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Test blu-ray
Image de la jaquette

La Bataille d'Alger

BLU-RAY - Région B
Studiocanal
Parution : 27 octobre 2021

Image

La nouvelle restauration de La Bataille d'Alger, éditée aujourd'hui dans la collection Make My Day !, tranche radicalement avec les conditions de visionnage de la précédente, techniquement inégale, notamment à cause des divers éléments plus ou moins proches du négatif qui avaient été utilisés. Un master plus convaincant est sorti en 2011 chez l'éditeur américain Criterion, en Blu-ray, à partir d'une copie positive 35mm (cf. ce comparatif), mais d'une qualité encore très en deçà de celui que propose aujourd'hui StudioCanal. Il s'agit de la toute dernière restauration en date, commandée par la Cinémathèque de Bologne et L'Instituto Luce-Cinecittà en 2016 et sortie en Blu-ray en Italie en 2017. Les travaux ont été effectués en 4K au laboratoire L'Immagine Ritrovata, mais cette fois à partir des éléments originaux et en utilisant une copie de 1966, mise à disposition par la famille Pontecorvo, pour reconstituer le montage d'origine et servir de référence à l'étape d'étalonnage, supervisée par Marco Pontecorvo, le fils du réalisateur. Les titrages (de lieux et de dates) ont été reconstitués à partir d'un contretype original sous-titré du négatif, puis recombinés sur un fond neutre contretypé d'époque.

La Bataille d'Alger est aujourd'hui proposé dans des conditions extrêmement solides et l'on peut le dire : optimales. L'image est d'une très grande précision, avec un niveau de détail soutenu, et bénéficie d'une patine argentique plus qu'efficace. On retrouve les contrastes assez marqués des habituelles restaurations noir et blanc du laboratoire italien, qui sont ici renforcés conformément aux choix d'origine du réalisateur (qui, selon Samuel Blumenfeld, aurait filmé avec un internégatif) : la palette offre des gris charbonneux et des blancs parfois éclatants dans des images à l'aspect rugueux, brut, associées à un grain fin très présent voire agressif, tout cela renforçant l'aspect documentaire de certains plans, dignes d'archives d'actualités. La copie a été entièrement stabilisée et nettoyée. A l'exception d'un plan (vers 28 min 57) où apparaissent discrètement quelques macro-blocs, l'encodage du disque soutient assez admirablement les nombreuses difficultés apportées par la photographie complexe du film.

Il s'agit, de très loin, de la meilleure présentation du film à ce jour. Le comparatif avec la précédente édition DVD en France se passe de commentaires...

comparatif DVD StudioCanal (2004) vs. Blu-ray StudioCanal (2021) :

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Son

StudioCanal propose la piste son bilingue d'origine, entièrement post-synchronisée, qui a été restaurée à partir du négatif son. Le rendu est conforme aux capacités techniques de l'époque : la dynamique est correcte, sans plus, avec un léger souffle en arrière-plan et quelques saturations provenant des hurlements de la foule ou de certains passages musicaux. L'ensemble est bien nettoyé des traces d'usure ou des craquements occasionnels. Le mixage est fidèlement restitué, avec des ambiances assez détaillées.

Suppléments

La Bataille d'Alger est accompagné de nombreux suppléments.

Préface de Jean-Baptiste Thoret (11 min - HD)
Comme c'est la tradition pour chaque titre de la collection Make My Day !, le directeur de la collection présente le film, évoquant d'abord la courte filmographie de Gillo Pontecorvo, antifasciste devenu un cinéaste "hanté par l'anticolonialisme", dont les oeuvres ont parfois inspiré de célèbres textes de la critique française (Jacques Rivette sur Kapò, par exemple), et dont La Bataille d'Alger constitue à la fois "le sommet" et "le manifeste". Jean-Baptiste Thoret insiste sur l'implication importante de Yacef Saadi, "figure iconique de la guerre d'indépendance", ou sur les choix narratifs et esthétiques de ce film "génial", tourné "au ras des faits", sans psychologisation, à l'aspect "cinéma-vérité" renforcé par la participation d'acteurs non professionnels, parfois dans leurs propres rôles. Il replace évidemment La Bataille d'Alger dans son contexte historique, les tensions et les difficultés rencontrées pour le sortir dans l'Hexagone, ou évoque l'"influence colossale" du film dans l'histoire du cinéma, et comment il a pu servir de "manuel de guérilla pour les groupuscules révolutionnaires" voire l'armée américaine...

La Bataille d'Alger revu par Samuel Blumenfeld (73 min - HD)
Un long et remarquable entretien de l'une des plus éminentes plumes cinéphiles françaises. Journaliste, critique et romancier, Samuel Blumenfeld explique pourquoi La Bataille d'Alger, qu'il a pris "en pleine figure" pendant la guerre en Irak, en 2003, est comme "le chaînon manquant d'une Histoire du cinéma" : une œuvre admirée dans le monde entier mais restée taboue et occultée par une France qui "retardait l'inéluctable" de la décolonisation. Il explique comment le projet a pu se concrétiser, la rencontre complémentaire de deux idées de scénario, deux points de vue, et pourquoi le réalisateur Gillo Pontecorvo, figure de la Résistance italienne, était "l'homme de la situation", capable de restituer "l'histoire de la libération d'un peuple". Samuel Blumenfeld fait la très bonne analyse d'"un film plus intelligent à chaque vision" qui, avec ces "premières images algériennes de la guerre d'Algérie", filmées comme une bande d'actualité, répond ainsi à la propagande française avec "les mêmes armes". Il évoque la force de l'immédiateté, quelques années à peine après les faits ; l'extrême stylisation qui installe le réel, facilitée par le choix de comédiens non professionnels, parfois trouvés en prison ; l'aide logistique inestimable du gouvernement algérien pour transformer la Casbah en "gigantesque plateau de cinéma" ; ou la musique "inattendue" et "schizophrène" d'Ennio Morricone, entre la nervosité du thriller et la mélancolie qui appuie la tragédie. Samuel Blumenfeld relève la complexité symbolique du personnage du Colonel Mathieu qui, quinze ans plus tôt, était de l'autre bord, en train de libérer son pays au sein de la Résistance, le film suggérant ainsi "le gouffre incroyable" de la position française de l'époque. Il souligne aussi la place privilégiée du spectateur à qui on fait comprendre les enjeux subtils de la situation, et soutient la vision du cinéaste sur la légitimité des attentats vis-à-vis des victimes civiles : loin d'une quelconque fascination pour le FLN, le film est "constamment accompagné d'un point d'interrogation". La Bataille d'Alger incarne une mythologie amère, affichant un espoir qui, en 1966, est déjà "une désillusion" face aux dérives antidémocratiques du gouvernement algérien. Passionnant.

StudioCanal reprend également les suppléments produits pour l'édition DVD collector sortie en 2004. Des documents d'autant plus précieux que certaines personnalités sont depuis décédées :

Le souci de la vérité (17 min - SD - VOSTF)
Une rencontre avec le réalisateur Gillo Pontecorvo, disparu en 2006, qui explique son choix de traiter de la guerre d'Algérie, regrettant que le public ait depuis perdu le goût dans la politique (et "en fait, aux autres"). Il évoque les difficultés à trouver des financements et la façon dont le film a été écrit, après un an de recherches effectuées sur place ou à Paris (pour rencontrer le chef des paras) afin de se rapprocher au plus près de la vérité. Il justifie l'emploi du noir & blanc qui renforce l'aspect documentaire, expliquant les difficultés à mettre en scène cet aspect "volé", comme par exemple régler "au millimètre près" les mouvements de foule. Il se souvient de la solidarité de la population, une "sympathie remarquable" qui les a bien aidés pendant le tournage dans la Casbah, et revient sur le casting effectué parmi la population qui privilégiait la ressemblance physique avec les personnages réels, quitte à user "de patience... et de pellicule" avec ces comédiens non professionnels.

Dans la peau d'un para (14 min - SD)
Jean Martin, disparu en 2009, seul comédien professionnel de La Bataille d'Alger, raconte comment il a été choisi par Pontecorvo pour son "apparence extérieure". S'il était "contre la chose", ayant notamment signé Le Manifeste des 121 contre la guerre, lancé par Sartre, ce qui lui a causé "beaucoup de déboires", il a toutefois tenu à jouer ce colonel de manière aussi sympathique que possible pour ne pas tomber dans la caricature. Il se souvient de son rôle, "un amalgame de personnages réels confrontés à une situation exacte" ; de l'émotion du tournage dans la Casbah, dans les lieux mêmes de l'histoire, tel ce commissariat qui contenait toujours les rapports de tortures ; de la difficulté à donner la réplique à des comédiens non professionnels ; ou de la scène du défilé en para dans les rues d'Alger. Il parle aussi de la post-synchronisation du film, même s'il avait été originellement tourné en Français, regrettant "le handicap de ne plus être dans l'émotion de la prise"...

Alger 1956-1957, retour sur une résurrection (18 min - SD)
L'historien Benjamin Stora apporte quelques précisions sur le soulèvement d'Alger, illustré par des images du film. Il parle des "cellules très structurées et clandestines" du FLN, calquées sur les mouvements ouvriers français, des différences de citoyenneté appliquées aux Algériens par rapport à la population européenne, ou de ce que représentait la Casbah, "une ville dans la ville" devenue ghetto après la construction de la partie européenne d'Alger. Il revient sur l'engagement des femmes dans la lutte et sur l'assassinat politique de Larbi Ben M'Hidi, "personnage gigantesque de l'histoire algérienne". Il évoque la bataille médiatique utilisée par les Algériens et les conséquences sur l'opinion publique française, "l'impact très fort" des tortures, à peine plus de 12 ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale : pour la France, ce fut certes une victoire militaire mais aussi une "terrible défaite morale" sur le plan politique. Un module intéressant mais bien trop succinct.


40 ans de bataille (6 min - SD)
Retour sur la sortie du film et de ses polémiques, sur près de 40 ans : un succès mondial qui restera invisible en France, "ni ouvertement censuré ni véritablement interdit". Bien documenté avec les unes de journaux de l'époque, ou relatant les diverses menaces dont ont été victimes les salles de cinéma.


D'une bataille à l'autre (20 min - SD)
Rencontré aux environs d'Alger, Yacef Saadi, responsable FLN condamné à mort à trois reprises, gracié par De Gaulle, et décédé en 2021, résume l'aventure du film, inspiré de son livre écrit en prison. Il raconte la recherche d'un producteur, en France sans succès puis en Italie où la rencontre avec Gillo Pontecorvo sera décisive, leur collaboration fructueuse sur le film, le tournage sur les lieux des évènements, la volonté de montrer la violence des deux côtés, comme "une partie d'échecs". Il revient sur le jeu des comédiens amateurs facilité par "la plaie encore saignante" du conflit, et le choix de Brahim Hadjadj, berger qui ne parlait pas français et vécut intensément son rôle d'Ali La Pointe (au point de croire en une carrière d'acteur qui le fera mourir dans la misère). Malgré des redondances inévitables avec certains suppléments précédents, voilà un entretien très intéressant.


En savoir plus

Taille du Disque : 46 695 116 401 bytes
Taille du Film : 30 587 049 984 bytes
Durée : 2:01:39.375
Total Bitrate: 33,52 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 29,99 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 29997 kbps / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: French / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 1780 kbps / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 1509 kbps / 24-bit)
Subtitle: French / 7,015 kbps
Subtitle: French / 33,979 kbps

Par Stéphane Beauchet - le 21 mars 2022