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Critique de film
Le film

Salut l'Artiste

L'histoire

Nicolas est comédien et, à quarante ans, attend toujours le grand rôle qui le fera sortir de l'ombre et des petits emplois alimentaires. Partagé entre sa maîtresse Peggy, son ami Clément, soumis aux mêmes contraintes de métier et sa femme Elisabeth qu'il ne voit que très rarement, Nicolas est un homme déprimé.

Analyse et critique

Yves Robert signe là une ode magnifique aux artistes de l'ombre, aux petites mains qui n'auront jamais leur nom en haut de l'affiche mais dont la disponibilité est indispensable à l'accomplissement de tout spectacle. Nicolas (Marcello Mastroianni) est de ceux-là, courant le cachet à longueur de journée pour des emplois alimentaires, divers et variés : figurant, doubleur de dessin animé, magicien ou rôle de théâtre microscopique... Pourtant comme le résumera parfaitement le coscénariste Jean-Loup Dabadie dans l'accroche du film, Nicolas est un homme qui "perd sa vie en la gagnant". Sa vie privée est en effet un chaos équivalent à sa vie professionnelle. Partagé entre sa maîtresse Peggy (Françoise Fabian), qu'il délaisse, et sa femme Elisabeth (Carla Gravina) avec qui il n'a pas rompu le lien, Nicolas se démène également avec son fils fugueur et partage ses difficultés avec son ami Clément (Jean Rochefort) comédien soumis aux mêmes vicissitudes.


Notre héros suit dans un parallèle logique ces deux existences, disponible pour foultitude de petits boulots mineurs mais jamais appelé pour le grand rôle qui pourrait tout changer et constamment de passage avec ses proches pour lesquels il n'est qu'une ombre furtive cavalant entre deux cachets. La scène d'ouverture où Yves Robert nous perd malicieusement dans le château de Versailles donne le ton avec une esthétique évoquant le film historique jusqu'à ce qu'un Mastroianni grimé en Louis XIV réponde à un appel téléphonique. Sans réelle intrigue directrice, le film suit donc le quotidien de ce personnage et exprime avec un réalisme amusé et grinçant tous les désagréments et humiliations que sont amenés à rencontrer les intermittents : pièce annulée, metteur en scène indécis et tyrannique, cachets non versés... On se demanderait presque ce qui motive encore ces artistes à poursuivre mais Yves Robert retranscrit avec autant de talent la chaleur, la complicité et la camaraderie régnant dans cet envers du décor au détour de quelques truculentes séquences (le spectacle de magie, la figuration pour le film de guerre). Au fond même s’ils ne seront sans doute jamais des stars, ils font ce qu'ils aiment et demeurent de grands enfants n'ayant jamais quitté leur terrain de jeu. Le personnage de Jean Rochefort illustre bien cette idée, lui qui abandonne le métier pour la plus rentable animation commerciale en supermarché mais ne peut s'empêcher de transformer celle-ci en barnum. Yves Robert et Dabadie avait au départ écrit le rôle de Nicolas pour Yves Montand emballé par l'idée avant de se rétracter car pensant que son public n'accepterait pas de le voir en perdant, auditionnant et courant les cachets (ce qui annonçait les difficultés de Claude Sautet quand il lui ferait jouer un serveur dans Garçon!).


Marcello Mastroianni qui ne se plaît jamais autant qu'à dégrader et malmener son image de séducteur repris ainsi le rôle et est formidable d'humanité. Tout aura beau s'écrouler autour de lui (il termine le film dans une bien plus mauvaise posture qu'il ne l'a commencé), subir les pires désillusions dans son métier, il lui restera toujours cette petite étincelle de passion qui le fera poursuivre. Le film se conclut sur une énième figuration anecdotique de Nicolas mais loin de donner dans le pathétique, la manière qu'a Yves Robert de capturer son visage satisfait nous prouve bien qu'il est à sa place, même si ce ne sera jamais la plus haute.

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La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 2 août 2021