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Critique de film
Le film

The Blue Lamp

L'histoire

En 1949, à Londres, le vétéran George Dixon apprend le métier de policier au jeune Andy Mitchell. Appelé sur le lieu d'un braquage, Dixon est confronté à Tom Riley, un malfaiteur qui lui tire dessus avant de s'enfuir. Une vaste chasse à l'homme s'engage alors.

Analyse et critique

Le scénariste T. E. B. Clarke, en plus d'avoir guidé la mue du studio Ealing vers les comédies qui feraient sa gloire - avec l'enchaînement magique Passeport pour Pimlico (1949, De l'or en barre (1950) et Tortillard pour Titfield (1953) - contribua également à y faire produire un des polars les plus mémorables du cinéma britannique avec The Blue Lamp. Membre de la police de réserve durant la Seconde Guerre mondiale, T. E. B. Clarke avait déjà fait montre de son gout pour le polar (même si teinté de comédie) avec À cor et à cri (Charles Crichton, 1947) et transforme l'essai avec The Blue Lamp - où il impose un traitement naturaliste en reprenant le script de Ted Willis et Jan Read.


Le film nous plonge dans l’ordinaire des Bobbies londoniens dont on découvre les codes à travers la transmission qui se fait entre le vétéran George Dixon (Jack Warner) et le jeune rookie Andy Mitchell (Jimmy Hanley). La vie du commissariat se déroule entre une joyeuse camaraderie qui nous fait nous attacher aux personnages et les tâches courantes (effectuer une ronde de nuit, faire cuver un ivrogne, ramener un chien à sa maîtresse, calmer une dispute conjugale) parfois fastidieuses mais qui ancrent le rôle de proximité des agents. Basil Dearden instaure une vraie rigueur documentaire à son cadre urbain, tant dans cette vie policière qu’à travers la description des bas-fonds dans lesquels de jeunes chiens fous génèrent une forme plus imprévisible de criminalité, aux antipodes de la discrétion des criminels endurcis. Cette jeunesse d’après-guerre sans repères ni codes (y compris ceux du monde de la pègre donc) est au cœur des préoccupations des grandes réussites du cinéma anglais d’alors, notamment dans l’excellent Le Gang des tueurs de John Boulting. Basil Dearden aborde le sujet en respectant l’approche du "quotidien" propre au script de T.E.B. Clarke mais creusera cet angle social de façon plus appuyée encore dans ses futurs polars hors Ealing comme Violent Playground (1958).


Cette jeunesse fébrile prend les traits Tom Riley (Dirk Bogarde) dont la désinvolture criminelle - symbolisée par la fascination malsaine pour son arme à feu - va croissante, de l’agression envers un policier suite à un cambriolage jusqu'au point de non-retour en abattant un Bobby au sortir d’un hold-up. Ce rebondissement marque un point de rupture narratif et moral, le respect de l'uniforme ressenti jusque-là se brisant en un coup de feu : la police n’est plus esquivée par le bandit aguerri, mais défiée par la jeunesse en quête d'adrénaline. L’approche documentaire de la première partie sert désormais l’observation en temps de crise et d’urgence avec la collaboration rigoureuse de toutes les franges de Scotland Yard pour retrouver le tueur. L'aspect laborieux, méthodique et crucial de l'enquête (interroger les témoins récalcitrants, draguer la Tamise pour retrouver une arme) poursuit la mise en valeur et l’unité du corps policier (renforcée par la douleur de l'épouse du collègue abattu, qui apprend la terrible nouvelle dans une scène magnifique) alors qu'à l'inverse, l'angoisse et l'incertitude animent les criminels avec un Dirk Bogarde dangereux car imprévisible.


Après un ensemble très méticuleux, Basil Dearden lâche les chevaux pour une dernière partie plus nerveuse. Empoignade heurtée entre policier et criminel, course-poursuite survoltée dans les ruelles londoniennes et final haletant en plein stade de football, Dearden se montre virtuose et inventif pour un suspense filmé au cordeau avec un sens du cadre et du rythme épatant. Si tout semble rentrer dans l’ordre au final, la fissure sociale et le choc des générations - puisque ce sont les vieux criminels qui aident à l’arrestation de ce chien fou qui gêne la tranquillité de leurs affaires - se sont crûment révélés. Basil Dearden affirme dans cette première incursion dans le genre ses formidables aptitudes pour le polar et lance sa collaboration avec le producteur Michael Relph pour d’autres grandes réussites à venir. Et ce dès l’année suivante avec le fabuleux Pool of London.

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La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 4 octobre 2018