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Après sa restauration 4K menée par The Criterion Collection et le laboratoire de L'Immagine Ritrovata à partir d'un négatif original 35 mm, sortie en Blu-Ray chez Criterion en avril 2022, Autour de minuit arrive enfin (*) en haute-définition en France, et le résultat est d'assez haute tenue.
Pour le principe, le comparatif ci-dessous (entre l'édition Blu-Ray simple et le déjà honorable DVD Warner sorti en 2006 - pour les commentaires sur le Blu-Ray UHD, voir paragraphe suivant) met en évidence un saut qualitatif indéniable en termes de définition (et un gain d'image important), mais au-delà de cette évidence, le rendu de cette édition est assez remarquable, avec des niveaux de détail fins et un grain argentique préservé. La copie est stable et propre, quasiment immaculée. La colorimétrie est naturelle, familière avec des tonalités argentiques, sans être artificiellement boostée.
comparatif Blu-Ray Tamasa (2024) vs. DVD Warner (2006) :
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Pour l'UHD (disponible à l'unité ou dans le coffret collector), les mêmes remarques s'imposent, mais quitte à faire la fine bouche, les niveaux de piqué et de détail peuvent apparaître un peu frustrants pour un transfert récent en 4K, qu'on attendrait plus ciselé. Sans doute est-ce, en partie, une conséquence des choix du directeur de la photographie et ses prises de vues en studio légèrement filtrées, alors qu'au contraire, certains plans tournés à New York et en extérieurs, ont un niveau de détail un peu plus affirmé. On notera quelques plans truqués notablement plus épais, ainsi qu'un peu de pulsation des noirs sur un plan (de François Cluzet), dans le taxi à New York.
(*) En 2021, lors de la sortie du coffret Bertrand Tavernier - La Collection, nous évoquions la complexité des négociations avec la Warner concernant ce titre spécifique.
Son
Deux pistes originales sont proposées, une version en stéréo 2.0 remasterisée à partir des pistes magnétiques 35 mm, et un mixage 5.1. Ce dernier peut représenter un apport lors des séquences musicales au Blue Note, avec une spatialisation plus dynamique, mais pour le reste, la piste 2.0 suffit largement, avec une belle clarté et un équilibre préservé entre dialogues, effets sonores et musique.
Si techniquement elle fait le job, la VF n'est pas spécialement à recommander, à la fois parce qu'elle annule le jeu sur les langues (la différence culturelle entre Dale et Francis est un des enjeux du film) et parce que certains accents américains, dans le doublage, sont un peu grotesques.
Suppléments
Tamasa propose Autour de minuit dans 4 éditions distinctes : en DVD, en Blu-ray HD simple, en Blu-ray 4K UHD simple, et dans un coffret collector (celui que nous testons aujourd'hui), qui est uniquement disponible sur le site de l'éditeur ou via la Fnac. Ce coffret collector comprend le film en Blu-ray HD et Blu-ray 4K UHD, un livre, un second Blu-ray spécialement dédié aux suppléments, ainsi qu'un CD de la bande-originale du film et une affiche. Le Blu-ray UHD 4K simple ou l'édition Blu-ray simple ne proposent aucun supplément. Le DVD propose seulement le making-of de Jean Achache.
Round Midnight, l'incroyable aventure est un livre assez conséquent de 84 pages, qui propose pour son premier tiers, des extraits d'entretiens avec Bertrand Tavernier menés par Michael Wilson (qui reviennent spécifiquement sur Autour de minuit). Par la suite, beaucoup de photographies d'Etienne George, quelques pages consacrées spécifiquement à Alexandre Trauner, et de brefs portraits de différents protagonistes importants du film (Irwin Winkler, Dexter Gordon, Lonette McKee ou Herbie Hancock).
Avant minuit, réalisé par Jean Achache (52') est un "making-of" assez libre (déjà proposé en supplément de l'édition Criterion) qui propose des images du tournage, accompagnées de jazz, parfois couvertes par des commentaires de Bertrand Tavernier. On y admire notamment l'envers des décors, avec tout le travail du chef décorateur Alexandre Trauner. Les images concernant le concert final, avec un Bertrand Tavernier fébrile, valent également le coup d'oeil.
L'Aventure du Be-Bop (18' - HD) permet au pianiste et compositeur de jazz Benjamin Boussay permet de retracer l'histoire "mystérieuse" de cette musique si particulière, qui ne se laisse pas si facilement appréhender et dont les origines demeurent assez floues. "Laboratoire" investi par des "musiciens en quête de liberté" qui menèrent des recherches "harmoniques, rythmiques ou mélodiques", le be-bop aura révolutionné le jazz de la même façon que "le cubisme aura révolutionné la peinture". Benjamin Boussay se met ensuite au piano pour illustrer, expliquer certains termes (notamment la fameuse "anatole") et offrir une petite master class de jazz assez enthousiasmante et tout à fait accessible aux profanes.
Des images d'archives, diffusées dans l'émission Aujourd'hui en France, montrent Alexandre Trauner sur le plateau d'Autour de minuit (5'00 - HD). L'occasion de revenir sur la carrière monumentale de l'artiste, avec entretiens et croquis, et de se concentrer sur son travail spécifique pour le film de Bertrand Tavernier.
Sur le même sujet, mais dans un supplément réalisé pour cette édition, le directeur artistique Didier Naert revient quand à lui, dans L'Héritage du réalisme poétique (15' - HD), sur sa collaboration avec Alexandre Trauner. Les différentes étapes (documentation, repérages, croquis, maquettes) préalables à la réalisation des décors sont détaillées, pour arriver au décor des rues parisiennes ou du cabaret du Blue Note la plus réaliste possible.
Souvenirs d'un tournage (11' - HD) donne l'occasion à la comédienne Liliane Rovère d'explorer sa mémoire et d'évoquer cette scène jazz qu'elle avait bien connue (elle fut la compagne de Chet Baker), raison pour laquelle Bertrand Tavernier l'avait d'ailleurs choisie pour ce petit rôle de Lady Queen, tenancière du Blue Note, très largement inspiré d'Etla Benjamin (épouse de Ben Benjamin), qu'elle avait bien connue... et qu'elle n'aimait pas. Elle y parle avec malice et gouaille de John Berry, qui interprète son époux, de Bud Powell, "un génie", et surtout de Dexter Gordon, un "grand séducteur" (dont elle a été l' "amante") qui "n'aimait que son saxophone", qui avait toute sa vie "beaucoup abusé" (de l'héroïne et d'alcool).
Filmer la musique (26' - HD) voit à son tour Yves Angelo se plonger dans ses souvenirs, lui qui fut engagé sur le film comme "deuxième caméra pour filmer les séquences musicales". Il insiste sur la liberté dont il a bénéficié, dégagé de la contrainte du récit, pour appréhender ces numéros de façon latérale (par opposition à la première caméra, placée de façon frontale en position du public). Sont évoqués les aspects techniques mais aussi sensibles de la manière dont on filme une musique aussi singulière que le jazz, pour une instructive leçon de mise en scène.
La Folle aventure de 'Round Midnight (33' - HD) permet au producteur Frédéric Bourboulon d'évoquer la genèse du projet, né d'un dîner entre amateurs de jazz, grâce au soutien d'Irwin Winkler. Frédéric Bourboulon détaille la "rencontre déterminante" avec Francis Paudras, mais aussi la volonté de Bertrand Tavernier de dresser "un portrait plus générique" des musiciens de jazz. Il évoque assez longuement "la méthode Tavernier", basée sur le rythme et les mouvements d'appareil, qui pouvait parfois froisser ses collaborateurs. Sont mentionnés, avec de nombreuses anecdotes mais aussi des considérations techniques, les apports des différents collaborateurs, d'Alexandre Trauner au directeur de la photographie Bruno de Keyzer, en passant par François Cluzet.
Enfin, le bon ami de Bertrand Tavernier qu'était Thierry Frémaux évoque sa mémoire dans Bertrand, le cinéma, la musique... (34' - HD). Il rappelle l'importance du jazz - et plus globalement de la musique - dans la vie du cinéaste, perceptible dès leurs premières rencontres Rue du Perche. Comme souvent avec Thierry Frémaux, les dimensions sensibles, à travers des anecdotes truculentes ou l'évocation de souvenirs communs, l'emporte sur un quelconque aspect analytique, mais on retrouve dans ce supplément quelque chose de la complicité particulière qui unissait les deux hommes, déjà perceptible dans l'émouvant journal que Frémaux a consacré à leur relation, Si nous avions su que nous l'aimions tant, nous l'aurions aimé davantage, publié en septembre 2022.
En savoir plus
Blu-ray HD
Taille du Disque : 29 082 318 848 bytes
Taille du Film : 28 037 738 496 bytes
Length: 1:48:42.265
Total Bitrate: 34,39 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 1080p / 23.976 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: Anglais DTS-HD Master Audio 2.0 / 48 kHz / 768 kbps / 16-bit, Anglais DTS-HD Master Audio 5.1 / 48 kHz / 1509 kbps / 16-bit
Sous-titres : Français