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Test blu-ray
Image de la jaquette

Le Journal d'une femme de chambre

BLU-RAY - Région B
Sidonis / Calysta
Parution : 24 août 2022

Image

Inédit jusqu'à présent sur support numérique en France, Le Journal d'une femme de chambre, version Jean Renoir, est proposé en combo DVD/Blu-ray à partir du seul master HD disponible, édité en 2013 par les Américains d'Olive Films. Félicitons Sidonis d'avoir opéré un nettoyage efficace de la copie Olive (qui en avait bien besoin !), la majorité des salissures ayant pu être gommées (il en reste encore de toutes petites traces, comme quelques rayures verticales), et qui a aussi pu tempérer les pulsations de contraste qui étaient peu discrètes (jetez un rapide coup d'oeil aux extraits du film, avant restauration, inclus dans les suppléments pour vous faire une idée). La principale faiblesse de ce master reste son rendu de l'image assez doux, manquant surtout de détail, avec un piqué toujours un peu juste. Le grain est respecté, assez palpable mais le plus souvent épais. L'étalonnage est nuancé, avec une gamme de gris assez agréable, même si l'on sentira un calibrage peut-être un peu trop lumineux sur les visages, souvent très clairs, ainsi qu'un niveau de noirs irrégulier. Les yeux les plus aguerris remarqueront un phénomène assez curieux, une sorte de "pompage de luminosité" lors de changements de plans, voire même au cours d'un même plan, comme si l'étalonnage se réajustait automatiquement, "en direct", pendant 2 ou 3 photogrammes, en fonction de la quantité de zones claires dans l'image. Un phénomène régulier (mais pas permanent) qui est un défaut de tirage de la copie utilisée ici (qui n'est donc pas le négatif). Un effet subtil mais en tout cas repérable. Les conditions de visionnage, certes encore améliorables, se révèlent en tout cas supérieures à celle du Blu-ray américain, ce qui en fait une édition très recommandable.

comparatif Blu-ray Olive (2013) vs. Blu-ray Sidonis (2021) :
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Son

La version originale est proposée dans des conditions modestes et imparfaites. La piste reste un peu couverte mais heureusement encore suffisamment détaillée. On note un léger souffle permanent et un spectre léger en basses fréquences. La version française n'est pas mieux lotie : un peu plus brouillonne (les voix sont moins claires), la dynamique est fortement réduite, davantage axée sur les mediums et les basses fréquences. Il y a toujours un petit souffle permanent, ainsi que d'infimes craquements (sur la voie gauche). Une VF sans doute compliquée à retrouver, d'autant plus qu'il en manque certaines portions (tout le matériel n'a pu être retrouvé), présentées en VOSTF.

Suppléments

Sidonis a vraiment soigné son édition du Journal d'une femme de chambre. Déjà sur la présentation, avec un très beau digibook aux couleurs de l'affiche originale, mais aussi sur les compléments puisqu'il inclue un livre de 78 pages en partie confié à un spécialiste de Jean Renoir, et non des moindres : le journaliste et critique Pascal Mérigeau, auteur de remarquables biographies de Joseph L. Mankiewicz, Maurice Pialat ou... Jean Renoir, en 2013, "un livre magistral qui fait la part des choses", selon Bertrand Tavernier dans son supplément. Dans un récit condensé et très bien mené, détaillé et documenté, Pascal Mérigeau raconte sur une soixantaine de pages illustrées Jean Renoir en Amérique. Il revient sur l'exil du cinéaste vers un Hollywood trop fantasmé qui ne l'accueillera pas les bras ouverts, ses déboires avec Darryl Zanuck, qu'il déteste, et comment il rentrera dans le cinéma américain par la petite porte, sans pouvoir toujours créer de manière personnelle. Au gré de ses films, parfois terminés par d'autres, on évoque évidemment Le Journal d'une femme de chambre, l'un de ses projets les plus anciens et "son meilleur film américain", dont Mérigeau loue la "virtuosité éblouissante" ou l'écho stylistique avec La Règle du jeu, par exemple sur le déplacement des personnages. Pascal Mérigeau s'attache aussi à l'homme Renoir, ne cache rien de sa fierté parfois opportuniste qui essaie de garder bonne figure face à sa véritable situation (de faiblesse). Un Renoir exilé dont le déracinement limitera aussi sa vision de l'Amérique et affaiblira l'universalisme de ses films. Enfin, et peut-être surtout, un Renoir qui a toujours voulu plaire à Hollywood et qui, même après son retour en France, jusqu'à Elena et les hommes, aura souhaité y faire une grande carrière, sans succès.

Le récit de Pascal Mérigeau est complété, sur une vingtaine de pages, par les analyses de Charlotte Garson, critique aux Cahiers du Cinéma, qui livre quelques pistes de lecture intéressantes sur Le Journal d'une femme de chambre, notant l'importance du costume pour Célestine, la noirceur humaine des personnages ou le "coup de génie du casting" avec Judith Anderson. Charlotte Garson évoque les liens avec La Règle du jeu, leurs figures communes ou des inspirations, et observe l'étude de foule entamée avec La Marseillaise, que Renoir poursuivra ensuite. Elle s'intéresse également au thème du meurtre dans le cinéma de Jean Renoir, entre acte volontaire et pulsion, dont Le Journal d'une femme de chambre se montre "l'un de ses films les plus violents".

Le film est également accompagné de très bons suppléments :

Entretien avec Bertrand Tavernier (41 min - HD)
Le cinéaste cinéphile aura été fidèle à Sidonis jusqu'au bout, enregistrant ce bonus peu de temps avant sa disparition. Toujours critique envers le comportement "discutable" de Jean Renoir pendant la guerre, en totale contradiction avec ses engagements passés, Tavernier revient sur la carrière américaine du cinéaste, longtemps "interprétée de manière délirante" et aveuglément défendue (par Jean-Luc Godard, entre autres). Renoir a été handicapé à Hollywood par sa mauvaise connaissance de la langue anglaise et par un système des studios beaucoup plus rigide qu'en France, dont les règles se mariaient peu avec ses méthodes d'improvisation. Il finira par s'émanciper en travaillant de manière plus libre dans des productions indépendantes : Tavernier trouve ainsi plein de qualités à L'Homme du Sud, malgré l'"interprétation déplorable" de Beulah Bondi, et loue son travail pour Le Journal d'une femme de chambre"son meilleur film américain", "visuellement splendide", qui contient des scènes "parmi les abouties de toute son oeuvre". Il présente rapidement le producteur Benedict Bogeaus, "un aventurier démerdard, un poil mac", pourtant célébré par les cinéphiles pour ses films fauchés avec Allan Dwan, et revient sur la paternité du scénario, sans doute écrit "à 90 %" par Renoir mais signé de Burgess Meredith, acteur dont il trouve le "cabotinage peu payant" dans le rôle du capitaine Mauger. Il parle de l'interprétation de Paulette Goddard, l'une des plus ambigües et charnelles d'une filmographie qui pouvait être "passablement terne", et de Francis Lederer, "acteur assez fascinant" de qui émane une "force mystérieuse". Tavernier évoque le choix optimiste de la fin, d'une version "peut-être plus féministe que les autres".


Entretien avec Jean-François Rauger (38 min - HD)
Le directeur de la programmation de la Cinémathèque française revient, comme toujours de manière très complète et intéressante, sur Le Journal d'une femme de chambre dont il analyse la transposition à partir d'un livre "extrêmement cru", un récit original en flash-back devenant condensé et linéaire, et en même temps tempéré par des concessions aux impératifs hollywoodiens. Jean-François Rauger observe la façon dont Renoir illustre de nouveau ses thèmes de prédilection, les rapports de classes et de domination, l'illusion du rêve de l'ascension sociale, la conscience d'un monde qui change, d'une époque qui disparaît, le désir contre la pulsion (de mort), la puissance de l'élan qu'on ne peut contrôler, ici mis en scène avec un "parti pris de l'artificialité" qui fut mal compris en France. Il revient aussi sur le casting et les personnages, relevant l'émancipation de l'héroïne dans sa pratique du partage et de l'égalité, la connotation nazie du valet ou "l'humanité monstrueuse" de Madame Lanlaire, cette passion irrépressible et presque incestueuse d'une mère pour son fils. Jean-François Rauger conclue sur l'adaptation que fera plus tard Luis Bunuel du roman de Mirbeau, différente et "plus ouvertement politique".



Jean Renoir en Amérique (57 min - SD - VOSTF)
Seconde partie d'un documentaire produit pour la série Omnibus de la BBC en 1994, édité en bonus DVD par Criterion en 2004, qui suit la carrière du cinéaste à partir de 1941 et son départ pour l'Amérique. L'évocation est intéressante, un bon complément au livre de Pascal Mérigeau, notamment par l'abondance de témoignages d'amis, collaborateurs ou confrères, et d'extraits d'entretiens (en anglais) de Jean Renoir lui-même. On revient sur son parcours hollywoodien difficile et évidemment sur ses films : la "propagande pure" de Vivre libre, L'Homme du Sud, "sa meilleure expérience en Amérique" parce qu'il avait plus de liberté artistique, l'adaptation du Fleuve, "un livre de réconciliation" qui a entraîné sa reconnexion avec l'Europe, son retour en France avec une trilogie en Technicolor, Le Déjeuner sur l'herbe filmé dans la maison provençale de son père, où il magnifie "le côté païen de la nature". Si le documentaire prend le temps de raconter la vie américaine du cinéaste à Hollywood, "sa véritable maison", et particulièrement ses dernières années, il passe plutôt rapidement sur ses rapports compliqués avec la France ("quand vous êtes le fils d'Auguste Renoir, vous ne devenez pas un citoyen américain", Bertrand Tavernier citant Jean Gabin). Le documentaire illustre la volonté de Renoir, qui se qualifie lui-même de "raconteur d'histoires", d'ouvrir au public "une fenêtre sur le monde". Lui qui a toujours cru vouloir s'éloigner du travail de son père ne faisait finalement que l'imiter. Quelques frustrations, cependant, après le visionnage : que le documentaire ne soit pas complet, avec ses deux parties, et que les interviews parfois rares (on pense par exemple à celle du fameux décorateur Max Douy ou de la monteuse Renée Lichtig) ne soient pas disponibles en intégralité quelque part...



En savoir plus

Taille du Disque : 48 045 513 924 bytes
Taille du Film : 22 055 921 664 bytes
Durée : 1:27:06.804
Total Bitrate: 33,76 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 27,92 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 27927 kbps / 1080p / 23,976 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: French / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 2032 kbps / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 1509 kbps / 24-bit)
Audio: English / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 1842 kbps / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 1509 kbps / 24-bit)
Subtitle: French / 2,441 kbps
Subtitle: French / 33,170 kbps

Par Stéphane Beauchet - le 3 mars 2022