Re: Jean-Claude Brisseau
Publié : 1 août 14, 09:38
Quand on pense que ce "brûlot" date de 78...
Au sortir de la découverte de De bruit et de fureur qui semble pourtant faire consensus, les reproches que je faisais à l'encontre de La vie comme ça peuvent être reconduits en intégralité. On a affaire à un brûlot ambitieux qui ne ressemble sans doute pas à grand-chose de connu à cette époque-là dans le ciné hexagonal, mais qui a pris selon moi un méchant coup de vieux - non pas à cause de ce qu'il dit, mais de la manière dont il le fait. Ce mélange de mysticisme chichiteux et de vignettes se voulant sèches et étouffantes peine pour moi à convaincre du fait de l'approximation des comédiens, qui ne donnent jamais vraiment à ressentir l'aspect viscéral de la chose (je trouve notamment Cremer exceptionnellement à côté de ses pompes en père loubard ; Fabienne Babe est mignonne et puis c'est tout), ou de certaines scories qui empêchent de croire à ce qu'on voit même si c'est possiblement issu de l'expérience perso du cinéaste (Cremer qui tire au fusil dans son appart', la baston ridicule avec les deux violeurs, les bandes qui paraissent sortir d'une sitcom, le personnel scolaire...). La fin me paraît assez ratée alors que celle de La vie comme ça rachetait les errances. Bref, je suis beaucoup plus sensible aux développements périphériques sur l'échec scolaire et la banlieue de Noce blanche, qui est par ailleurs un film déchirant.Demi-Lune a écrit :J'ai eu l'occasion de tomber sur La vie comme ça (1978), aka le premier long téléfilm de Brisseau produit par l'INA... eh bien ça m'a laissé très perplexe, cette affaire. On a l'impression de voir le croisement contre-nature des univers de Rohmer (qui a soutenu Brisseau pour qu'il puisse monter son projet et qui récupèrera à son compte une partie du casting pour ses Comédies et proverbes : Lisa Heredia, Marie Rivière ou Pascale Ogier... ça fait bizarre de voir ces deux dernières téléportées dans un truc aussi chanmé) et de Maurice Pialat, l'autre cinéaste lui ayant mis le pied à l'étrier, et à qui on pense pour l'allure d'impro semi-documentaire et l'âpreté sociale. Sous la caméra brute de Brisseau, Bagnolet et ses HLM sont une espèce de zone de non-droit où la mixité côtoie l'indifférence et la violence. Le film commence sur le cadavre d'une pauvre fille ensanglantée qui s'est défenestrée : les gosses venus en attroupement se marrent qu'elle ait rebondi, les autres ne font même plus attention. Malaise.
Malheureusement, le film se laisse aller à bien trop de scories pour convaincre sur la durée, malgré l'étouffement qu'on ressent face à cette vision de la banlieue parisienne déshumanisée. Déjà, il y a un côté foutraque dans la narration, mais surtout, les acteurs et actrices sont à mon sens bien peu inspirés et cela affecte la crédibilité de la démonstration (les bandes, les mises à mort, ou certains personnages comme le concierge homo ou le Narcisse du bureau font vraiment pitié). En particulier, l'interprétation neurasthénique de Lisa Heredia tire le film vers le bas en privant de toute empathie un personnage qui pourtant prend cher professionnellement. Par contre, les toutes dernières minutes sont mémorables et laissent le bide noué.
Très irrégulier et inégal, donc, mais mérite le détour.
Quel personnage ! Tout à fait caractéristique du cinéma de Brisseau : ahurissant de casse-gueulisme candide. Je partage globalement ton avis, sauf que je pense avoir nettement plus aimé que toi.Demi-Lune a écrit :ce personnage au mieux improbable, au pire nanardesque, de Maguette, le prince africain/marabout qui tombe comme un cheveu sur la soupe et évoque plus un épisode de Joséphine ange gardien qu'autre chose.
4/6, ah la vache, t'es sévère.Thaddeus a écrit :Noce blanche
Ça commence par des cours particuliers donné par un prof de philo à une cancresse aux yeux cernés, et ça finit en passion fatale, avec la mort et l’absolu au bout du chemin. Jeunesse en mal d’avenir, laminage et échec scolaire… Autant de constantes thématiques réactivées à la faveur d’un déconcertant Mourir d’aimer. Le réalisateur ne met de l’eau de rose dans son acide sulfurique que pour affirmer l’âpre exigence de son cinéma, son goût pour les amours dévastatrices, les rédemptions douloureuses, la violence des sentiments qui affleure à chaque instant sous la douceur presque frigorifiée du cadre dans laquelle cette tragédie s’enracine. Le mélo, feutré et cruel, fait fi de tout sentimentalisme (au point de raboter l’émotion), et doit beaucoup au singulier couple Cremer/Paradis. 4/6
Cremer montre la fin du film à ses élèves de classe, et le dernier plan du film, où il marche tout seul sur la plage avec le soleil couchant, sonne comme une relecture désespérée de l'idée de Rohmer.Thaddeus a écrit :Je l'ai vu il y a assez longtemps, il faudrait que je le redécouvre. Je ne me souviens même pas de la citation de Rohmer, c'est dire.