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Critique de film
Le film
Affiche du film

London Belongs to Me

L'histoire

A la fin des années 30, une maison du South London accueille des pensionnaires variés. Les jours s’égrènent paisiblement jusqu’à ce que l’apparition d’un médium et l’arrestation pour meurtre du fils d’une pensionnaire ne viennent perturber la vie des habitants.

Analyse et critique

London Belongs to Me est un beau film choral offrant une sorte de photographie nostalgique de l'Angleterre d'avant-guerre, et plus précisément de la classe moyenne. Adaptant le roman de Norman Collins, le scénario concentre sa description de ce microcosme dans un quartier de Londres au 10 Dulcimer Street. A travers les différents personnages et situations dépeintes, le ton oscillera ainsi entre le drame, la comédie, voire le film noir avec un équilibre constant. Vont donc s'entremêler la romance de la logeuse et veuve Mrs. Kitty (Joyce Carey) avec le médium un peu escroc Mr. Squales (Alastair Sim), un couple de retraités Josser (Fay Compton et Wylie Watson) rêvant de se retirer à la campagne et les amours de leur fille (Susan Shaw), et surtout la dérive criminelle du jeune garagiste Percy Boon (Richard Attenborough). L'histoire se déroule entre Noël 1938 et septembre 1939, soit lors de l'engagement de l'Angleterre dans la Deuxième Guerre mondiale. Cette situation internationale qui se dégrade dangereusement s'inscrit en filigrane, bien éloignée des préoccupations des personnages, simplement exprimée par l'excentrique et alarmiste Uncle Henry (Stephen Murray).

Sidney Gilliat se rattache donc à une forme d'innocence de ses héros encore centrés sur leurs petits soucis quotidiens, tout en anticipant certains comportements futurs, positifs comme négatifs. L'attachement des habitants à ce Londres bientôt soumis aux rigueurs du Blitz s'expriment donc avec les charmants retraités (très touchante scène de départ d Mr. Josser) qui ne se décident pas à choisir ce cottage signifiant un départ, la débrouillardise et le système D nécessaires avec la truculente pique-assiette Connie Coke (Ivy St Helier) ; et les escrocs en tout genre et la criminalité que fera naître le marché noir se dévoile avec Percy Boon. Modeste garagiste vivant avec sa mère, Boon cède à l'argent facile en retapant des voitures volées, et ce sera l'escalade tragique lorsqu'il tentera d'en voler lui-même puis quand il sera l'auteur involontaire d'un meurtre.

Avec Richard Attenborough dans ce rôle, impossible de ne pas penser à l'infâme Pinky qu'il campa l'année précédente dans Le Gang des tueurs de John Boulting. Pinky semblait être la résultante glaciale d'une vie criminelle durant la guerre, Percy peut être vu comme le même personnage encore aux prémices de sa "carrière", encore maladroit et hésitant dans ses méfaits. Le scénario, sans négliger sa lâcheté et sa faiblesse de caractère, en fait néanmoins un être attachant pris dans une spirale criminelle malgré de bonnes intentions. Richard Attenborough lui apporte toute sa présence fébrile et hallucinée avec le talent qu'on lui connaît. L'histoire du faux médium apporte un comique bienvenu, Alastair Sim étant comme souvent génial entre cynisme et charme obséquieux, et les scènes de romance avec la logeuse crédule sont tordantes de candeur feinte. Visuellement Sidney Gilliat fait preuve d'une belle inventivité pour s'adapter aux ruptures de ton du film. La lente escalade criminelle de Boone se fait dans une ambiance urbaine ténébreuse et de plus en plus oppressante (saisissante scène nocturne sur la route) grâce à la photo somptueuse de Wilkie Cooper, qui fait aussi des merveilles dans le gothique pour rire des scènes de spiritisme ou les scènes oniriques dignes du meilleur polar psychanalytique américain. Le réalisme et une certaine urgence plus documentaire se révèlent aussi dans la description des clubs clandestins vivant au rythme des descentes de police.

Au final, le regard est très bienveillant (dans la lignée positive de tous les films abordant plus directement la Deuxième Guerre mondiale du point de vue des civils du duo Launder / Gilliat comme le magnifique Millions Like Us (1943) ou Waterloo Road (1945)) avec notamment un élan de solidarité final un peu moqué dans sa symbolique collective (la marche et la pétition) mais très touchant dès qu'il se rattache à l'intime (le renoncement des Josser à leur cottage pour une bonne cause). Une belle œuvre chorale et une réussite de plus pour l'association Sidney Gilliat / Frank Launder. Le roman de Norman Collins connaîtra par ailleurs une seconde adaptation sous forme de série télévisée en 1977.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 19 mai 2023