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Test blu-ray
Image de la jaquette

Dingo

BLU-RAY - Région B
Intersections
Parution : 6 mars 2023

Image

Ce n'est pas sans une certaine émotion (et une certaine admiration) que l'on accueille de nouveaux acteurs sur le marché de l'édition physique de films de répertoire, et ce d'autant plus quand DVDClassik est indirectement concerné (un membre émérite du forum de notre site se cacherait derrière ce nouvel éditeur... mais chut !). Bienvenue donc à Intersections, dont les deux premières éditions numérotées (on en espère bien d'autres), ont donc été Dingo (pour le numéro 01) et Mad Dog Morgan (pour le numéro 02).

La toute première édition HD de Dingo était sortie en janvier 2021 chez les éditeurs indépendants australiens de Umbrella Entertainment, en numéro 2 de leur collection Sunburnt Screens (non zoné, mais sans sous-titres français). L'édition française d'Intersections repose sur la même restauration, supervisée par Rolf de Heer lui-même, obtenue à partir de l'interpositif  scanné en 4K.

Le rendu est très plaisant, avec une belle précision dans l'image, qui ne manque globalement ni de finesse ni de texture. La restitution de l'outback australien, avec sa luminosité particulière, est assez superbe, tandis que les séquences parisiennes, plus sombres et à la photographie plus naturaliste, s'avèrent également satisfaisantes - malgré quelques plans à la mise au point moins aboutie. Le grain est restitué de façon naturelle, sans recours manifeste à des outils de retouche numérique.

Du bon boulot, alors forcément : on en redemande !

Son

Deux pistes sont proposées : la piste son stéréo d'origine en 2.0, et un remix en 5.1, établi à partir d'éléments séparés ayant servi au mix original. 

Ces deux pistes bénéficient des mêmes qualités de clarté, de propreté et d'équilibre. La piste 5.1 se justifie particulièrement pour les séquences musicales de début et de fin, qui offrent un mixage donnant du relief aux différents instrumentistes. Les difficultés de synchronisation évoquées par différents intervenants dans les suppléments (voir ci-dessous) seront probablement identifiées par les spécialistes, de notre côté, on n'a rien perçu.

Suppléments

On ignore si Intersections mènera un travail éditorial de telle ampleur pour chacune de ces sorties, mais il faut avouer qu'en l'occurrence, c'est assez impressionnant.

Tout d'abord, pour les esthètes, mentionnons la sobriété élégante de ce coffret noir et gris.

A l'intérieur du dit-coffret, un livret d'une trentaine de pages (avec du texte sur chaque page, et une iconographie bien intégrée), réunissant tout d'abord un corpus de textes pédagogues de Maxime Lachaud consacrés à Rolf de Heer, un "néerlandais 100% australien". Posant Encounter at Raven's gate, le deuxième film du cinéaste, comme une "étape importante dans sa carrière, notamment dans la façon de créer une atmosphère d'irréalité", Maxime Lachaud évoque Dingo bien sûr, Miles Davis bien entendu, mais aussi l'approche tout à fait particulière "de la prise de son et du design sonore" chez le cinéaste, dont Bad Boy Bubby marquera une sorte d'aboutissement. Il insiste également sur l' "amour des marginaux" perceptible tout au long de la filmographie de De Heer, et en particulier sa compréhension spécifique de la culture aborigène. Page 22 débute le texte de Dominique Poublan consacré à un parcours chronologique au sein de la carrière de Miles Davis, des forties jusqu'au début des nineties. On a également apprécié, à la fin du livret, les informations très précises relatives à la restauration (image et son), ainsi que la dédicace sympathique à des certains "Heckel et Jeckel de l'humour" (ils se reconnaîtront).

Sur le disque, plusieurs suppléments sont repris de l'édition australienne : 

Un entretien de Rolf de Heer avec Marc Harris (33' en visio) retrace la carrière du film vue par son réalisateur, depuis sa prise de connaissance du sujet (il avait "adoré le script" de Marc Rosenberg, alors qu'il était encore titré An American Story). Rolf de Heer rappelle que Sammy Davis Jr (qui avait lui même été trompettiste) avait un temps été envisagé, puis parle assez longuement de Miles Davis, dont il connaissait la "réputation" mais au sujet duquel il n'aurait rétrospectivement que des "compliments à faire". Après une première rencontre compliquée à Los Angeles, Miles Davis avait pris confiance en ses moyens d'acteur auprès de De Heer, au point de lui confesser qu' "avec lui, il pourrait jouer du Shakespeare". Un autre projet fut d'ailleurs envisagé, où le musicien aurait tenu un rôle principal, mais celui-ci fut abandonné suite à sa disparition. Rolf de Heer parle de plusieurs difficultés rencontrées sur le tournage : l'adaptation de l'équipe française au cadre australien ; les soucis de synchronisation (le goût de l'improvisation de Miles Davis n'étant pas, selon le cinéaste, "très adapté à l'art cinématographique") ; la modification substantielle de budget liée à l'arrivée de Michel Legrand ; ou les déboires, consécutifs au tournage, liés à la (non-)nomination du film à l'Oscar de la meilleur musique originale. Dans la dernière partie, Rolf de Heer avoue que s'il estime le film, qu'il ne trouve "pas trop daté", cela reste à ses yeux "plus le film de Marc (Rosenberg)" que le sien, mais qu'en tant que non-jazzophile, il trouve que sa réussite aura été de permettre au film "de plaire au-delà du cercle des amateurs de jazz". Il décrit enfin son propre rapport au numérique, qui a changé la donne filmique (notamment sur les tournages, où la pellicule imposait "une vigilance et une discipline" qui ont depuis en partie disparu), et résume sa carrière selon sa volonté de "ne pas faire deux fois la même chose".

On retrouve Rolf de Heer pour un Rushes reel (18') en off, c'est à dire un commentaire audio sur des prises non gardées. Outre la prise de conscience de la gageure que représentait le plan d'atterrissage de l'avion (avec le chariot qui part de travers et un technicien qui tombe) ou quelques anecdotes de tournages amusantes (De Heer se présente comme le seul cinéaste à avoir "rendu Miles Davis blanc"), on peut surtout apprécier l'humour distancié de son commentaire, qui parle de cinéma d'une façon simultanément technique et très rafraîchissante. Il y revèle notamment que "le tournage est la partie de la réalisation que j'aime le moins" !

Parmi les suppléments inédits, l'entretien avec Marc Rosenberg (34' en visio) pourrait sembler faire un peu doublon avec celui mené avec Rolf de Heer, mais outre qu'il propose un autre point de vue (celui du scénariste), il permet de mesurer à quel point Dingo était fondamentalement un projet personnel, qu'il portait en lui depuis longtemps. Marc Rosenberg retrace tout d'abord son parcours, lui qui fut "le premier non-Australien admis à la Australian Film and TV School". Il évoque ses rencontres avec Philip Noyce puis Rolf de Heer, qu'il voulait dans un premier temps comme producteur. On apprend notamment que dans le scénario initial, Dingo devait s'achever à New York, mais la sortie de Crocodile Dundee changea la donne. Marc Rosenberg décrit également sa rencontre avec le chef-opérateur Denis Lenoir (voir plus bas), ou la source d'inquiétude que représenta Miles Davis. Parmi les influences qui guidèrent son écriture, il évoque Amarcord de Fellini, ou justifie le choix d'un personnage principal qui soit trompettiste.

Bon, disons-le, au milieu de tous ces suppléments, l'acquéreur pourrait opérer des choix, et l'entretien inédit avec le chef-opérateur Denis Lenoir (56' - HD) pourrait ne pas faire a priori partie de ses priorités. Ce serait dommage, car il s'agit d'un sacré morceau, dont on devine sans difficulté le mal que l'interviewer/monteur a pu rencontrer pour couper ou structurer tout cela. Volubile et malicieux, Denis Lenoir est ce qu'on pourrait appeler "un bon client", qui digresse à foison, n'a pas sa langue dans sa poche et dézingue volontiers ("Judy Davis, grande actrice, mais quelle emmerdeuse !", "ma haine pour Michel Legrand a influé mon avis, mais bon, Quincy Jones ça aurait quand même été plus amusant"...). Surtout, il désacralise son propre rôle de chef-opérateur, en mettant à mal la légende du "style visuel" des techniciens : selon lui, en somme, "le film se fait de lui-même" !

Ses avis tranchés, ne manquent pas d'intérêt, surtout quand il donne les raisons de la "pépinière de chefs opérateurs" qui émergea en Australie à une certaine époque. En tant que professionnel, il cite ses "deux maîtres antagonistes", Sven Nykvist et Vittorio Storaro, avouant se situer davantage dans la lignée du premier, "du côté de la lumière invisible". Bon nombre d'anecdotes parsèment son intervention décousue ("vous monterez ça ailleurs, hein ?") mais passionnante, et ce jusqu'à ce que, au bout de 36 minutes de montage, il arrive, non sans gourmandise, à Miles Davis, auquel il voue une admiration "absolue". C'est évident : Denis Lenoir a, encore aujourd'hui, des étoiles dans les yeux, qu'il parle de "la gouache" que lui a offerte le musicien ou du morceau de jazz qu'il lui avait suggéré et que celui-ci joue au piano dans le film...

Mentionnons enfin la présence d'une bande-annonce (2'16")

En savoir plus

Taille du Disque : 48 365 893 632 bytes
Taille du Film : 32 259 385 344 bytes
Durée : 1:50:01
Total Bitrate: 39,09 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 1080p / 23,976 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: English / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 16-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 896 kbps / 16-bit)
Audio: English / DTS-HD Master Audio / 5.1 / 48 kHz / 16-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 1344 kbps / 16-bit)
Subtitles: French 

Par Antoine Royer - le 30 mars 2023