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Critique de film
Le film
Affiche du film

The Reckoning

L'histoire

Un businessman retourne dans sa Liverpool natale au chevet de son père, découvre que sa mort résulte d'un passage à tabac par des Teddy Boys, et se résout à exercer sa vengeance.

Analyse et critique

The Reckoning est un drame social qui anticipe grandement le célèbre Get Carter (1971) de Mike Hodges, même si injustement il n'en a pas eu la postérité. Le postulat est pratiquement identique et certaines situations très proches, mais pour un résultat et un constat très différents. Mick Marler (Nicol Williamson) est un businessman impitoyable prêt à tout pour réussir, vivant à cent à l’heure tant dans sa vie privée qu'au sein de son entreprise où il est en charge des basses besognes. Son passé prolétaire le rattrape lorsqu'il est appelé au chevet de son père victime d'une crise cardiaque dans son Liverpool natal. Il mourra à son arrivée mais non sans laisser à Mick l'occasion de constater la vraie cause du décès : il a été tabassé. Dès lors, notre héros va se mettre en quête de vengeance auprès des responsables. Le scénario (adapté du roman The Harp That Once de Patrick Hall) prend alors un tour bien plus surprenant qu'un simple film de vigilante.

La vengeance importe finalement moins que le conflit moral qui agite Mick Marler. Ce retour aux sources sera la cause d'un déchirement entre ses anciennes et nouvelles vies. Pour s'élever au sommet, Mick s'est constitué un environnement clinquant et superficiel avec demeure luxueuse, voiture de sport et épouse aux allures de mannequin (Ann Bell). Un pur cadre d'Anglais nanti totalement opposé aux faubourgs de Liverpool qu'il retrouve, et surtout à ses origines irlandaises - il fut éduqué dans la haine et la méfiance envers les Anglais. Sa culture irlandaise et prolétaire l'appelle à se faire justice lui-même, alors que ses nouvelles dispositions de bourgeois anglais l'incitent à laisser la police s'en occuper et retourner à ses affaires. Tout le film tourne autour de cette interrogation, portée par la prestation rageuse de Nicol Williamson. La mise en scène de Jack Gold se plie ainsi aux états d'âme de son personnage principal. Le début du film démontre sa froide détermination, son caractère glacial et l'urgence de son ambition par un montage heurté et le score nerveux de Malcolm Arnold. Mick n'a pas de temps à perdre : une violente dispute avec son épouse vire à l'étreinte fiévreuse sans prévenir, il conduit plein pot et au mépris du danger son bolide sur les routes, et intimide même ses supérieurs par le chantage pour gravir les échelons de son entreprise. Le rythme ne daigne se ralentir et le héros s'humaniser que lorsqu'il apprend l'état de son père. La silhouette de Mick se perd alors dans le cadre portuaire et industriel de Liverpool, tout comme lui dans ses pensées. Pourtant sa hargne demeure, stimulée par la brutalité de cette classe ouvrière (une scène de pub virant à la bagarre générale), mais il hésite entre la diriger vers la vengeance ou et l'utiliser pour nourrir son ambition.

Cette crise entraîne le personnage dans une phase autodestructrice où il constatera que sa réussite ne tient qu'à un fil (et notamment une épouse prête à le quitter au premier accroc). L'opposition dans le ton et l'imagerie entre la province prolo et le raffinement londonien annoncent donc Get Carter, mais le ton diffère du fait que la vie citadine est représentée par le monde des affaires dans The Reckoning quand il s'agit de celui du crime dans Get Carter. Une différence fondamentale qui faisait de Michael Caine un équivalent à ce qu'il traquait, le déshumanisant dans ses exécutions féroces et le condamnant finalement. Mick Marler est plus vulnérable et humain, la revanche sur ses origines se ressentant à tout moment sans qu'il n'ose complètement les renier. Dès lors, la fameuse vengeance est totalement expédiée et arrive tardivement, l'impunité à la commettre perd alors Mick en constituant un exutoire. Le finale est sans doute plus cinglant encore que celui de Get Carter, quittant un Mick Marler tout-puissant, vainqueur sur tous les tableaux et lâchant une ultime réplique mémorable. Si la tragédie rattrapera Michael Caine pour ses actes dans le film de Mike Hodges, le crime est source d'accomplissement pour Nicol Williamson dans un cynisme réjouissant. The Reckoning est une vraie œuvre marquante et un complément idéal (plus social que polar) à Get Carter.

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La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 29 avril 2022