Menu
Critique de film
Le film
Affiche du film

Tab Hunter Confidential

L'histoire

"De tous les beaux acteurs qui apparurent à Hollywood dans les années 1950 (Rock Hudson, James Dean, Paul Newman, Robert Wagner, Tony Curtis...), il fut peut-être le plus beau, une sorte de Brad Pitt avant l'heure. Grand, blond, souriant, éclatant de santé et de charme, corps de surfeur doré et oeil de velours bleu horizon, Tab Hunter devient instantanément l'idole d'une génération de jeunes Américains. Seulement, Tab Hunter était Gay. Il se confie aujourd'hui sur ce qu'a été sa carrière et comment il a pu vivre son homosexualité en tant qu'icône de l'âge d'or hollywoodien." Outplay Films - 2016

Analyse et critique

En règle générale, le cinéphile curieux désirant d'en savoir toujours plus sur l'objet de sa passion se tourne plus volontiers vers les documentaires voués à l'étude de cinéastes ou de genres cinématographiques ; tout au plus son intérêt se portera sur la vie et la carrière des grandes stars emblématiques en cela qu'elles dépassent largement leur simple statut d'artiste. Mais s'intéresser à l'histoire d'un acteur de seconde catégorie - quand bien même celui-ci acquit pour un certain nombre d'années une grande notoriété dans son pays - n'est pas pour lui un réflexe naturel. Concernant le comédien Tab Hunter, dont le nom - il faut bien l'avouer - évoque peu de choses dans l'esprit du cinéphile moyen, ainsi que le film qui en fait le sujet de son étude, et afin de contourner la difficulté de l'exercice, le distributeur français axe bien sûr son accroche sur la révélation de son homosexualité (il s'agit quand même de la thématique principale du documentaire). Et là, bien évidemment, nous voici alpagués non seulement par l'aspect très intime (voire voyeuriste) du propos mais aussi et surtout par la volonté de savoir comment cette homosexualité a pu être vécue (douloureusement, on s'en doute) dans un système hollywoodien entièrement tourné vers l'artifice au sein d'une société moralisatrice, pudibonde et hypocrite. Sur ce sujet, venant après l'incontournable et riche documentaire The Celluloid Closet (1995) consacré à l'homosexualité à travers un siècle de cinéma américain, ce Tab Hunter Confidential risquait de ne pas faire le poids. Heureusement, le film de Jeffrey Schwarz ne se limite pas à se sujet et trace avec conviction et empathie l'itinéraire intéressant d'un homme doté d'un fort capital sympathie, tout en dessinant le portrait d'une Amérique avide de rêves et celui du Hollywood des grands studios avec ses règles drastiques de travail et de vie.



On peine à imaginer en France ce qu'a pu symboliser le jeune Tab Hunter pour les spectateurs américains des années 1950. Comme le précise la présentation de Outplay Films (cf. ci-dessus), de cette génération de jeunes comédiens nés au tournant des années 30, d'autres noms nous sont certes restés en mémoire. La première raison est bien entendu leur talent dramatique supérieur, mais on sait aussi maintenant que Hunter a fini par être victime de sa personnalité particulière, de sa naïveté aussi, et de son entourage professionnel. Cependant la force du propos du documentaire Tab Hunter Confidential concernant l'hypocrisie et la candeur généralement partagées par les artistes et leur public réside dans ce décalage entre le statut incroyable de Tab Hunter durant ses années de gloire et sa véritable nature. Ce jeune homme blond aux yeux bleus, au visage poupin et très avenant, au physique avantageux de Beach Boy (il aimait d'ailleurs régulièrement tomber la chemise) représentait le jeune premier parfait, le séducteur sans malice, le gendre idéal, le mâle américain dans toute sa splendeur nourri au bon grain, devant lequel se pâmaient toutes les jeunes Américaines. Films d'aventure, de guerre, westerns, via toutes ses productions la Warner sut faire de lui une icône US exemplaire. A présent, se rendre finalement compte que ce personnage emblématique était en fait gay - comme d'ailleurs bon nombre d'autres vedettes qui durent cacher leur orientation sexuelle - est finalement assez piquant quand on pense aux stratagèmes souvent mis en place par les majors pour construire une identité publique à leurs stars maison. Tab Hunter fut une vedette de cinéma, de la chanson, de la télévision ; au cours d'une période certes brève, il tutoya les sommets et occupait une grande partie de "l'espace médiatique" comme on dirait de nos jours.



On se rend compte également, en écoutant aujourd'hui ce très sympathique octogénaire, que ce comédien était une personne plutôt intelligente et sensée, malgré l'impréparation de sa jeunesse et la confiance qu'il a témoignée un temps pour le système. C'est un homme qui assume pleinement son homosexualité, sa foi catholique, ses amours, ses choix de carrière bienheureux et malheureux. Au cours des longues interviews qu'il a accordées pour ce film, on devine un personnage humble, serein et lucide. Et le film de dérouler toute son historique (familial, intime et professionnel), de ses débuts à Hollywood et son ascension fulgurante jusqu'à son passage chez le truculent et provocateur John Waters (dans des productions underground avec Divine) puis son petit retour en grâce dans les années 80. Une vingtaine de témoins de cette époque (artistes connus, starlettes, fans, amies, agents, producteurs, journalistes, historiens et même son compagnon depuis 30 ans) apportent leur pierre à l'édifice. A travers ce parcours singulier, et grâce à de très nombreuses anecdotes captivantes et/ou douloureuses comme la relation amoureuse entre Tab Hunter et Anthony Perkins (qui en ressort comme un personnage secret, calculateur, tourmenté), c'est le fonctionnement des grands studios qui retient notre attention, organisateurs tout-puissants de l'existence de leurs stars (qui doivent donc aussi être acteurs de leur vie), habiles et cyniques gestionnaires des problèmes, machines à broyer les personnalités fragiles pour l'intérêt du showbiz. C'est justement pour sauver Rock Hudson du scandale lié aux rumeurs sur son homosexualité que Tab Hunter fut livré en pâture aux tabloïds ; même si Jack Warner usa de toute son influence et de ses réseaux pour le secourir à son tour et éteindre l'incendie.



Ainsi, malgré un format documentaire américain assez stéréotypé (dans la conduite du récit, les transitions, les illustrations, les effets de montage quelquefois faciles et attendus), et malgré parfois des longueurs et des répétitions, Tab Hunter Confidential se révèle un film d'une belle efficacité, toujours instructif, très richement doté en photos, en extraits de films, en documents vidéo divers, en témoignages, et d'un autre côté absolument pas racoleur, plutôt sensible même d'abord grâce à la participation du principal intéressé mais également au regard intelligemment distant mais plein d'empathie de son maître d'œuvre Jeffrey Schwarz (scénariste, réalisateur, monteur), spécialiste de la contre-culture américaine, qui adapte ici et prolonge l'autobiographie de Tab Hunter.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Ronny Chester - le 24 mars 2017