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Après la rétrospective sortie en salles fin 2022 (qui comprenait également Paris qui dort), Tamasa propose aujourd'hui un beau coffret DVD et Blu-ray consacré aux premières oeuvres parlantes du réalisateur René Clair. Des films qui s'approchent du centenaire et qui étaient jusqu'alors proposées dans des copies usées et peu flatteuses, comme vous pourrez le constater dans deux comparatifs. Des conditions de visionnage qui ne sont plus qu'un lointain souvenir grâce au laboratoire Hiventy qui les a restaurés en 4K, par immersion, pour TF1 Studio entre 2019 et 2020.
Sous les toits de Paris a été restauré à partir du négatif original nitrate, complété avec un "marron" safety (négatif dupliqué sur pellicule acétate). Le rendu, au format 1.20 respecté, est convaincant, relativement miraculeux pour un film de cet âge, mais reste tributaire de la qualité assez dégradée des éléments utilisés. Les techniques numériques ont permis de stabiliser les images et (en partie) réduire les pulsations de luminosité ; une nettoyage presque complet a été effectué mais il reste encore de petites salissures très régulières, quelques montées d'usure heureusement brèves, et surtout de nombreuses rayures verticales trop compliquées à gommer. La définition est plutôt convaincante même si la précision varie souvent d'un plan à l'autre, régulièrement à cause d'une mise au point imparfaite. Le grain a été conservé en abondance sans affaiblir la compression, mais on pourra apercevoir quelques faiblesses ponctuelles d'encodage dans certaines zones sombres.
Le Million a également été restauré à partir du négatif nitrate, lui aussi complété par un "marron" safety. Le transfert apparaît plus convaincant grâce à une meilleure conservation des éléments utilisés et un nettoyage sans doute un peu plus poussé. On peut repérer les passages issus de la seconde source soit par leur aspect plus brut, avec montée de grain, épaisseur palpable et étalonnage un peu plus charbonneux, soit par une perte soudaine et sensible de la dynamique qui se traduit par un affaissement des nuances de blancs, qui sont comme "écrasés". Plus globalement, la définition est souvent de très bonne qualité, avec un piqué notable et beaucoup de détails. Les images ont été stabilisées avec une certaine efficacité, et largement nettoyées même s'il reste encore ces rayures verticales très compliquées à gommer. Les contrastes sont équilibrés et surtout stabilisés, à l'exception de quelques passages rares où les pulsations reprennent légèrement. La patine argentique a été respectée, le grain fin n'a pas été filtré malgré un encodage fragile qui, s'il reste invisible au visionnage (on le remarque davantage sur les captures), laisse là encore passer des artefacts de compression dans les aplats sombres.
LE MILLION
DVD Criterion (2000) vs. Blu-ray Tamasa (2023) : 1 2 3 4 5 6 7 8
A nous la liberté ! a été restauré à partir du négatif nitrate, complété très ponctuellement par un "marron" safety (qu'on remarque surtout par sa texture plus épaisse et une nette montée de grain). On retrouve à peu près les mêmes conditions de visionnage que sur Le Million : stabilité des cadres, nettoyage profond, excellent niveau de définition et de détail, étalonnage équilibré et sans pulsations trop marquées, granulation fine et abondante. On notera cependant quelques cas plus particuliers : apparition sporadique de fines rayures partielles ; quelques résidus très discrets (et ponctuels) de taches résultant d'un "syndrome du vinaigre" ; une séquence aux blancs éclatants (notamment sur les visages, proches de la surexposition) mais un "défaut" sans doute d'origine et donc volontairement conservé par respect de l'oeuvre. Le problème d'encodage est malheureusement toujours présent. S'il ne touche pas vraiment la finesse du grain au visionnage, la compression a cette fois tendance à attaquer sérieusement les gris intermédiaires et sombres, altérant nettement le détail des textures (sur les costumes, par exemple), et provoquant des artefacts sur les aplats sombres. Un souci qui n'est pas permanent, certaines séquences (en pénombre) bénéficiant d'un encodage mieux paramétré.
A NOUS LA LIBERTE !
comparatif DVD LCJ (2007) vs. Blu-ray Tamasa (2023) : 1 2 3 4 5 6 7
Quatorze juillet, comme les autres films du coffret, a été restauré à partir des meilleurs éléments disponibles. Le négatif original nitrate étant dans un état de décomposition avancée au point que seule une bobine sur onze était exploitable, il a été complété par un "marron" et un contretype safety. L'état des éléments reste solide même si l'on pourra sentir quelques lignes verticales, des "rayures peigne" discrètes ou plusieurs "micro-perforations" stables sur les photogrammes (on parle de "pellicule grattée" dans le supplément). Si la patine générale est légèrement épaisse, due à l'utilisation de ces éléments dupliqués, la qualité de définition est appréciable, d'autant que les images ont été là aussi stabilisées et profondément nettoyées. L'étalonnage offre une belle gamme de gris et des noirs dénués de pulsations, à peu près équilibrés. Régulièrement, les zones les plus sombres sont malheureusement dégradées par un encodage mal paramétré (malgré un débit vidéo correct), phénomène déjà croisé sur le disque précédent, qui peut provoquer une perte de détail sérieuse (notamment dans les costumes) en plus d'artefacts de compression parfois peu discrets et un léger banding (posterisation). Curieusement, les dégâts sont surtout limités à la première demi-heure et touchent de façon moindre le reste du film (des macroblocs sont parfois décelables mais de manière bien plus discrète). Le grain n'est en tout cas jamais impacté sérieusement, conservé de manière plutôt intacte.
Son
La partie sonore est relativement réussie puisque, malgré les difficultés que le laboratoire a pu rencontrer avec le matériel source, le résultat est souvent aussi miraculeux que l'image, avec généralement un très bon rendu des voix et un sentiment de dégradation modéré. En effet, les quatre pistes ont été nettoyées des craquements et de la majeure partie des impuretés. On notera qu'à l'exception du Million, encodé à plein débit, les autres films sont proposés en simple Dolby Digital, une norme utilisée sur les DVD mais un peu chiche en Blu-ray...
Sous les toits de Paris a été restauré à partir du négatif son "safety". Le rendu est conforme aux techniques de l'époque (les tout débuts du parlant), notamment par une quasi absence de basses lors des scènes en prise de son direct (les parties musicales sont moins impactées). Le niveau de détail est honorable, les voix sont plutôt bien restituées, sans sifflantes. Le souffle reste modéré et on remarque parfois de petites saturations.
Le Million a été restauré à partir du négatif son "safety". Le rendu est moins nasillard mais le souffle est plus marqué. Les voix conservent une bonne présence (ce qui est toujours un peu spectaculaire pour les films de cet âge) mais sont soumises à de légères sifflantes. L'ensemble est très détaillé, mais souvent avec des ambiances vides (mixage d'époque oblige).
A nous la liberté ! a été restauré à partir du négatif son nitrate, l'élément d'origine qui explique sans doute la meilleure qualité du rendu. L'aspect est très rond, bien plus englobant que les autres films du coffret, grâce à des basses fréquence renforcées. L'ensemble est détaillé et ne souffre pas de dégradations majeures.
Quatorze juillet a été restauré à partir du négatif son nitrate, complété par un "marron". Des éléments cette fois plus fragiles qui ne peuvent masquer un détérioration sur certaines parties du film. On sent parfois une usure du spectre qui touche notamment la musique et les voix, lesquelles sont parfois accompagnées d'un souffle supplémentaire. Mais des voix qui, dans d'autres scènes, peuvent bénéficier d'une bonne présence. Le souffle est d'ailleurs assez marqué dans l'ensemble, sans impacter forcément le niveau de détail.
Suppléments
Le coffret René Clair l'enchanteur est présenté sous forme de 4 digipacks avec fourreau, les films sont proposés en DVD et Blu-ray. On trouve également un livret de 66 pages qui regroupe plusieurs textes et documents pertinents. Le fameux historien du cinéma Raymond Chirat évoque l'arrivée du parlant, période de transition où le 7e art est en pleine révolution. Il revient sur le travail méconnu de René Clair sur le son et les dialogues, ses réflexions à un nouvel équilibre, en simplifiant l'intrigue de Sous les toits de paris pour "favoriser des effets dans le domaine sonore", dans un "film novateur" qui "sourit au passé et salue l'avenir". Le critique et historien Noël Herpe s'intéresse à Lazare Meerson qui importa en France le gigantisme des décors du cinéma allemand, et qui avec René Clair développa un "art poétique" pour "ressaisir une réalité disparue" de manière presque fétichiste. Il parle du "style pur" des décors de A nous la liberté !, "réduit à des figures géométriques" où l'homme se retrouve "prisonnier d'un monde de signes". Le gros du livret est un fac-similé d'extraits des retranscriptions de quelques-unes des douze rencontres radiophoniques menées en 1951 par les critiques Georges Charensol et Roger Régent avec un René Clair qui explique la nécessité de se servir du son tout en se démarquant du théâtre filmé, raconte l'adaptation du vaudeville qui a abouti au Million en remplaçant l'abondance des dialogues par des chansons, ou parle de son film Quatorze juillet, "techniquement la meilleure réussite de notre équipe". Il se souvient de la collaboration en "totale concertation" avec le chef-opérateur Georges Périnal et Lazare Meerson ("véritable créateur du décor moderne"), dans "des conditions de travail exceptionnelles qui ne se retrouveront certainement pas". Il évoque notamment ses années au studio d'Epinay qui "resteront certainement les plus heureuses de [sa] carrière"...
Les films sont accompagnés de divers suppléments :
Sous les toits de Paris
Prologue et scène coupée (4 min - HD)
Une introduction alternative de Sous les toits de Paris, cette fois sous la pluie.
Bande-annonce originale (5 min 07 - HD)
Long film-annonce composé d'extraits du film et d'une présentation spécialement tournée pour l'occasion.
Bande-annonce de la rétrospective 2022 (1 min 35 - HD)
Le Million
René Clair ou l'art sonore de la comédie (47 min - HD)
Réalisé en 2016 pour un projet de coffret (chez TF1 vidéo) qui ne s'est pas concrétisé, un entretien éclairant mené par Jérôme Wybon avec le critique et historien du cinéma Noël Herpe, agrémenté de quelques archives bienvenues de René Clair, dans des interviews d'Armand Panigel ou Pierre Tchernia dans les années 60. On revient sur cette période clé où les maîtres du muet craignaient l'arrivée du cinéma parlant et "le vieil esclavage de la parole", Noël Herpe racontant comment René Clair s'est adapté à cette nouvelle forme de cinéma, notamment en observant les travaux de son frère en Allemagne. Il analyse le style du cinéaste, son travail de précision dans la mise en concurrence entre l'image et le son, son utilisation de la musique pour prolonger le silence tout en contrebalançant ses effets par une écriture plus concrète et réaliste. Des films teintés de poésie, que renforcent les décors de Lazare Meerson comme dans Le Million où il développe une atmosphère d'irréalité par l'utilisation d'arrière-plans "noyés" et uniformes. René Clair revient sur ses méthodes de travail, lorsqu'il laissait une grande liberté aux acteurs pour tempérer "l'influence néfaste du théâtre", tandis que Noël Herpe livre une bonne analyse de ces années Tobis, dans un "bonheur créatif total" avec sa "confrérie artisanale et amicale", entre films expérimentaux (Sous les toits de Paris) et plus "théoriques" (A nous la liberté !) qui vaudront au réalisateur une gloire internationale. Il revient sur des oeuvres qui réinventent le cinéma français à travers des traditions perdues tout en illustrant la "décomposition de l'harmonie du monde" et l'impasse d'un réalisme joyeux. A nous la liberté !, "peut-être le film le plus ambitieux de cette série", dénonce les ratés de la communication moderne, utilisant l'image d'"un monde concentrationnaire" et d'"un capitalisme cruel". Un film "imprégné d'un esprit chaplinesque", aux nombreuses similitudes avec Les Temps modernes. Ou Quatorze juillet et son "fantasme d'un Paris-paradis perdu", film un peu froid, "où le feu couve sous la glace".
Bande-annonce originale (5 min 16 - HD) restaurée mais dans un état encore très dégradé.
Bande-annonce de la rétrospective 2022 (1 min 35 - HD)
A nous la liberté !
2 scènes coupées inédites (7 min - SD upscalé HD)
Tentative (manquée) de séduction pendant une fête, et une version rallongée de la scène où le héros se repose dans la nature, près de l'usine...
Bande-annonce originale (6 min 21 - HD)
Bande-annonce de la rétrospective 2022 (1 min 35 - HD)
Quatorze juillet
Une restauration complexe (21 min - HD)
Céline Charrenton, responsable des restaurations pour TF1 Studio, explique les difficultés rencontrées sur Quatorze juillet, notamment le matériel "extrêmement endommagé" qui a nécessité d'homogénéiser des sources de qualités différentes. Elle revient sur les étapes photochimiques de consolidation, comme l'essuyage chimique, et parle des limites de la restauration numérique, l'arbitrage nécessaire pour pousser ou non une correction qui pourrait dégrader l'impression d'ensemble, l'important étant de conserver l'authenticité de l'oeuvre sans trop faire ressortir des défauts techniques. Céline Charrenton explique comment on comble un photogramme manquant, ou revient sur le son qu'il faut adoucir parce que les normes d'écoute ont considérablement changé en presque cent ans. Un supplément instructif qui met en lumière la complexité des travaux, souvent méconnue. Un entretien filmé en plan fixe... auquel il ne manque que des images d'illustration.
Bande-annonce originale (5 min 37 - HD)
Bande-annonce de la rétrospective 2022 (1 min 35 - HD)
En savoir plus
Sous les toits de Paris
Taille du Disque : 21 160 390 164 bytes
Taille du Film : 19 284 738 048 bytes
Durée : 1:32:48.625
Total Bitrate: 27,70 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 25,99 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 25999 kbps / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: French / Dolby Digital Audio / 2.0 / 48 kHz / 192 kbps
Audio: French / Dolby Digital Audio / 2.0 / 48 kHz / 192 kbps
Subtitle: French / 0,009 kbps
Subtitle: French / 19,121 kbps
Le Million
Taille du Disque : 24 230 750 652 bytes
Taille du Film : 15 929 081 856 bytes
Durée : 1:22:25.708
Total Bitrate: 25,77 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 21,99 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 21999 kbps / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: French / LPCM Audio / 2.0 / 48 kHz / 2304 kbps / 24-bit
Audio: French / Dolby Digital Audio / 2.0 / 48 kHz / 192 kbps
Subtitle: French / 0,011 kbps
Subtitle: French / 36,122 kbps
A nous la liberté !
Taille du Disque : 20 237 247 124 bytes
Taille du Film : 17 510 627 328 bytes
Durée : 1:24:15.583
Total Bitrate: 27,71 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 25,99 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 25999 kbps / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: French / Dolby Digital Audio / 2.0 / 48 kHz / 192 kbps
Audio: French / Dolby Digital Audio / 2.0 / 48 kHz / 192 kbps
Subtitle: French / 0,010 kbps
Subtitle: French / 23,205 kbps
Quatorze juillet
Taille du Disque : 23 144 560 388 bytes
Taille du Film : 19 219 568 640 bytes
Durée : 1:32:26.416
Total Bitrate: 27,72 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 25,99 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 25999 kbps / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: French / Dolby Digital Audio / 2.0 / 48 kHz / 192 kbps
Audio: French / Dolby Digital Audio / 2.0 / 48 kHz / 192 kbps
Subtitle: French / 0,010 kbps
Subtitle: French / 34,434 kbps