
1984
BLU-RAY - Région B
Rimini Editions
Parution : 18 décembre 2024
Image
Après un premier Blu-ray français, édité par MGM en 2015, 1984 fête son 40e anniversaire grâce à Rimini Éditions qui propose pour l'occasion un combo Blu-ray et UHD, quelques mois après l'Allemagne. L'éditeur est parti d'un fichier UHD, fourni par MGM, qui correspond à la belle restauration 4K, sortie en "simple" Blu-ray chez Criterion, en 2019. Ces travaux ont été effectués à partir du négatif original, et surtout supervisés par le grand directeur de la photographie Roger Deakins, qui avait pu améliorer son propre étalonnage, une sorte de noir & blanc en couleurs désaturées, qui avait été soigneusement (et laborieusement) obtenu à l'époque à partir de multiples bains chimiques. Il se trouve que Rimini a financé un complément de restauration pour son édition, effectué par le laboratoire français TCS, afin d'accentuer un piqué et un niveau de détail qui ont été visiblement jugés insuffisants en l'état. Une démarche que nous aurions davantage compris s'il s'agissait d'un master ancien, et que nous avons quand même un peu de mal à appréhender avec sérieux pour cette restauration qui ne date que de 2019... et, qui plus est, effectuée en 4K !
La définition du master Rimini est en effet impressionnante, la précision le disputant aux détails. Ponctuellement affaibli par quelques mises au point imparfaites au tournage, le piqué est presque toujours solide, et il faut avouer que les nombreux gros plans sont spectaculaires. Malheureusement, suite aux retouches du laboratoire, outre un léger zoom dans l'image (dommage...), on remarque surtout une absence flagrante de grain argentique alors que la patine d'origine est beaucoup plus granuleuse (double dommage...). Le grain n'est pas totalement gommé, mais conservé dans son plus simple dosage. Curieusement moins filtré dans les hautes lumières, il est parfois si atténué que certains plans pourront donner l'impression d'avoir été partiellement lissés. On constate que la colorimétrie a été également modifiée, une modification qui passerait plus inaperçue, avouons-le, si nous n'avions pas eu moyen de comparer, mais une retouche là aussi regrettable puisqu'il y a modification du travail du principal concerné. Rien à redire sur les contrastes qui conservent un bel équilibre, et qui sont dénués de pulsations. La copie est très stable et profondément nettoyée.
Au final, les amateurs de rendu clinquant ne seront probablement pas gênés par ce 4K efficace qui apporte néanmoins une sensation un peu plus numérique. Les puristes pourront, par contre, regretter de ne pas retrouver aussi fidèlement les origines argentiques de l'image. Un point positif à tout cela : Rimini en a profité pour financer des traitements HDR et Dolbyvision.
(À titre informatif, voici un lien vers le comparatif très parlant effectué par le site caps-a-holic.com entre les Blu-rays MGM (2015) et Criterion (2019).)
Son
Petite curiosité, disponible depuis l'édition américaine Twilight Time en 2015, absente du disque MGM sorti en France mais reprise par Rimini : vous avez le choix de visionner 1984 avec la musique d'Eurythmics (imposée au réalisateur) ou la bande originale de Dominic Muldowney (originellement souhaitée). Dans les deux cas, les pistes mono sont de bonne tenue, immaculées et bien conservées, les voix bénéficiant d'une bonne présence (parfois légèrement meilleures sur la piste Eurythmics). Notez d'ailleurs que le mixage conserve les musiques volontairement en retrait, jamais mises en avant, très discrètes en fait, comme pour se mêler à l'ambiance minimaliste générale, plutôt restituée avec précision. La piste française mono est honnête, elle aussi, mais peut-être un peu plus modeste encore, avec une ouverture plus restreinte et une légère carence dans les graves. Les voix pourront peut-être sembler un brin artificielles et parfois trop mises en avant, avec d'infimes débuts de sifflantes. Les trois pistes sont dénuées de souffle.
Suppléments
Cette édition comprend le film en Blu-rays HD et UHD, accompagnés de George Orwell et 1984, un livret de 40 pages reprenant 6 articles qui ont été publiés dans un hors-série du Point, fin 2022. Laurence Moreau évoque le parcours de l'écrivain qui deviendra "le plus populaire des combattants du totalitarisme", relevant notamment sa défiance des élites ou le choc que fût pour lui la Guerre d'Espagne. La journaliste revient également sur le "panthéon littéraire" de George Orwell et les modèles qui nourriront son oeuvre, de Dickens à Jonathan Swift, en passant par Somerset Maugham. L'historien Michel Porret revient sur la fiction dystopique en littérature, un genre qui permet de "jauger le mal en politique", qui se focalisera au cours du XXe siècle sur le contrôle des individus et "la terreur d'état". Professeur à Sciences Po, Romain Brethes évoque Le Meilleur des mondes d'Aldous Huxley, écrit 17 ans avant 1984, soulignant les points communs et les différences de vision avec le livre d'Orwell : quand ce dernier anticipe une oppression proche du stalinisme, Huxley imagine plutôt une destruction qui vient de ce que nous aimons, à travers l'adoration de technologies "qui détruisent [la] capacité de penser". Marie Fisson revient sur la langue d'Océania, "l'un des symboles du totalitarisme", et les difficultés à la traduire pour respecter la pensée de l'auteur. Enfin l'historien du cinéma David Ryan évoque l'influence de George Orwell sur "le cinéma et sa vision de l'avenir", le dessin aimé La Ferme des animaux, produit par la CIA pour en faire un outil de propagande, ou la percée de 1984 dans la culture populaire, avec des influences qu'on retrouve aussi bien dans 2001 l'odyssée de l'espace que Brazil ("la rencontre de Kafka et George Orwell").
À l'exception de la bande-annonce originale qui permet au passage de voir le film avec des couleurs "normales", avant que la pellicule ait subi le traitement d'étalonnage souhaité au final, le Blu-ray UHD ne contient pas d'autres suppléments. Tous les compléments sont donc regroupés sur le Blu-ray HD :
Réflexions à propos de 1984 (38min - HD)
Auteur de Sous le soleil de Big Brother en 2000, François Brune évoque rapidement George Orwell et ses deux œuvres majeures, La Ferme des animaux et 1984, "deux faces d’une même vision" et reflets de son expérience d’homme engagé. Il revient longuement sur les différents concepts de 1984, développant les théories et les mécanismes du pouvoir mis en œuvre par ce totalitarisme où "rien ne doit exister que l’État" : emprisonner les gens "dans une non-pensée" ; produire la peur pour susciter la haine et le pouvoir ; le télécran qui intime au peuple "de ne pas sortir de la norme" par ce "regard incarné" du pouvoir en dehors duquel on ne peut exister et qui les force à se surveiller eux-mêmes ; la double-pensée qui mène à la folie ; la langue qu’on interdit pour empêcher toute critique, en inventant la novlangue et son vocabulaire réduit qui déterminent la réalité qu’on impose (avec allusions à l’"opération spéciale" de Poutine en Ukraine), etc. François Brune évoque le "succès phénoménal" de Big Brother comme "fantasme dominant" alors qu’il n’existe pas comme tel dans le livre, où il n’est qu’une figure qui personnalise l’état dominant. Au-delà d’une satire de l’URSS, tel qu’il a été considéré à sa sortie, 1984 est d’abord un "diagnostic sur le temps présent" montré comme "le futur qui nous attend", moins à voir comme une simple date que comme "un monde" dont Orwell nous met en garde. Un livre qu’il faut donc considérer comme optimiste...
Retour en 1984 (24min - HD)
Une analyse du film, assez générale mais toujours intéressante, par l'historien du cinéma Laurent Aknin et la journaliste Caroline Vié. Le choix de cette dernière est assez pertinent puisque, travaillant à l’époque pour L’écran fantastique, elle fût l’envoyée spéciale du magazine sur le tournage, en Angleterre. Elle revient malheureusement trop brièvement sur quelques souvenirs de sa visite, marquée par le décor sinistre, "un peu magique et très inquiétant", et explique certains effets spéciaux comme les télécrans ou le masque au rat. Laurent Aknin revient sur les différentes adaptations du roman d’Orwell : le téléfilm de la BBC, qui "a marqué son époque", ou le long métrage de Michael Anderson en 1956, qui reste dans une "science-fiction traditionnelle". Ils en arrivent au film de Michael Radford, mis en chantier pour le sortir en 1984 et "profiter de la date", évoquent la bonne idée de ne pas inventer un futur mais de montrer une réalité alternative, et le choix de l’esthétique des années 40 permettant au film de peu vieillir. On évoque la performance de John Hurt, à la fois "singulier et ordinaire" ; "la grande idée" d’avoir choisi Richard Burton, qui allait mourir peu de temps après le tournage, et dont la fatigue sert le rôle ; la prestation de Susan Hamilton, renforcée par l’inquiétude de son premier grand film ; ou l’"idée sensationnelle" de la photographie désaturée, au lieu du noir & blanc, qui était devenu "un phénomène de mode" arty. Ils expliquent le choix d'Eurythmics, imposé par Virgin, qui produisait aussi le disque, contre le score de Dominic Muldowney qui avait la préférence du cinéaste. On évoque rapidement Brazil, lui aussi fortement inspiré de l’esprit de George Orwell, sorti l'année suivante mais qui a davantage marqué les esprits. Soulignant l’aspect toujours très actuel des visions d’Orwell, entre la surveillance permanente et la perte de vocabulaire, ce module parle également de la publicité pour le Macintosh d’Apple, réalisé par Ridley Scott, la même année. Un module agréable, dont on appréciera l’effort soutenu d’illustrations.
Michael Radford raconte 1984 (35min - HD)
Dans un très bon français, le réalisateur (filmé à Londres, fin 2022) revient sur le projet du film dont il eut l’idée, avec Roger Deakins et son producteur, car personne n’avait pensé à célébrer 1984... en 1984 ! Il raconte les coulisses d’une production difficile à monter, et revient sur quelques bonnes idées du tournage, comme l’utilisation de bâtiments démolis et abandonnés pour simuler en dur, sans trucages, le décor d’un Londres bombardé. Cela participa à "recréer une vision du monde" qui n’est que suggérée par Orwell, ajoutée à la photographie très particulière de Roger Deakins, dont c’était le premier grand film, qui apporta une atmosphère "qu’on ne [pouvait] pas lire" dans le livre. Michael Radford juge son adaptation fidèle à Orwell, mais "plus cinématographique", sans le copier "directement". Il se remémore quelques moments du tournage, comme lorsqu'il dût faire couper les cheveux des figurants par souci de crédibilité, ou la tombola qui faisait gagner une Mercedes chaque semaine, organisée par le producteur pour récolter du cash et payer les figurants. Le réalisateur évoque ses acteurs principaux, la "voix extraordinaire" de Richard Burton et les blouses de travail noires qu’il s’était fait tailler par un couturier de luxe, ou la performance de John Hurt à qui il demandait de jouer "à 10 % de son talent". Michael Radford raconte enfin l’accueil de son "film d’ouvrier" (selon le journal Libération) et une visite en URSS, parmi des fans de George Orwell.
Bande-annonce originale (2min22s - HD avec upscale - VO non sous-titrée)
Qui permet de voir les images du film telles qu'elles ont été tournées, avant le blanchissement chimique de la pellicule pour obtenir la colorimétrie définitive.
En savoir plus
Blu-ray HD
Taille du Disque : 44 484 383 572 bytes
Taille du Film : 31 687 049 280 bytes
Durée : 1:50:43.685
Total Bitrate: 38,16 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 29,95 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 29959 kbps / 1080p / 23,976 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: French / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 2101 kbps / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 1509 kbps / 24-bit)
Audio: English / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 1853 kbps / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 1509 kbps / 24-bit)
Audio: English / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 1810 kbps / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 1509 kbps / 24-bit)
Subtitle: French / 0,790 kbps
Subtitle: French / 25,762 kbps