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Test blu-ray
Image de la jaquette

La Jeune fille et la mort

BLU-RAY - Région B
Tamasa
Parution : 24 mai 2023

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Assez curieusement, c'est chez Tamasa que sort ce film remarquable mais pas toujours très estimé de Roman Polanski, alors que l'unique édition haute-définition à ce jour avait été sortie en Allemagne, en 2019, par... StudioCanal. Un peu naïvement, on se disait que Tamasa allait utiliser le même master, un faisceau d'indices concordant nous laisse croire que ça n'est pas le cas, et hormis une mention "film restauré en 2K" au dos du boîtier, on ignore à peu près tout de la source utilisée... et en particulier de son ancienneté.

Un comparatif avec le bluray allemand (sur la foi de données ou de captures trouvées en ligne) laisse circonspect : en premier lieu, sur le format d'image (le Bluray Tamasa est en 1.67:1, avec un ajout considérable sur les bords) ; ensuite, sur la compression (le film occupe 31,4 Gb sur le bluray allemand, avec un bitrate total à 40,37 Mbps ; il occupe 17,4 Gb sur le disque française, avec un bitrate à 22,52, et des macroblocs sont perceptibles dans les surfaces sombres...) ; mais aussi et surtout sur la colorimétrie : sur ce comparatif, on observe un rendu bien plus naturel des carnations ou des décors sur l'édition allemande, là où l'édition Tamasa booste plein tube les teintes orangées (en intérieur) ou bleutées (en extérieur), comme on pouvait les avoir lors des premières éditions numériques du film au début des années 2000.

En termes de définition, les rendus entre les éditions HD sont assez équivalents, pas toujours fins ni pour une édition ni pour l'autre, avec une vague impression, parfois, d'un master SD gonflé. A défaut donc de connaître le détail des sources utilisées, on se gardera bien d'hypothèses hasardeuses sur leur origine, mais là où on peut s'avancer sans hésiter, c'est sur le fait que ces éditions correspondent à des standards déjà un peu obsolètes, et sur l'apport incontestable que représenterait un putatif scan 4K. 

Son

Moins de réserves sur la piste audio originale, qui trouve matière à faire le job dans le cadre confiné de ce huis-clos à trois. L'ensemble manque certainement de dynamisme, et l'atmosphère globale est un peu plate, mais la piste est propre, les dialogues sont audibles et la partition de Wojciech Kilar trouve sa place.

La piste française n'a guère plus de relief. On reconnaîtra, en lieu et place de l'habituelle Tania Torrens, la voix de la regrettée Christine Pascal doublant exceptionnellement Sigourney Weaver, même si celle-ci a parfois tendance à basculer dans l'excès ou le surjeu. 

Suppléments

Dans le boîtier, un livret de 16 pages contenant un entretien (non contextualisé : pas de source, pas de date...) avec Roman Polanski, interrogé spécifiquement sur le film : évoquant l'origine scénique, les personnages, le casting, le tournage, et les questions morales et politiques, il répond de façon concise, sans forcément entrer dans le détail de son travail.

Sur le disque, un module intitulé La jeune fille et la mort, une danse macabre (45' - HD, même si la mise au point n'est pas toujours nickel) présente une analyse de l'incontournable et indispensable Frédéric Mercier (Transfuge, Le Cercle, Positif... mais on n'oublie pas non plus qu'il fut collaborateur de DVDClassik il y a une dizaine d'années), qui commente le film dans de nombreux aspects, avec faconde, beaucoup d'acuité et à l'occasion un ou deux points d'interprétation sur lequel on ne le suit pas forcément (disons que la vision de l'Amérique du Sud, sous forme de synecdoque, dans le plan extérieur sur la maison nous paraît un peu tirée par les cheveux). Commençant par resituer le contexte de la genèse du film (Ariel Dorfman, la question de la transition telle qu'elle s'opère dans les pays d'Amérique du sud, les collaborateurs principaux de Polanski sur le tournage...), Frédéric Mercier développe ensuite la question de l' "ambivalence" telle qu'elle intervient de multiple façon dans le film. Il évoque pertinemment la manière dont Polanski travaille "le registre du grotesque", puis développe plus en détail, et en parallèle avec Lunes de fiel, la problématique complexe du "caractère indifférencié de la libido", cet "érotisme de la haine" qui meut le comportement de Paulina avec Miranda. 

 Au détour d'un parallèle tout à fait bien vu entre l'ouverture du film (qui opère par à-coups successifs) et sa fermeture (en continuité), il identifie notamment "la présence des coupes dans tous les espaces du film", puis livre sa version personnelle (empreinte, l'avoue-t-il, d'une forme de "tristesse", mais à laquelle nous souscrivons largement) de cette conclusion, qui confirme qu'il n'y a pas "de résilience béate" chez Polanski, chez qui la différence essentielle entre bourreaux et victimes se situe dans la "question du plaisir". Evoquant la puissance du hors-champ chez Polanski, Frédéric Mercier décrit également la "cosmogonie du huis-clos" telle qu'elle apparaît dans son oeuvre. Certaines idées stimulantes, un peu théoriques, auraient parfois gagné à être davantage précisées avant de passer à la suivante, mais c'est un peu le jeu de ces longs modules à bâtons rompus, et la richesse globale de l'analyse compense largement.

Sur le disque figure également une bande-annonce

Par Antoine Royer - le 31 mai 2023