 bytes
Durée : 2:00:18.384
Total Bitrate: 35,99 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 29,93 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 29939 kbps / 1080p / 23,976 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: French / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 1843 kbps / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 1509 kbps / 24-bit)
Audio: English / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 1850 kbps / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 1509 kbps / 24-bit)
Audio: English / Dolby Digital Audio / 2.0 / 48 kHz / 192 kbps
Subtitle: French / 0,147 kbps
Subtitle: French / 24,351 kbps
Subtitle: French / 52,136 kbps

Par Stéphane Beauchet - le 18 février 2025