Menu
Critique de film
Le film
Affiche du film

The Brothers

L'histoire

Dans le Îles occidentales d'Écosse, une longue et meurtrière rancune oppose deux clans, les Macraes et les McFarish. L’arrivée de Mary, une jeune et belle servante, ravive le conflit et provoque une lutte de pouvoir interne entre deux frères du clan Macrae.

Analyse et critique

Conflits claniques ancestraux, triangle amoureux fraternel sur fond de grands espaces, The Brothers se pose comme une sorte de variante anglaise du légendaire Duel au soleil (1946) de King Vidor. Le film adapte le roman éponyme de L.A.G. Strong (qui participe au scénario), paru en 1932, pour une intrigue déchaînant les passions dans le cadre tumultueux des îles Hébrides. C'est là qu'est envoyée la jeune orpheline Mary (Patricia Roc) comme servante auprès du patriarche Hector Macrae et de ses deux fils, John (Duncan Macrae) et Fergus (Maxwell Reed). La jeune femme va se confronter au tempérament austère de ses hôtes et aux mœurs locales, ces contrées sauvages reflétant l'expression des désirs secrets de chacun. Le taciturne et réfléchi John a du mal à contenir son désir pour une Mary qui n'a d'yeux que pour le plus torturé Fergus, tandis que Willie McFarish, fils de la famille rivale, n'est pas indifférent non plus aux charmes de la nouvelle venue. David MacDonald navigue entre le pittoresque et l'approche documentaire dans sa vision, le charme alternant constamment avec la brutalité. Les grands espaces dissimulent ainsi une mentalité étriquée, machiste et religieuse, où la femme est un être à étouffer ou s'approprier par la force comme en fera les frais Mary.

Le réalisateur offre ainsi le visage le plus violent de ce monde pour dénouer un conflit (l'assassinat barbare d'un traître), mais aussi le plus ritualisé avec ce duel entre les familles Macrae et McFarish qui se règlent à la fois par l'éloquence (les deux patriarches rivalisant de malédictions mutuelles invectivées) et la force physique avec une épreuve d'endurance à la rame. La sensualité de Patricia Roc offre un contrepoint qui donne son aura lumineuse à ce cet environnement rude et arriéré (la superbe scène de baignade nue où elle est épiée), et c'est finalement la manifestation contrastée du désir qu'elle attise qui servira de révélateur. Fergus masque sa passion ardente sous le détachement, John affiche des airs d'aîné responsable alors qu'il brûle d'un même feu ; cette masculinité malmenée par l'amour les conduira à l'impasse. L'allure frêle, mais animée d'une certitude claire sur ses amours et ses rejets, Mary perturbe la fratrie en la forçant à se révéler et se montrer faible. Là encore visuellement, David MacDonald sait mettre en valeur ces contradictions en donnant dans la pure stylisation (les ombres des amants se rapprochant en pleine aurore boréale) ou dans l'animalité la plus prononcée (une tentative de viol éprouvante, Mary "corrigée" pour sa supposée luxure), dans l'utilisation du cadre naturel comme des décors de studio. Les gros plans saisissants capturent l'intelligence qui s'estompe sous la furie du désir dans le visage de John, tandis qu’ils saisissent le visage éteint et le caractère fuyant, faible de Fergus. Les actes les plus abominables auront toujours lieu en pleine mer et dans la brume, lieu symbolique où les personnages peuvent masquer leur faiblesse aux yeux du monde.

Les cadrages de David MacDonald et la belle photographie de Stephen Dade offrent des vues somptueuses de ces côtes rugueuses - déjà si magnifiquement filmées par Michael Powell dans A l'angle du monde (1937) et Je sais où je vais (1945) -, dont la beauté peut se révéler dans tout son éclat ou être superbement introduite (comme lors de ce travelling derrière les spectateurs de l'épreuve de la barque). Le romanesque alterne constamment avec un côté plus frustre et sauvage qui illustre les conflits intérieurs des figures masculines, amorçant une conclusion particulièrement âpre et inattendue. On doit cet équilibre à l’expérience de documentariste de David MacDonald qui, ami de L.A.G. Strong, matura longuement le projet durant les années 30 avant d’en obtenir le financement après-guerre. Cela vient également d’une Patricia Roc qui illumine le film et transporte avec elle le stupre de ses rôles tenus pour les studios Gainsborough dans une veine plus réaliste, accentuée par l’approche du producteur Sidney Box qui ramènera justement Gainsborough à ce côté terre-à-terre quand il prendra en main le studio. Prenant, charnel et sauvage, The Brothers est une belle réussite méconnue du cinéma anglais.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 28 mai 2021