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Critique de film
Le film
Affiche du film

Typhoon

(Tai feng)

L'histoire

Un gangster se réfugie au mont Ali accompagné d'une petite fugueuse qui se fait passer pour sa fille. Il séduit une femme alcoolique et frustrée, puis une jeune aborigène. Mais la police le traque toujours.

Analyse et critique


Typhoon est un classique oublié du cinéma taïwanais des années 60. Le film est longtemps resté dans l’ombre du fait que la carrière de son réalisateur Pan Lei s’est faite en grande partie à Hong Kong au sein des productions Shaw Brothers. Son parcours le destinait d’ailleurs à une œuvre détonante, lui né au Vietnam et partagé entre des origines chinoises par son père et franco-vietnamienne par sa mère. Cela l’amène à développer une sensibilité singulière, qui se ressent à la fois dans le contenu et les coulisses de la production de Typhoon. Le film se démarque par le fait de bénéficier de la liberté des productions en langue taïwanaise, tout en étant tourné en mandarin, langue dans laquelle les films sont plus ouvertement commerciaux et soumis à la censure dans une logique de propagande. Pan Lei, lui, a creusé le sillon d’une œuvre plus personnelle, notamment en adaptant à l’écran ses propres romans, ce qui sera de nouveau le cas pour Typhoon. Le film va bénéficier d’un concours de circonstances heureux lorsque la Central Motion Picture Corporation va se retrouver en manque de films à présenter dans les festivals et va donc accepter de le financer sans trop fortement dénaturer le récit de Pan Lei.


L’histoire met en scène des personnages s’imaginant marqués par le destin. Chun-li (Hong Mu) est une épouse en pleine dépression dans l’isolement des montagnes d’Alishan, où son époux est en charge de la station météorologique et mène des recherches scientifiques. Le gangster Da-hao (Ching Tan), fraîchement sorti de prison, va être le témoin d’une rixe dont il pense être accusé et craint déjà d’être à nouveau emprisonné. Dans sa cavale, il va croiser la route d’une fugueuse de sept ans délaissée par sa mère qu’il va faire passer pour sa fille pour donner le change. Tous vont se retrouver dans la cabane isolée où vit Chun-li et son époux, laissant les passions se déchaîner. Pan Lei tisse une frontière très poreuse entre le bien et le mal à travers des protagonistes dépassés par leurs émotions, marqués par leur passé douloureux.


Da-hao se montre ainsi paradoxalement un père plus attentif et aimant pour la fillette que le peu que l’on a aperçu de sa vraie mère. Chun-li voit dans l’allure virile et même la séduction insistante de Da-hao l’opposé complet de son époux qui la délaisse. Une parenthèse enchantée s’ouvre pour tous dans un bonheur loin des vicissitudes et des tentations urbaines, même si le désir suinte à chaque instant dans cette promiscuité. Censure oblige (un simple baiser étant interdit à l’écran), Pan Lei ne filme rien d’explicite mais parvient à faire ressentir une profonde tension érotique qui par l’exposition d’un torse musculeux et velu (Ching Tan s’inspirant clairement du modèle japonais de Toshiro Mifune), d’un regard insistant chargé de concupiscence (Hong Mu d’une intensité marquante rappelant comme évoqué dans les bonus la Elizabeth Taylor de La Chatte sur un toit brûlant) et de la moiteur de cet environnement où l’agitation des esprits se répercute sur les corps transpirants.


Cette ruralité sauvage, entre montagne imposante et forêt touffue, constitue justement un vrai personnage secondaire. L’espace est changeant au gré des humeurs des protagonistes, chargé de brume opaque ou foisonnant de végétation, d’un calme apaisant ou à la bande-son saturée de sons tropicaux traduisant un tourment intime. Pan Lei se montre formellement toujours inventif et évite certains clichés, notamment dans le traitement de la jeune campagnarde Ah-hung (Tang Bao-yun), jamais filmée dans une sensualité primitive et en objet sexuel. C’est une jeune fille curieuse de Da-hao, homme de la ville dont l’allure et le comportement détonnent de ce qu’elle connaît, mais chaque situation qui aurait potentiellement pu amener un érotisme « indigène » de mauvais goût est désamorcée.

Typhoon, entre triangle amoureux, polar, mélodrame, est une œuvre inclassable en son temps et dont l’attrait et l’originalité fonctionnent encore aujourd’hui.


En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 11 avril 2022