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Test blu-ray
Image de la jaquette

Jungle Fever

BLU-RAY - Région All
Elephant Films
Parution : 7 juillet 2020

Image

L’œuvre de Spike Lee, dont de très nombreux films sont sortis dans une certaine confidentialité tout au long de ces dernières années, commence à bénéficier d’un peu plus de visibilité en vidéo HD et c’est plutôt une bonne nouvelle. Ainsi, en plus de nous proposer Jungle Fever (1991) en Blu-ray, l’éditeur Elephant Films s’est également chargé d’éditer le très beau Mo’ Better Blues (1990). Mais c’est hélas la déception qui nous cueille à la vision du disque qui nous occupe ici. Très nettement, le master fourni par Universal n’est pas de première jeunesse. Mais à ce sujet, nous commençons à être habitués puisque le studio américain ne se prive pas de fournir aux éditeurs des masters anciennement restaurés avec des contraintes techniques moins drastiques qu’aujourd’hui. Ainsi la copie de Jungle Fever présente typiquement un étalonnage avec une légère dominante magenta, même si, attention, il faut garder à l’esprit que le directeur de la photographie Ernest Dickerson utilise régulièrement des filtres colorés. Les contrastes, bien que soutenus, ne sont pas toujours probants : les basses lumières ont tendance à supprimer les détails et les hautes lumières sont souvent surexposées. Cela dit, la colorimétrie générale est séduisante avec de belles nuances et des saturations appréciables conformes au travail du chef opérateur. La définition est assez irrégulière, peu précise, mais - heureusement ! - l’éditeur ne compense pas ce problème en utilisant le fameux Edge Enhancement (l’accentuation des contours) à fond les manettes. Mais force est de constater que le grain cinéma a été atténué. Globalement, on peut clairement parler la haute définition - plusieurs gros plans en attestent avec leur piqué -, mais on reste bien en-deçà des standards actuels. Enfin, la copie a été plutôt bien nettoyée, exception faite de quelques scories. Le confort de visionnage est relativement assuré sur un grand écran mais de taille raisonnable. Sauf que…

Sauf que, petit péché mignon parfois de l’éditeur, le film présente une pulsation quasi permanente dans sa texture dont la cause est une gestion problématique de la compression numérique. En effet, en analysant l’image de près, on constate une forte déperdition de définition entre un photogramme et le photogramme suivant qui se retrouve complètement lissé. Pour vous en rendre compte, il suffit de cliquer sur les deux comparatifs ci-dessous :

Comparatif 1  Comparatif 2

Il s’agit d’une démonstration parfaite d’un encodage mal géré et c’est bien dommage de retrouver ce défaut encore en 2020. En conclusion, nous sommes bien contents de pouvoir regarder Jungle Fever en HD mais nous aurions souhaité le voir disponible dans un meilleur écrin. Peut-être dans une meilleure édition un jour...

Son

Les deux pistes sonores proposées - originale et française - sont d’excellente qualité, à la fois précises, claires et disposant d’un mixage stéréo d’assez bonne tenue. Les compositions musicales sont remarquablement bien servies par ces deux bandes-son. Mais encore une fois, il faudra bénéficier la piste originale dont la profondeur et l’ouverture sonore l’emportent très nettement sur le doublage français, qui met les voix bien trop en avant au détriment de l’équilibre général et du sentiment d’immersion. D’autant plus, pour les plus scrupuleux,  que les voix françaises des deux personnages principaux ne correspondent pas du tout à aux voix originales des comédiens américains.

Suppléments

Avant d’arriver au menu principal du disque, nous sommes accueillis par la bande-annonce de Mo’ Better Blues (2 min 41 - 4/3 - SD), l’autre film de Spike Lee qu’a sorti Elephant Films en HD cet été. Les suppléments de ce Blu-ray se composent de trois documents vidéo et d’un livret particulièrement instructif malgré sa petite taille.

Rédigé par Stephen Sarrazin et intitulé Ministère A.I.M.E.R. : de Mars Blackmon à Black Klansman, les périmètres de Spike Lee, ce livret propose une douzaine de pages de texte et de nombreuses illustrations. Après un survol biographique sur deux pages, l’auteur se livre à deux analyses successives de Mo’ Better Blues et Jungle Fever, en en relevant les enjeux thématiques et artistiques et tout en renseignant sur le processus créatif de Spike Lee et son travail collaboratif.

Le film par Régis Dubois (24 min 27 - 16/9 - 2020 - HD)
Passionné depuis très jeune par Spike Lee, Régis Dubois commence par se présenter ; il est justement l’auteur du premier ouvrage sur le cinéaste en français - Spike Lee, un cinéaste controversé - après avoir rédigé plus jeune une thèse sur le cinéma américain. Dubois explicite les origines du film et cite d’entrée le thème principal de Jungle Fever : le racisme et en particulier « le tabou suprême qui repose sur les relations sexuelles Noirs/Blancs » depuis l’esclavage, surtout la relation entre un Noir et une Blanche, un sujet très délicat non traité par Hollywood. Les autres thématiques seront également abordées comme les ravages de la drogue (le crack en particulier) ou les violences policières, avec la vision pessimiste adoptée par Lee. Dubois évoque l’injonction qui avait été faite au réalisateur de traiter du problème de la drogue dans sa communauté, ce à quoi le réalisateur se résout enfin à faire avec Jungle Fever devant l’urgence de la situation dans les ghettos. Notamment dans l’impressionnante séquence du Taj Mahal (une énorme « crack house ») filmée comme « un enfer ». La participation de Samuel L. Jackson (ancien drogué) se révèle à ce sujet capitale, comme le jeu halluciné de la débutante Halle Berry. Dubois aborde - trop brièvement - l’importance de la musique dans l’œuvre du cinéaste avec la participation de Stevie Wonder. Puis il s’exprime sur le rôle de Spike Lee dans le cinéma américain, la famille d’artistes et de techniciens qu’il a composée, son influence sur ses jeunes collègues afro-américains qui finiront par « le concurrencer » comme John Singleton la même année que Jungle Fever. « Casser le déterminisme » racial représente selon Dubois le travail de Lee, dont il évoque le leitmotiv du « Wake up ». Il achève sa présentation par ce qu’il appelle « l’âge d’or » de Spike Lee de ses débuts à Malcolm X et par son influence sur le cinéma français. Malgré quelques répétitions et la présence de beaucoup d’extraits, l’intervention de Régis Dubois - qu’il faut avoir vu après le film ! - se révèle très intéressante.


Making of (7 min 45 - 4/3 - SD - VOST - 1991)
Il s’agit en fait ici d’une featurette promotionnelle avec voix off réalisée par Universal Pictures à l’époque de la production de Jungle Fever. On y voit énormément d’extraits du film et quelques images du tournage. Spike Lee y évoque brièvement le thème principal, de même que les comédiens Anabella Sciorra, Ossie Davis, Wesley Snipes, John Turturro et même Anthony Quinn. Un document, de par sa nature même, plutôt dispensable.


Bande-annonce (2 min 45 - 4/3 - SD - VOST - 1991)
Au lancement du film-annonce, l’éditeur présente ses excuses pour la mauvaise qualité de ce dernier. Bien lui en a pris mais nous avons quand même vu bien pire. On remarque par ailleurs que sa colorimétrie est moins froide que le master proposé par ce Blu-ray, ainsi que la présence de deux actrices écartées du montage final : Gina Gershon et Illeana Douglas.

Par Ronny Chester - le 9 septembre 2020