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Test blu-ray
Image de la jaquette

Europe 51

BLU-RAY - Région B
Tamasa
Parution : 10 mars 2021

Image

Huit ans après le DVD, Tamasa réédite Europe 51 en Blu-ray à partir de la dernière restauration en date. Comme expliqué dans le livret et approfondi dans le supplément, le film a connu une exploitation compliquée à sa sortie, raccourci pour son contenu jugé non conforme aux idées de l'époque et montré selon les pays avec des coupes différentes. Le film existe dans son montage international (en anglais, d'une durée de 110 min) que Criterion avait sorti en 2013 à partir du scan 2K, reconstitué depuis diverses sources par la Cinémathèque de Rome, à l'époque où Rossellini était directeur du Centro Sperimentale di Cinematografia (et avait donc le pouvoir de le superviser). L'éditeur américain en conclue dans son livret qu'il s'agirait du montage le plus proche des intentions définitives du cinéaste. Tamasa propose uniquement la version présentée au Festival de Venise le 12 septembre 1952, déjà éditée par Criterion en 2013 dans une simple restauration HD. Le négatif original est sans doute inutilisable ou perdu : la copie positive (de première génération) qui fut utilisée pour la projection à Venise, conservée par la Cinémathèque de Bologne, est vraisemblablement l'élément le plus complet (et techniquement exploitable) connu aujourd'hui. Il a été restauré dans le cadre du projet Rossellini en 2015, et scanné en 4K par le laboratoire L'Immagine Ritrovata.

L'absence du négatif original impacte notablement le rendu qui perd beaucoup en précision et conserve une douceur appuyée, qu'on ne peut pas rattraper. Les faiblesses du piqué et du niveau de détail sont peu aidées par une copie qui a subi des problèmes de tirage réguliers, avec l'apparition d'un flou parfois prononcé sur la partie gauche du cadre. Mais comme vous pouvez le voir avec le premier comparatif, les avancées sont très spectaculaires par rapport au master du DVD sorti en 2013 qui était abîmé, sale et très instable. Le Blu-ray propose aujourd'hui un cadre un peu plus aéré, une image enfin stabilisée, largement nettoyée et sans pulsations, avec un léger grain, fin mais discret. Malgré un manque de détail toujours palpable dans les blancs et des noirs encore laiteux, la dynamique des contrastes est spectaculaire : l'image retrouve un équilibre avec des arrière-plans jadis invisibles à cause des noirs bouchés (captures 5 et 6). Nous émettrons cependant un petit bémol sur le niveau de noir insuffisamment renforcé à notre goût, illustré par le second comparatif, sachant que le rendu est pourtant conforme à la densité de contraste de la projection en salle (et donc fidèle à ce que les spectateurs ont pu voir à l'époque). Aucun souci d'encodage n'est à déplorer, à peine de très infimes posterisations (banding) pendant les fondus au noir.

DVD Tamasa (2013) vs. Blu-ray Tamasa (2021) : 1 2 3 4 5 6 7 8 9

MONTAGE ITALIEN
Blu-ray Criterion (2013) vs. Blu-ray Tamasa (2021) : 1 2 3 4 5 6

L'idée nous traverse forcément l'esprit : pourquoi ne pas avoir reconstruit cette version "complète" en utilisant des segments de la version américaine, parfois en meilleur état (comme le montre la capture 2 du troisième comparatif, où le flou dû au mauvais tirage disparaît dans la version américaine) ? Cela aurait sans doute été possible sans les éternelles questions de droit...

MONTAGE INTERNATIONAL vs. MONTAGE ITALIEN
Blu-ray Criterion (2013) vs. Blu-ray Tamasa (2021)
: 1 2 3 4 5 6

Son

La piste son restaurée ne s'en sort pas si mal, présentée en mono plein débit. Même si l'on ressent encore un léger souffle, celui-ci est souvent tempéré et n'empiète pas trop sur l'équilibre général. La musique bénéficie d'une présence suffisante, sans saturation marquée, tandis que les voix restent assez claires, sans sifflantes. Le rendu est conforme au mixage d'origine, avec un rendu minimal et simple, mais une bonne présence des ambiances.

Suppléments

Le film aux "X" versions (44 min - 1080i)
Elena Dagrada, spécialiste du cinéma et enseignante à l'Université de Milan, récompensée en 2005 pour un ouvrage sur les films de Roberto Rossellini avec Ingrid Bergman, évoque Europe 51, "le film le plus politique de toute la carrière de Rossellini", qu'elle resitue dans la carrière du cinéaste, revenant notamment sur les modifications apportées par rapport au premier traitement, beaucoup plus marqué par les figures religieuses, puis les changements de physionomie du scénario, le rôle plus négatif du prêtre ou la présence accrue des institutions bourgeoises (juge, avocat). Elena Dagrada revient sur l'aspect "courageux" du film et sa prise de distance par rapport à la politique italienne de l'après-guerre, avec cette héroïne anticonformiste aux "voix dominantes" qui "apprend à regarder" le monde qui l'entoure, dessinée sur le modèle de Saint François, en partie inspirée par la philosophe Simone Weil. Une héroïne fortement autobiographique qui rappelle le propre statut du cinéaste qui revendiquait "son droit à la diversité" dans le cinéma italien de l'époque. L'universitaire s'attarde longuement sur les différentes versions du film et les modifications parfois opérées par Rossellini lui-même avant la présentation au Festival de Venise et avant la sortie en Italie, et les modifications opérées dans le montage français montré à Cannes et dans la version anglophone. A chaque fois, des scènes, des bouts de dialogues sont supprimés ou modifiés d'un pays à l'autre, expurgés des allusions aux conflits sociaux pour satisfaire la critique et le public chrétien "alignés" avec les idéologies de la Guerre Froide . Des coupes qui sont parfois si radicales qu'elles font même contresens avec les images ! Spécialement produite pour cette édition, une intervention très intéressante par une spécialiste du sujet, à laquelle il manque juste quelques comparaisons avec des extraits des autres versions, un souhait sans doute impossible pour des questions de droit.

Pour accompagner le film, Tamasa propose de nouveau un livret (20 pages) et un texte de l'indispensable Jean A. Gili, l'un des grands spécialistes du cinéma italien. Le critique évoque le "tableau cruel des inégalités sociales" et une "radiographie de l'Italie en 1951" qui fut "diversement appréciée", le film ayant subi les foudres de la censure dans de nombreux pays. Il évoque certaines coupes et le contenu de cette version originale. Le livret est enrichi par rapport au DVD avec l'ajout du dossier de presse allemand de l'époque et plusieurs extraits de textes autour du film. On trouve ainsi quelques mots de Roberto Rossellini, qui explique avoir voulu dépeindre "une sainte moderne" et le décalage d'un monde qui la prend pour folle. Alberto Moravia défend le film, "surclassé par l'interprétation d'Ingrid Bergman", et fait un parallèle avec la vie de la philosophe méconnue Simone Weil, dont une courte citation parle de "la marque de l'esclavage" qu'elle ressentit en travaillant en usine.

En savoir plus

Taille du Disque : 32 991 358 932 bytes
Taille du Film : 25 555 138 560 bytes
Durée : 1:58:57.000
Total Bitrate: 28,65 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 25,00 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 25000 kbps / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: Italien / LPCM Audio / 2.0 / 48 kHz / 2304 kbps / 24-bit
Subtitle: French / 25,106 kbps

Par Stéphane Beauchet - le 17 mars 2021