L'histoire
Lorsque la pianiste de concert Lissa Campbell apprend qu'elle a un grave problème cardiaque, elle se promet de profiter de la vie. En prenant ses premières vacances, elle rencontre Kit Firth, un pilote en congé...
Analyse et critique
Love Story est un magnifique mélodrame Gainsborough qui transcende totalement son postulat que l'on pourrait au premier abord fortement juger à l'eau de rose. Lissa Campbell (Margaret Lockwood), pianiste à succès décide de mettre sa carrière entre parenthèse pour participer à l'effort de guerre. Catastrophe le jour de la visite médicale où les médecins lui annoncent qu'il ne lui reste plus que quelques mois à vivre ! Partie se ressourcer dans la campagne de Cornouailles, elle tombe amoureuse de Kit Firth (Stewart Granger) jeune ingénieur qui lui aussi dissimile un terrible secret, il devient aveugle... Leslie Arliss le prouvera encore de magistrale façon avec son mémorable film suivant The Wicked Lady (1945), il est passé maître dans l'art d'enchaîner les rebondissements les plus rocambolesques sans sombrer dans le ridicule ou l'excès. C'est encore le cas ici où les évènements évoqués s'enchaînent dans la première demi-heure avant que le récit (adapté d'un roman de J.W. Drawbell) prenne un tour intimiste étonnant. Arliss fait passer toutes les énormités par la caractérisation de son couple qui rend le tout crédible et touchant. Lissa et Kit ont ainsi deux attitudes totalement différentes face au funeste destin qui les attends et qu'ils se dissimulent encore (ce double secret rappelle un peu le mélodrame hollywoodien le I'll be seing you de William Dieterle (1944))
Pour les derniers mois qui lui reste à vivre, Lissa embrasse la vie de plain-pied, bien décidée à ressentir les émotions dont son existence recluse de musicienne professionnelle l’a privé. Elle rayonne littéralement (cette magnifique scène où elle surplombe une falaise cheveux au vent) et semble plus vivante que dans les premiers instants du film où elle ne savait rien de son mal. A l'inverse, Kit se réfugie dans une vie de coureur de jupons sans attaches ni responsabilités, mais la rencontre de Lissa viendra bouleverser ses velléités individualistes. Le script exploite d'ailleurs bien l'arrière-plan de la guerre pour accentuer le drame. Ainsi Margaret Lockwood se demande longuement pourquoi Granger, jeune homme fort et vigoureux n'est pas mobilisé. Honteux de lui avouer ses raisons, il feint l'égoïsme et finit par la faire douter de son courage et fait vaciller leur relation. Stewart Granger d'habitude si viril et imposant exprime ici une subtile vulnérabilité alors qu'à l'inverse la frêle Margaret Lockwood est d'une constante vigueur et saura remotiver son compagnon. A cela s'ajoute un triangle amoureux avec l'amie d'enfance de Granger jouée par Patricia Roc.
Sa performance est encore meilleure que celle plus connue de The Wicked Lady où elle étoffait déjà considérablement un rôle potentiellement ingrat. Moins affectée par les malheurs que ces partenaires, elle compose peut-être le personnage le plus tragique du film par ses tourments bien plus ordinaires. Confrontée à de terribles dilemmes (laisser Kit devenir aveugle pour l'avoir rien qu'à elle), elle voit impuissante (beau moment symbolique lors des adieux à la gare où elle est en retrait du couple qui ne se quitte pas des yeux) l'homme qu'elle aime depuis toujours s'attacher à une autre. Leslie Arliss impose un rythme lent où chaque moment partagé par le couple se doit d'être vécu comme s'il était le dernier, à travers de belles séquences romantiques rurales où les paysages de Cornouailles sont magnifiés (la balade en barque dans la crique, le théâtre en plein air face à la mer) par le lyrisme de la mise en scène.
L'alchimie entre Stewart Granger et Margaret Lockwood fait merveille et la nature hors-normes de leurs personnages (on peut faire un rapprochement avec Le Secret Magnifique de Douglas Sirk et ses héros plus grands que nature également) se voit équilibrée par une tout aussi touchante Patricia Roc, ainsi que Tom Walls en mentor bienveillant. Love Story est donc un beau film auquel on peut juste reprocher un épilogue à rallonge qui n'ose pas la grande tragédie finale attendue. Jusqu'au bout, le film esquive les clichés qui le guettent pour un étonnant happy-end en pointillé...