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Critique de film
Le film
Affiche du film

Une semaine de vacances

L'histoire

Lyon, hiver 1980, une jeune enseignante, professeur de français, doutant d'elle-même et de sa vocation, prend une semaine d'arrêt de travail pour surmenage. Une semaine de réflexion sur sa vie et sa carrière.

Analyse et critique


Une semaine de vacances est un opus méconnu de Bertrand Tavernier, en tout cas plus que d’autres s’inscrivant dans une sorte de cycle « lyonnais » au sein de sa filmographie, comme l’inaugural L’Horloger de Saint-Paul (1974). A l’origine du film, on trouve l’ouvrage Je suis comme une truie qui doute de Claude Duneton, une réflexion de l’auteur sur sa condition d’enseignant. Bertrand Tavernier, captivé par le livre, décide de le transposer mais à travers un personnage féminin. Par souci de véracité, Tavernier va collaborer avec l’enseignante Marie-Françoise Hans au scénario et tenir compte de plusieurs témoignages sur le métier. Tout comme L’Horloger de Saint-Paul, Une semaine de vacances est un grand film sur le doute. Le film de 1973 développait son doute sur un drame personnel baignant dans le fait divers, Une semaine de vacances scrute ce doute dans une approche purement intime et existentielle. Laurence (Nathalie Baye), jeune prof de français, se trouve soudain pris par une lassitude, un questionnement face à sa profession et à sa vie. Elle va se voir prescrire une semaine de congés durant laquelle tout pourrait être remis en question. L’errance mentale et géographique du personnage est ainsi entrecoupée de flash-back sur sa vie intime et professionnelle qui montrent les prémisses et entrent en résonance avec ses interrogations.


Bertrand Tavernier tisse ce mal-être dans un parallèle sociétal, personnel et formel. Le dépit de Laurence s’exprime notamment face aux élèves qu’elle trouve éteints, sans curiosité ni aspiration. Le réalisateur adopte le regard subjectif et blasé de son héroïne en montrant effectivement durant les scènes de classe les élèves comme une même entité uniforme et mollassonne. Une scène avec le personnage de médecin joué par Philippe Léotard développe ainsi la difficulté d’un enseignement en mutation entre les avancées de Mai-68 et les fondamentaux, que ce soit dans le relationnel avec les élèves ou la nature profonde du savoir à transmettre. Le petit ami qu’incarne Gérard Lanvin est un prolo pétri de certitudes de vie plus concrètes, notamment dans la vie amoureuse (un désir d’enfant), alors que la supposée détentrice du savoir cède à une introspection pleine de doute. La ville de Lyon est un autre personnage du film, la grisaille et la brume de cet environnement illustrant les attentes incertaines de notre héroïne. L’introduction fait d’ailleurs office de note d’intention avec un travelling panoramique aérien sur le Rhône, flottant et avançant à contre-courant du fleuve comme pour signifier et annoncer le « pas de côté » de Laurence face à son quotidien.


La caméra avance vers le Pont Winston-Churchill pour rattraper la voiture qu’occupent Pierre (Gérard Lanvin) et Laurence qui va, oppressée par tout, sortir brutalement du véhicule. Tout cela fait vraiment du film une variation rajeunie et au féminin de L’Horloger de Saint-Paul, où Philippe Noiret promenait également son spleen et son incompréhension au monde qui l’entourait à travers une déambulation lyonnaise - l’été de 1974 cédant à l’hiver 1980. La boucle est bouclée avec l’apparition de Philippe Descombes, héros de L’Horloger de Saint-Paul qui vient en quelque sorte donner sa vérité à Laurence quant à la période qu’elle vit. C’est d’ailleurs un élément très personnel à Tavernier qui admet se ressourcer par une promenade dans sa ville de Lyon lorsqu’il est en proie à l’angoisse et au doute. La ligne narrative tient aux errements de Laurence, tout en circonvolutions, sursauts de joie et descentes de désespoir à travers de très beaux moments. On pense aux rencontres avec le beau personnage de Michel Galabru, Laurence rassurant une élève en plein doute ou encore la visite chez les parents - qui annonce Un dimanche à la campagne (1984). Dans cette idée, pas d’évènements ou de rebondissements faciles pour amorcer le retour à la lumière de Laurence, seul l’amour du métier et le vrai sacerdoce guident ce renouveau. La nature à la fois concrète et incertaine d’un mal-être aura rarement été capturée avec autant de justesse et donne un des films les plus attachants de Bertrand Tavernier.

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La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 15 novembre 2021