Test blu-ray
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Le Dieu noir et le diable blond

BLU-RAY - Région B
Capricci
Parution : 5 mars 2024

Image

Capricci édite pour la première fois en vidéo en France, et en Blu-ray, le film phare du Cinema NovoLe Dieu noir et le diable blond, restauré en 4K en 2021, qui fût entre autres projeté au sein de la sélection Cannes Classics, en 2022. Cette restauration, entièrement effectuée au Brésil, supervisée par la cinéaste Paloma Rocha, fille de Glauber Rocha, a été élaborée à partir du négatif 35 mm original, conservé en parfait état par la Cinemateca Brasileira, à São Paulo. Les travaux sur l'image ont été réalisés au laboratoire brésilien Cinecolor, en collaboration avec les directeurs de la photographie Luís Abramo et Rogério Moraes.

Le résultat est très solide, offrant une image précise et très détaillée, ponctuellement adoucie par des erreurs de mise au point ou l'utilisation de plans truqués (fondus). Le noir & blanc est convaincant, la gamme de gris est nuancée et plutôt équilibrée. On remarquera un choix de contraste un peu différent de ceux que l'on croise habituellement, avec pour les noirs les plus sombres un ajustement assez densifié qui occulte un peu les détails. Un paramétrage qui se remarque surtout dans les plans plus sombres, moins dans les scènes diurnes où l'effet passe plus inaperçu. Les images ont été stabilisées et totalement nettoyées. Un mot du grain argentique qui est conservé en abondance, rarement atténué, et qui conserve aux images leur aspect organique originel, sans souci d'encodage. Au pire remarquera-t-on parfois une texture granuleuse un peu figée, sans doute due aux traitements de nettoyage numérique. Une magnifique présentation qui est malheureusement loin d'augurer un bel avenir pour les travaux de la cinémathèque brésilienne, peu à peu abandonnée par les pouvoirs publics et victime d'un incendie qui a frappé l'un de ses entrepôts, en juillet 2021, détruisant plusieurs tonnes de matériel, quelques mois après la finalisation de la restauration du Dieu noir et le diable blond...

Son

La piste son a été restaurée à Estúdio JLS, pour un résultat tout aussi convaincant. Les longs moments de silence qui ponctuent le film montrent un nettoyage efficace des traces d'usure. Il reste encore un léger souffle, davantage perceptible dans ces moments de calme, mais toujours très discret. Le mixage entièrement post-synchronisé conserve un bon équilibre. L'ouverture n'est pas d'une grande amplitude mais reste très correcte, avec des ambiances palpables et naturelles. Les voix possèdent une bonne présence, sans sifflantes ou saturations. Les moments musicaux réveillent souvent la dynamique, avec des basses puissantes.

Suppléments

Le film vu par Jean-Pierre Thorn (23 min - HD)
Réalisateur engagé de films sur l'action ouvrière et syndicale, l'immigration et les banlieues, Jean-Pierre Thorn avoue son "attachement" à Glauber Rocha, cinéaste de l’art révolutionnaire, à la grande liberté de création, qui l’a accompagné toute sa vie. Il revient sur les évènements qui ont inspiré Le Dieu noir et le diable blond, quand des prêcheurs ont fondé à la fin du XIXe siècle une cité utopique, entrainant la répression très violente de l’état fédéral. Il raconte comment le film a été inspiré par des chants populaires, Rocha trouvant là une manière de traduire l’Histoire avec distance, en mettant la légende en perspective par rapport à la réalité. Thorn analyse Le Dieu noir et le diable blond, "fiction très théatralisée" que Rocha "filme comme un documentaire" pour raconter "la réalité sociale du sertão". Il revient sur l’efficacité de son écriture cinématographique qui crée "des ruptures dans le naturalisme" et laisse le public investir le récit, observe un montage qui alterne lenteurs et accélérations violentes, "irréalistes", ou admire l’utilisation d’un décor épuré, entre paysages étendus et huis clos étouffant.


Le film vu par Gabriela Trujillo (22 min - HD)
Écrivain, chercheuse et historienne du cinéma, Gabriela Trujillo revient sur Le Dieu noir et le diable blond, "un moment-clé de l’histoire du cinéma latino-américain" qui permit de rendre visible le Cinema Novo et, pour Glauber Rocha, de devenir un "cinéaste essentiel au niveau international". L'une de ses particularités est d'être comme un historien de la culture brésilienne : il utilise ici les formes du western pour aborder l’identité de son pays, filmant notamment la région du sertão, la terre du soleil, "lieu de tous les extrêmes" où sévit la plus grande misère du pays et s’est notamment construit l’esprit révolutionnaire brésilien. La région possède une mythologie qui rappelle les histoires à consonance biblique, avec ses fidèles miséreux réunis autour d’un leader religieux, ou ses bandits de grands chemin. Le Dieu noir et le diable blond les montre dans une réalité et un "ancrage historique" connu du public, comme le leader Antônio Conselheiro qui représentait un danger pour le pouvoir et entraîna une "force de résistance" et un élan révolutionnaire. Glauber Rocha questionne sur les causes de la pauvreté dans un pays qui a pourtant d’immenses ressources, son cinéma tentant de "programmer une révolte, une émancipation" aux yeux du public. Gabriela Trujillo analyse quelques éléments de ce film "énigmatique", "à la fois objet de rejet, d’étonnement et de fascination", qui s’émancipe du néo-réalisme par une "folie mystique". Elle évoque le chanteur aveugle qui commente, précède et provoque l’action, et revient sur quelques scènes marquantes comme la mise en scène de la folie de Corisco, personnage paradoxal, " cruel par désespoir", ou la rencontre entre les deux femmes, dans une approche "presque sensuelle" qui contraste avec la violence et montre "la puissance de la douceur"...

Rencontre avec Paloma Rocha et Lino Meireles (10 min - HD - VOSTF)
Quelques mots des deux responsables de la restauration. Lino Mereiles revient sur ce projet qui avait pour but de rendre au film son apparence originelle, depuis le précédent DVD sorti en 2002. Paloma Rocha, fille de Glauber Rocha et initiatrice de la restauration, évoque les conditions de tournage artisanales de ce film tourné avec une équipe technique de 5 personnes. Elle rappelle la rigueur et l'intuition de son père qui a su concrétiser ses images sans avoir de moyens de contrôle, ces endroits désertiques étant difficiles d'accès (on remplissait les pneus d'herbe pour éviter qu'ils éclatent). Pour Paloma Rocha, cette nouvelle restauration aboutit à "un nouveau film" qui permet d'apprécier encore plus le travail du cinéaste.

En savoir plus

Taille du Disque : 44 084 156 186 bytes
Taille du Film : 34 656 765 696 bytes
Durée : 2:00:37.375
Total Bitrate: 38,31 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: Portuguese / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 16-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 1509 kbps / 16-bit)

Par Stéphane Beauchet - le 19 février 2024