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Test blu-ray
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L'étrangleur de Boston

BLU-RAY - Région B
Carlotta
Parution : 17 avril 2013

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Après Les Inconnus dans la ville, L'Etrangleur de Boston est le deuxième film de Richard Fleischer sorti par Carlotta en Blu-ray et DVD ce mois-ci, soit une deuxième raison de passer à l'achat. Néanmoins, que les choses soient dites : L'Etrangleur de Boston est bien moins impressionnant, moins clinquant, que Les Inconnus dans la ville sur support HD. De son côté, Les Inconnus dans la ville bénéficiait d'un rendu couleurs signé DeLuxe pour une tenue d'ensemble chatoyante, aux couleurs chaudes et au procédé tout à fait exceptionnel. A l’inverse, malgré son label DeLuxe (label surtout prisé par la 20th Century Fox dans les années 50-60), L'Etrangleur de Boston possède des tons bien plus mesurés, une patine plus sale (volontaire bien sûr), un grain typique de la fin des années 60 (et qui va s'intensifier dans les années 70)... Les deux films ont des volontés artistiques extrêmement différentes, et cela de façon tout à fait évidente. Dès lors, tout en prenant en compte ces aspects-là et en replaçant chaque film dans son contexte historique de sortie en salles, L'Etrangleur de Boston est bel et bien un bon cran en-dessous concernant son traitement Blu-ray. Tout simplement.

A cela plusieurs raisons. Le matériel disponible au départ était sans doute plus abimé, et le matériel de tournage utilisé à l'époque a rapidement concédé au film une teneur graphique bien éloignée de celle maintenue durant les tournages en studios. Même souvent situé en extérieurs, Les Inconnus dans la ville reste un "film de studio", avec ses prises de vues totalement maîtrisées vis-à-vis du milieu dans lequel elles sont tournées. L'Etrangleur de Boston a en revanche été filmé à l'aide de plusieurs focales diverses, plusieurs pellicules de sensibilités différentes, sans oublier des conditions de tournage inégales en milieu urbain et souvent traversées "caméra à l'épaule" ou tout au moins de façon à reproduire un "effet de réel". Si l'image est travaillée dans ses moindres détails par Fleischer dans ce film, ce n'est pas pour retrouver la performance esthétique léchée de plusieurs de ses précédents films (dans les années 40-50), mais bien pour offrir une nouvelle expérience, granuleuse et presque documentaire, froide et réaliste, presque clinique. On peut juger que L'Etrangleur de Boston est un film très difficile à restaurer pour ces raisons-là, car il convient de ne pas toucher à la valeur intrinsèque de ce qui a été tourné au départ. Chose complexe quand on y pense, car Les Inconnus dans la ville était par exemple visuellement somptueux, mais bien plus accessible, plus "propre" que ce que donne à voir l'esthétique délétère et grisâtre de L'Etrangleur de Boston.

En ce sens, le Blu-ray de L'Etrangleur de Boston qui nous est offert par Carlotta aujourd'hui a toute notre estime. Le grain cinéma est bien présent, les noirs ne souffrent d'aucune faiblesse (à la fois profonds et naturels), les couleurs sont respectées à chaque plan... Rien ne bave, rien n'entrave un visionnage dès lors très confortable. Pas de DNR hystérique, pas de Edge Enhancement maniaque, et presque aucun problème de compression. On a bien parfois l'impression d'un zeste de bruit vidéo, mais cela s'avère si rare et discret que l'on ne pourra décemment pas en tenir rigueur à cette édition. On peut cependant regretter que la HD n'apporte pas spécialement un sentiment de grande profondeur, en partie par un manque de définition selon les séquences. En outre, bien que très propre, la copie laisse subsister un certain nombre de points blancs, même si ceux-ci demeurent discrets et ne gênent absolument pas l'expérience visuelle. Après tout, la grande qualité de ce transfert réside aussi dans ce qu'il donne à ressentir le film comme assez vivant en fin de compte. Ainsi, l'aspect chimique domine aisément l'impression générale au visionnage. Le film semble continuer à respirer, et n'est jamais figé par une numérisation primaire ou une restauration opérée à-la-va-vite (et dans laquelle le DNR serait roi). Les séquences en split-screen (écran divisé) restent remarquables de ce point de vue-là, grâce à une lisibilité parfaite. Le procédé d'époque laisse percevoir un grain fort sur ce genre de vignettes, et rien ne semble artificiel.

En cela, L'Etrangleur de Boston ne profite sans doute pas d'un grand Blu-ray (pas de ceux que l'on utilise pour effectuer des démos HD), mais en tout cas d'un Blu-ray solide, au résultat fort louable et, disons-le, souvent très beau. Carlotta a fait de l'excellent travail, même si les plus pointilleux auront des choses à y redire. Il n'en demeure pas moins que le film n'a jamais été aussi beau depuis son apparition sur un support, quel qu'il soit.

Son

La perfection, ou presque, concernant la version originale. Si L'Etrangleur de Boston est une expérience visuelle originale de premier ordre, il ne faudrait également pas oublier qu'il est indéniablement une expérience sonore palpitante. Avec ses bruits de rues, ses journalistes agglutinés, ses bars désabusés, et son grand final au silence assourdissant (la respiration saccadée de Tony Curtis au sein d'un silence mortifère et déstabilisant), le film avait de quoi inquiéter quant à son transfert HD. Les choses ont été bien faites, avec une piste DTS-HD Master Audio 2.0 de haute tenue. Les basses sont maintenues à un bon niveau, les sons d'ambiance percutants, et les voix très claires. On sent un bon équilibre au niveau du mixage, et qui étonnera peut-être ceux qui étaient habitués à l'honorable mais timide DVD édité par Fox voici quelques années. Pas de défaut, si ce n'est que deux ou trois dialogues connaissent peut-être une légère saturation par les aigus. Tout comme pour l'image, il est bouleversant de redécouvrir L'Etrangleur de Boston dans un si bel écrin sonore, aussi fidèle aux choix du réalisateur. La version française, en DTS-HD Master Audio 1.0, est par contre véritablement desséchée en comparaison. La dynamique est mollassonne, troublée par des voix peu claires à l'occasion et prenant le pas sur une bonne partie de l'ambiance. Des effets de saturation sont à noter, pour un doublage général de qualité très moyenne. Préférez donc la VO, encore, toujours.

Suppléments

Deux suppléments de choix, très intéressants et disponibles en HD, sont à découvrir sur ce Blu-ray. Notons que le menu, quelque peu opportuniste, est néanmoins bien travaillé, avec son fond graphique simple et son habillage sonore qui mettra immédiatement le cinéphile dans une ambiance oppressante, lardée par le malaise.

Tout d'abord, L'écran schizophrène : William Friedkin à propos du film (21 minutes), vient nous régaler d'un témoignage cinéphile de belle envergure. Admirateur du film et du cinéaste, Friedkin parle du scénario (de ses sources), du résultat obtenu à l'écran, du sentiment général créé par la mise en scène de Fleischer, du split-screen et de son utilisation exceptionnellement intelligente... Lui-même grand réalisateur, puisqu'on lui doit entre autres des films comme L'Exorciste, French Connection, Sorcerer et To Live and Die in L.A. (les trois derniers font partie des films cultes de l'auteur de ces quelques lignes), Friedkin apporte autant son regard de cinéphile éclairé que son expérience de réalisateur manipulateur de l'image. On peut voir cet entretien-documentaire comme le clin d'œil expérimenté et plein d'admiration d'un maître à un autre.

Faux nez, vrai tueur : Souvenirs de L'étrangleur de Boston (30 minutes) est un superbe documentaire rétrospectif, sans langue de bois, très informatif et concentré sur la personnalité du réalisateur Richard Fleischer tout autant que sur la confection de ce chef-d’œuvre. Tout y est replacé dans les grandes lignes (avec un certain nombre d'anecdotes au passage), thématiquement et historiquement. Les intervenants sont le fils de Richard Fleischer (une mine d'informations sur son père et sa carrière), le chef opérateur (assez captivant), et l'actrice Sally Kellerman (la plupart du temps inintéressante, mais sans que cela ne réduise vraiment l'intérêt du documentaire).

On peut saluer Carlotta une nouvelle fois : ils ont encore édité un vrai classique (difficile et finalement méconnu du grand public) dans de très bonnes conditions.

Par Julien Léonard - le 16 avril 2013