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Test blu-ray
Image de la jaquette

La Fête sauvage

BLU-RAY - Région B
Zoroastre
Parution : 23 septembre 2014

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Afin de bénéficier d'une qualité optimale, la version DVD propose deux disques, avec les différentes versions du film sur l'un et les compléments sur l'autre. Pour l'édition Blu-ray - ici testée - tout a pu être regroupé sur un unique disque.

Tout d'abord, il convient de rappeler que La Fête sauvage a été tourné en 16 mm, d'où la présence d'un grain significatif lié à ce format. C'est le négatif 16mm d'origine qui a pu être utilisé pour la restauration du film. Il a été nettoyé, puis scanné en 2K afin d'être retravaillé en profondeur. Cette restauration, qui a duré trois mois et a demandé environ 400 heures de palette graphique, a été supervisée par l'ensemble des membres de l'équipe du film. Le chef opérateur Bernard Zitzermann, l'assistant réalisateur Daniel Barrau et le chef monteur Dominique Cazeneuve ont également suivi les 30 journées d'étalonnage, profitant des nouveaux outils numériques pour renforcer un peu les contrastes sur certains plans afin de mieux faire ressortir certains animaux se fondant un peu trop parfaitement dans leur environnement. Il ne s'agit pas ici d'un détourage artificiel mais d'un fin travail de rehaussement qui permet de corriger de légers défauts qui à l'époque ne pouvaient l'être.

Le résultat est absolument merveilleux et l'on se dit que si La Fête sauvage a bercé notre enfance télévisuelle, jamais nous ne l'avions vraiment "vu". La propreté de la copie, la parfaite stabilité de l'image, la délicatesse avec laquelle est gérée la palette des couleurs, la précision de la luminosité, la compression impeccable : tout concourt à faire de la vision du film un véritable enchantement. Et si notre oeil est aujourd'hui habitué à la précision incroyable des images HD dans les documentaires animaliers, le grain de la pellicule ajoute ce brin de mystère et de magie qui manque aux prises de vues impressionnantes de réalisme que les techniques numériques actuelles permettent. Un grain qui ancre aussi le film dans une certaine temporalité, lui donnant une texture qui n'est pas sans rappeler la rugosité des parois des sites d'art pariétal. Si la force du film demeure encore intacte aujourd'hui malgré les incroyables évolutions du documentaire animalier, c'est bien sûr d'abord grâce à la puissance poétique et musicale des images et du montage et au regard unique que Rossif porte sur la nature, mais la qualité du support n'est pas non plus pour rien dans le plaisir total que l'on prend à revoir cette Fête sauvage.

Son

Côté son, l'équipe de restauration est partie du mixage d'origine sauvegardé sur support 35mm. Le résultat est excellent et l'on ne déplore ni souffle, ni saturation, ni bruits parasites. La bande sonore est constamment claire et le mixage musique / ambiances / commentaire parfaitement dosé. Pas de spatialisation artificielle ici, le mono d'origine est respecté. La méthode de prise de son qui consiste à capter des bruits très spécifiques (cris, chants, feulements...) constitue une bande-son qui ne joue pas sur l'atmosphère et l'espace mais sur la précision et l'amplification d'éléments précis. La mono suffit donc amplement et c'est la qualité, la finesse du rendu sonore qui est attendu, chose que cette édition satisfait pleinement.

Le film est proposé dans sa version salle de l'époque mais aussi dans une version sans commentaire. On peut ainsi découvrir pour la première fois le film tel que Rossif aurait souhaité pouvoir l'exploiter. Si le commentaire est réussi, on aura tout de même tendance à vivement conseiller la version "muette" qui permet de vraiment s'immerger dans le film. Alors que la présence d'une voix humaine conditionne notre regard, donne une direction, guide nos pensées, son absence nous laisse libre de nous promener dans ce monde d'images et de sons. Bien sûr, Rossif nous raconte une histoire et son écriture est très précise. Mais il laisse énormément de place au spectateur et, en l'absence de commentaire, on peut tracer son propre chemin dans le film et le faire notre. Le voyage n'en est alors que plus fort, plus singulier, et l'expérience de La Fête sauvage en devient d'autant plus intime, plus profonde.

Suppléments

Portrait de Frédéric Rossif (40 min - italien sous-titré français)
Ce documentaire réalisé dans les années 80 par Ivan Falard nous propose de découvrir Frédéric Rossif à travers ses films, l'idée étant - pour reprendre les mots du cinéaste à propos de son documentaire sur George Mathieu - « qu'on ne peut pas faire le portrait d'un artiste, juste s'en approcher. »

Le film démarre en évoquant l'amitié entre Rossif et Fellini et on peut découvrir une séquence hommage à Amarcord tournée par Rossif sur la plage de Rimini. On y découvre Rossif mettant en scène ce long plan séquence, le cinéaste étant alors en train de réaliser Le Coeur musicien, une série de films pour la télévision italienne. Le film s'appuie ainsi sur des séquences de cette série, sur des images de Rossif au travail et sur des extraits de ses autres films pour nous raconter les différentes facettes de ce créateur : son rapport à l'art (le cirque, la peinture, la musique), son amour du monde animal et, comme corollaire à ces beautés qui l'aident à vivre, la façon dont il fait face à la violence du monde, au fascisme, à la guerre, à la barbarie, à tous ces drames auxquels il s'est si souvent mesuré à travers ses films et qui l'ont profondément marqué en tant qu'homme. Un beau portrait, juste et sensible.


La Fête sauvage 2013 (40 min 37)

En 1956, Frédéric Rossif est nommé programmateur du cinéma La Pagode à Paris. Quarante ans plus tard, l'équipe de La Fête sauvage se réunit dans ce haut lieu de la cinéphilie pour évoquer le film et le travail avec Rossif. Jean-Charles Cuttoli, (le seul à ne pas être présent à La Pagode mais interviewé chez lui en Corse) ouvre le bal en évoquant L'Opéra sauvage et son travail de repérage pour ce film. On entre ainsi de plain-pied dans la méthode Rossif, sa manière d'imaginer et de concevoir un film documentaire. Bernard Zitzermann explique ainsi qu'ils sont partis des films documentaires de Disney comme contre-exemple pour La Fête sauvage et ont construit leurs films animaliers en prenant le contre-pied de toutes les options prises dans les films du géant américain. Les différents collaborateurs prennent le temps d'expliquer les préparatifs, le tournage, le montage du film. On découvre à quel point ils ont dû tous innover, bricoler, rechercher des solutions techniques pour répondre aux exigences de Rossif. Au-delà de l'aventure exceptionnelle du film, on découvre aussi énormément de choses sur la façon dont Rossif appréhende le cinéma et dont il applique ses idées à l'exercice particulier du documentaire animalier.

Nous n'allons pas rentrer dans les détails de ce qui est ici raconté - la chronique du film en elle-même est nourrie des informations données dans ce bonus - mais seulement dire combien cet entretien à plusieurs voix se révèle passionnant de bout en bout, chaque intervenant racontant avec amour et précision son travail, de manière à la fois très précise et totalement accessible au néophyte.


Livret : Animal au coeur de l'homme (78 pages)
Nous n'avons pas souhaité dans la chronique du film philosopher sur la nature, l'animal et l'homme. Or, le film de Rossif est justement une invitation à penser le monde. Par la place très large qu'il laisse au spectateur, il est un réceptacle à nos réflexions, nos émotions, il invite au vagabondage de l'esprit et devient un espace où penser notre rapport au monde et à la vie. Le livret qui accompagne la présente édition propose justement plusieurs pistes de réflexion à travers des textes de Madeliene Chapsal, de la philosophe Elisabeth de Fontenay (spécialiste de la question de l'animalité), de Gisèle Breteau-Skira (ancienne directrice de publication de la revue Zeuxis qui s'intéressait au rapport entre le cinéma et les autres arts, et qui évoque dans son texte les liens entre le film de Rossif et la peinture) ou encore de l'écrivaine Hélène Bleskine (qui a collaboré avec Rossif sur L'Opéra sauvage).

Un corpus de textes passionnants dont on retiendra avant tout ceux de Madeleine Chapsal qui, de sa si belle langue, retrace le parcours de Rossif, raconte l'homme, le pourquoi de sa passion pour les animaux. Elle évoque mieux que personne ce que La Fête sauvage a de si profondément magique, de poétique. Ou du moins aussi bien que le critique Gilbert Salachas qui parvient avec d'autres mots, avec un autre regard à décrire l'extase que procure le film au spectateur qui se laisse envahir par lui. Le livret donne également la parole à Daniel Barrau et Bernard Zitzermann qui s'expriment très différemment ici que dans le bonus vidéo, Zitzermann rendant même hommage au cinéaste dans un beau et touchant poème. On retrouve également la parole de Rossif au travers de quelques réflexions sur le monde animal, des notes sur le film et un très intéressant entretien avec Jean-Pierre Barrou. Le livret se termine par la retranscription des notes de production du Grand mystère des animaux que Rossif préparait au moment de sa disparition. Autant d'éléments qui permettent de mieux comprendre sa démarche de cinéaste et la place si singulière du film dans le paysage du cinéma documentaire.

Film annonce (2 min 24)
Une bande-annonce muette qui retranscrit parfaitement le rythme, le mouvement, la musicalité du film. Deux minutes intenses qui ne peuvent donner qu'envie de découvrir le film dans son entier...

Par Olivier Bitoun - le 5 mars 2015