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Critique de film
Le film
Affiche du film

Un si bel été

(The Greengage Summer)

L'histoire

Une famille anglaise composée de Mme Grey et de ses quatre enfants dont l'ainée Joss, vient en France pendant les vacances faire un pèlerinage aux cimetières militaires de la Champagne. Ils s'installent dans un hôtel dirigé par Mme Zizi qui a une liaison avec Eliot, un anglais sympathique mais mystérieux.

Analyse et critique

Surtout célébré pour son Alfie le dragueur (1966) et le passage remarqué qu'il fit sur la série des James Bond (trois des volets les plus réussis et spectaculaires On ne vit que deux fois (1967), L'Espion qui m'aimait (1977) et Moonraker (1979)) on en oublierait le reste de la carrière intéressante de Lewis Gilbert qui signe un beau drame avec ce The Greengage Summer. Le film est adapté du roman éponyme de Rumer Godden, romancière dont les œuvres la plus célèbres demeurent Le Narcisse Noir et Le Fleuve notamment grâce aux superbes adaptations qu'en tirèrent Michael Powell/Emeric Pressburger et Jean Renoir. Contrairement à nombre des écrits de Rumer Godden, The Greengage Summer ne se déroule pas en Inde coloniale (où elle a grandi) mais dans la plus paisible campagne française, en Champagne plus précisément. On y retrouve cependant cette observation et captation du désir, cette sensualité et sexualité troublante qui faisait tout le sel du Narcisse Noir.

Le récit donne à voir la perte d'innocence de la jeune Joss (Susannah York) durant cet été qui va tout changer pour elle. Leur mère tombée malade, elle se trouve contrainte avec ses trois frères et sœurs de loger dans un hôtel avoisinant l'hôpital. Seuls en pays étranger, barrière de la langue et inquiétude pour leur mère, les vacances s'annoncent bien morne d'autant que la tenancière Mademoiselle Zisi (Danielle Darrieux) s'avère fort mécontente de loger des enfants. Ils vont pourtant se trouver un charmant bienfaiteur en la personne de Eliot (Kenneth More), un résident anglais et accessoirement amant de Mademoiselle Zisi. L'atmosphère estivale, la candeur du jeune casting (où on trouve une toute jeune Jane Asher future égérie des sixties et fiancée de Paul McCartney) et de trépidantes excursions dans cette région de Champagne magnifiquement filmée (superbes paysages ruraux embellis par la photo de Freddie Young, visites d'une église et d'une cave à vin) confèrent une allégresse qui évoquent le futur The Railway Children de Lionel Jeffries (1970). Divers éléments viennent pourtant parasiter cette paisible atmosphère.

On devine tout d'abord de manière sous-jacente la passion lesbienne de la gouvernante Madame Corbet pour Danielle Darrieux et la jalousie qu'elle entretient envers Eliot. Une jalousie qu'on retrouve chez Danielle Darrieux sur la compagnie de son amant que lui volent les turbulents enfants, mais surtout de l'attirance coupable que semble avoir Eliot pour la déjà séduisante aînée Joss (Susannah York). Sans forcément franchir complètement le tabou, Gilbert instaure une ambiance trouble à la sexualité omniprésente. Susannah York illustre par son attitude le basculement progressif du récit. Adolescente gironde, elle découvre peu à peu l'attraction qu'elle peut exercer sur les hommes à travers les regards insistants et les avances discrète d'Eliot. Susannah York dans son premier rôle majeur croise parfaitement cette séduction juvénile pas maîtrisée et la réelle innocence d’une jeune fille vivant son premier amour.

Danielle Darrieux par son élégance sévère et sa maturité offre un complément idéal en amante possessive et l'histoire navigue dans des situations de plus en plus osées. Un baiser à la dérobée entre Kenneth More et Susanna York, Joss prête à s'offrir par jalousie en s'étourdissant à l'alcool et surtout une tentative de viol final qui brise balaie les derniers fragments du monde l'enfance. C'est Kenneth More qui empêche le film de vraiment basculer dans le sordide par sa remarquable interprétation. Homme peu recommandable au passé mystérieux (dissipé à la toute fin) et douteux, il s'avère malgré son désir coupable réellement attaché aux enfants qu'il cherchera constamment à protéger. L'acteur allie ambiguïté menaçante et vraie chaleur qui donnera finalement un tour très sensible à la relation entretenue avec Susannah York. Un lien qui se nouera dans une belle scène d'adieu finale. Tout juste regrettera-t-on un épilogue un peu trop explicatif qui traîne en longueur mais sinon un joli et plutôt audacieux film.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 18 novembre 2022