L'histoire
Jenny Bunn (Hayley Mills) est une ravissante jeune femme ayant fraichement quitté son nord de l'Angleterre natal pour poursuivre sa carrière d'institutrice. Rapidement courtisée par les mâles les plus attirants du coin, elle jette son dévolu sur le séducteur Patrick Wilson (Oliver Reed). Seulement Jenny a un secret, elle est toujours vierge.
Analyse et critique
Take a girl like you est un bel instantané de l'Angleterre à l'heure de la libération sexuelle et des différents comportements qu'elle engendre. Les hommes, décrit comme de véritables prédateurs voient leur terrain de jeu élargi et les risques annexes s’amenuiser avec l’arrivée de la pilule. Les femmes peuvent plus ouvertement assumer une logique similaire et enchaîner les conquêtes d'un soir, délestée des entraves de la morale, mais pour d'autres comme l'héroïne Jenny (Hayley Mills) ce sexe étalé au grand jour est encore source de mystère et de frayeur. Le scénario (adapté d'un roman de Kingsley Amis dont on reconnaît bien la facette ironique) se garde bien de donner un jugement hâtif à chacun de ses comportements et montre les avantages et travers de chaque facette.
Ce sera le plaisir de l'instant mais également une certaine vacuité quand les sentiments s'en mêlent du côté du dragueur Oliver Reed. Pour Hayley Mills c'est à l’inverse une sacralisation de l'acte qui confine à la peur et au manque de prise de risque, puisque la mise en scène souligne le désir et l’intérêt de Jenny pour le sexe, les barrières étant uniquement psychologiques - stimulée par cette stigmatisation de la virginité et l'injonction à "consommer". D'un autre côté la romance entre Jenny et Patrick naît de ce refus initial, les contours d’une séduction factice (le dîner aux chandelle cliché et les boniments de Reed) en forme de raccourci pour la chambre à coucher n’ayant pas fonctionné. Le coureur se voit donc pour la première fois obligé de faire réellement connaissance, fréquenter et finalement tomber amoureux, au point de rester indifférent aux filles « faciles » habituelles. Le film ne se veut pas moralisateur à la manière de plusieurs œuvres anglaises des sixties qui sous la provocation remettaient en cause le nouvel ordre hédoniste de la jeunesse du Swinging London – The Party’s over de Guy Hamilton (1965), en partie le Darling de John Schlesinger (1965), The Pleasure Girls de Gerry O’Hara (1965) – mais questionne directement les conséquences de cette liberté sur les relations amoureuses.
Jonathan Miller réalise là un film attachant dont l'ambiance sixties dégage un charme certain à travers la bande-son (dont un fabuleux morceau du groupe The Foundations qui donne son titre au film et que l’on entend lors des premières et dernières scènes), les ravissantes tenues d'Hayley Mills et du reste du casting féminin. D'ailleurs le pas que doit franchir son personnage est à mettre en parallèle à celui qu'Hayley Mills faisait dans la réalité en sortant des rôles de starlettes Disney (studio qui lui refusa par exemple de postuler au Lolita de Stanley Kubrick pour raison morale) qui la rendirent célèbre, et entrer dans l’âge adulte avec un vrai rôle de jeune femme moderne. La mue serait complète l’année suivante à l’écran avec l’excellent The Family Way de Roy Boulting, et en coulisse quand elle épousera le réalisateur de trente ans son aîné pour un scandale enterrant pour de bon la fillette Disney. Oliver Reed est formidable en séducteur rustre dépassé, son physique d’ours et ses traits encore juvénile (que les excès alcoolisés se chargeront d’estomper) jouant sur la facette attirance/répulsion qu’il provoque chez les jeunes femmes – un trait exploité dans d’autres de ses rôles de l’époque dont The Party’s Over évoqué plus haut, Les Damnés de Joseph Losey (1962).
L'alchimie entre lui et Hayley Mills (ravissante de candeur de bout en bout) offre de très beaux moments faisant constamment osciller le film entre cynisme et romantisme sincère. C'est d'ailleurs dans cet entre-deux que nous laisse la conclusion surprenante et pas loin d'inverser le rapport de force, une superbe audace où il demeure une chance pour les deux tourtereaux malgré tout. Le roman de Kingsley Amis sera adapté une seconde fois en 2000 à la télévision pour la BBC avec Sienna Guillory en Jenny Bunn, d’ailleurs l’histoire possède encore le potentiel pour une nouvelle relecture moderne à l'ère des applications de rencontres.