L'histoire
Sally Feathers arrive à Londres ou elle veut devenir mannequin. Elle emménage dans l'appartement d'une camarade de classe, Angela. Trois autres jeunes filles vivent sur place, ainsi que le frère de l'une d'entre elles …. Le premier soir, Sally se rend à une fête ou elle rencontre Keith, un photographe qui l'attire beaucoup ….
Analyse et critique
The Pleasure girls est un film qui s'inscrit dans la veine critique et alarmiste d'œuvres comme Darling (1965) de John Schlesinger ou The Party's over (1965) de Guy Hamilton qui montraient un envers peu reluisant du fantasmatique Swinging London. Dénué de l'ironie de Darling ou de la tonalité pesante de The Party's over, The Pleasure girls (tous sorti la même année, le thème étant dans l'ère du temps) trouve sa propre voie en donnant une imagerie contrastée mais pas moralisatrice des mœurs de ce Swinging London. On y suivra le parcours de Sally (Francesca Annis), jeune fille ayant quitté sa campagne pour intégrer une école de mannequinat à Londres. Elle doit y retrouver ses anciennes camarades Marion (Rosemary Nicols), Dee (Suzanna Leigh) et Angela (Anneke Wills) avec lesquelles elle va cohabiter dans un immeuble du quartier de Chelsea.
Le scénario de Gerry O'Hara condense le temps d'un weekend la découverte progressive de ce nouvel environnement par Sally et en montrer aussi l'envers par les destinées peu enviables de ses amies. Gerry O'Hara par ce mélange de comédie et de drame croise également l'esthétique austère du kitchen sink drama avec un style plus percutant et moderne qui illustre ainsi les deux tonalités du film. On est d'abord enivré par cet univers de festif et hédoniste avec notamment une première scène de soirée où les filles sont séduisantes, les jupes courtes et où l'on se trémousse sur de la northern soul des plus entraînantes. C'est un tableau collectif charmant magnifiant l'idéal que l'on se fait du Swinging London, mais cet attrait va s'estomper une fois que l'on s'intéressera aux destins individuels. La ville semble avoir pervertit ces jeunes filles, créant un contraste avec l'encore innocente Sally. Dee uniquement intéressée par l'argent sort ainsi avec le très douteux Nikko (Klaus Kinski), propriétaire de l'immeuble aux activités louches mais qui lui fait mener la grande vie. La face sombre de la ville est d'ailleurs représentée par la figure masculine à laquelle on ne peut faire confiance et forcément synonyme de perdition. Marion va également en faire les frais en s'attachant à un rustre égoïste et joueur compulsif. Sally elle-même subit la cour assidue du photographe Keith (Ian McShane) coureur de jupon bien décidé à lui faire perdre sa virginité.
Dans cette idée, le film verse dans des ambiances très différentes et ose des écarts surprenant pour l'époque. Passée le début enjoué et oisif alterne ainsi le romantisme paisible (Sally et Keith rentrant dans les rues désertes de Londres au petit matin), le film noir stylisé sur la bande-son jazzy de Malcolm Lockyer (une empoignade dans une ruelle sombre et un règlement de compte dans un parking très inquiétant) et un érotisme des plus prononcé dénudant largement nos héroïnes et poussant loin les situations sexuelles. Les jeunes femmes seront tour à tour confrontées à leurs contradictions face aux différentes épreuves mais même en poussant le drame, Gerry O'Hara évite de donner une vision totalement sombre et se montre plus fin.
En s'abandonnant aux plaisirs de ce que la ville offre de plus facile les filles se perdront mais ce Londres peut également être source d'émancipation, notamment avec le personnage de Paddy pouvant assumer son homosexualité. Une question abordée frontalement, tout comme celle de l'avortement ou encore l'adultère. La conclusion montre d'ailleurs un futur possible (tout en maintenant habilement une certaine morale) pour Sally qui contrairement à ses amies en ne cédant pas à la tentation donne finalement un visage plus lumineux à la ville, avec un Ian McShane qu'on aura pris pour un prédateur mais qui s'avère un amoureux patient et compréhensif. Une œuvre sensible et originale malgré son thème semblant rebattu dans le cinéma anglais des sixties.