L'Extravagant Mr Ruggles

Pour savoir où l'on arrive, il peut être intéressant de savoir d'où l'on vient, et dans le cas qui nous intéresse ici, cela implique deux considérations.

La première est que l'unique édition française, à ce jour, était un DVD édité par Bac Video en 2006, et le comparatif ci-dessous permet de se rendre compte - surtout - de la pauvreté de cette édition préhistorique.

DVD Bac Video (2006) vs. Blu-ray Elephant : 1 2 3 4 5 

La deuxième est que, comme par exemple pour Place aux jeunes, dans la même salve, Elephant a ici repris le master qui avait servi, en 2012, à une édition haute-définition britannique dans la collection Masters of Cinema d'Eureka Entertainment. Celle-ci, certes ancienne, n'était pas dénuée de qualités de définition, de clarté ou de niveaux de blancs (surtout si on les compare, donc, avec l'édition DVD antédiluvienne). La question du grain demeure un peu plus problématique, avec un mélange pas toujours naturel de grain d'origine et de bruit numérique, qui provoque des effets de fourmillements pas toujours heureux - l'usage probable de DNR demeure plutôt discret, et évite un rendu trop lisse. Quelques saletés demeurent, toutefois très discrètes.

Contrairement à Place aux jeunes (avec l'édition Criterion), il n'existe pas à ce jour d'édition plus récente permettant de déplorer l'usage d'un master obsolète, ce qui permet - tout en souhaitant qu'un jour une restauration plus fine soit accomplie - de considérer que c'est à l'heure actuelle le meilleur matériau dont on peut disposer.

On avait souvenir, lors de la découverte du film avec l'édition DVD, d'avoir dû régulièrement tendre l'oreille pour percevoir certaines répliques, en particulier lors des murmures de Ruggles récitant le discours de Lincoln. Cette fois, pas de problème : la piste originale (pas de VF, notons-le) est propre, et les dialogues ressortent de façon claire et équilibrée. L'ensemble manque évidemment de dynamique (on parle d'un film de 1935, rappelons-le) mais on peut tout à fait se satisfaire du résultat.

A noter que, comme pour les autres titres de la salve, Elephant Films propose de choisir la couleur des sous-titres (blancs ou jaunes).

Parmi les suppléments du film, on retrouve une présentation d'Olivier Père (28 min - HD), qui analyse ce qu'il qualifie de "premier film à la fois parfait et parfaitement personnel" de Leo McCarey. S'ensuit une description de la vie "romanesque" de Leo McCarey, depuis ses débuts d'avocat ou de "script-girl" ou sa relation avec Tod Browning, duquel McCarey aurait tiré sa capacité à travailler des figures "monstrueuses et burlesques".

Olivier Père explique ensuite comment cette adaptation d'une pièce déjà adaptée au cinéma se prêtait à la mise en avant du côté "sentimental et humain" du réalisateur, et fait ressortir les principales caractéristiques du film, en insistant sur le fait que McCarey n'était pas spécialement un cinéaste "social" ni un "styliste visible", plutôt un représentant d'une certaine "quintessence du classicisme", qui sait "privilégier la lenteur".

Au bout de 17 minutes environ, Olivier Père consacre son attention à "l'autre auteur du film", Charles Laughton, qui venait alors d'être lauréat de l'Oscar du Meilleur Acteur et qui était alors très maître de sa carrière, un "intellectuel" qui, par exemple, "connaissait bien Brecht", ce qui peut expliquer "la position d'observateur critique" conférée au spectateur. Un peu plus tôt, Olivier Père aura évoqué brièvement un parallèle entre le personnage de Ruggles et le parcours de l'acteur, lui-même anglais, qu'il ne développe malheureusement pas outre mesure. Plus généralement, si on adhère sans retenue au contenu des propos d'Olivier Père, on peut émettre quelques réserves sur la forme, un peu délayée, et qui manque ainsi parfois de rythme ou d'approfondissement.

Le disque propose aussi des bandes-annonces (d'assez médiocre qualité) d'autres titres de la collection Cinema Master Class (dont La Huitième femme de Barbe-Bleue, Place aux jeunes ou La Vie facile).