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Critique de film
Le film
Affiche du film

Les Dingues sont lâchés

(Palm Springs Weekend)

L'histoire

Dans la station balnéaire de Palm Springs, à chaque période de Pâques, c’est "l’invasion" des étudiants qui profitent de leurs 15 jours de vacances pour venir se refaire une santé sous le soleil de Californie. Les forces de police redoutent cet "état de siège" annuel ; quant à leur chef (Andrew Duggan), il devra cette année redoubler de vigilance maintenant que sa fille, Bunny (Stefanie Powers), est en âge de fricoter avec cette jeunesse qui ne pense qu’à une seule chose, le sexe. Ce printemps 1963, une équipe de basket vient se mêler à la fête. Jim (Troy Donahue), le capitaine, après n’avoir eu d’yeux durant le voyage en car que pour la mystérieuse Gail (Connie Stevens), va être attiré par Bunny, tandis que Gail tombe sous le charme d’un riche playboy arrogant, Eric (Robert Conrad). Strech (Ty Hardin), un cascadeur texan, n’est pas insensible à la blondeur de Gail alors que le rigolo de la troupe, Biff (Jerry Van Dyke), va tourner autour d’Amanda (Zeme North), un garçon manqué championne de judo. Les chassés-croisés amoureux n’épargnent pas les plus âgés, la tenancière de l’hôtel où est descendue l’équipe de basket allant mettre le grappin sur leur entraineur (Jack Weston). Malgré une ambiance bon enfant, certains n’en sortiront pas indemnes...

Analyse et critique

"Sea, Sex & Sun" : voici ce que venaient chercher en 1960 en Floride les étudiants de Where the Boys Are (Ces Folles filles d’Eve), un film de Henry Levin réalisé pour la MGM, l’un des premiers teen movies abordant la nouvelle liberté sexuelle chez la jeunesse de l’époque, qui pouvait "se lâcher" en se ruant durant leurs vacances de printemps vers des destinations ensoleillées avec comme seule idée en tête de fricoter. Le succès ayant évidemment été au rendez-vous, trois ans plus tard la Warner décide de produire un film similaire, déplaçant néanmoins son intrigue de la station balnéaire de Fort Lauderdale sur la côte Est des USA à Palm Springs, ville de Californie au milieu du désert, les piscines remplaçant la mer. Comme la MGM avait voulu mettre en avant la plupart de ses jeunes stars montantes de l'époque (Yvette Mimieux, Dolores Hart, Paula Prentiss, George Hamilton, Jim Hutton...), le studio concurrent fait de même pour cette comédie signée Norman Taurog, en misant avant tout sur le bellâtre Troy Donahue, le rigolo Jerry Van Dyke ou bien Ty Hardin, le bel athlète au sourire parfait... ainsi que, côté féminin, en pariant sur les ravissantes Connie Stevens ou Stefanie Powers. Le film de Taurog est construit de la même manière que celui de Levin : trois-quarts de comédie potache sans finesse suivis très abruptement par un dernier quart plus dramatique, ici et là l’une des filles sur le point de se faire violer, les mâles se disputant violemment leurs conquêtes. Dans chacun des deux films, il s'agit d'un segment finalement encore plus lourd que ce qui a précédé du fait d’en revenir à un puritanisme "de bon aloi" : en gros, voilà ce qui arrive aux filles lorsqu'elles attisent imprudemment les pulsions masculines et qu'elles hésitent à attendre le mariage avant "de coucher" !

Que ce soit pour Where the Boys Are ou Palm Springs Weekend, il ne faut surtout pas attendre de la subtilité et de la finesse dans le le ton et l'écriture ; seulement le film de Norman Taurog s'avère un peu plus cocasse et délirant que son prédécesseur, le cinéaste ajoutant à l’occasion une comédie plaisante à son sympathique palmarès. Taurog débuta comme gagman chez Mack Sennett avant d’accéder au long métrage dès le début des années 30, se spécialisant surtout dans les films familiaux avec pour vedettes des enfants - notamment Jackie Copper et Jacky Coogan - dans des adaptations, entre autres, de Mark Twain (Tom Sawyer ou Huckleberry Finn). Il fera ensuite tourner les jeunes Mickey Rooney et Judy Garland dans des films dramatiques ou des comédies musicales pas trop désagréables, mais également Fred Astaire (Broadway Melody of 1940) ainsi même qu'à deux reprises le duo Mario Lanza / Kathryn Grayson dans des films musicaux pas si ridicules qu’on aurait pu le croire, The Toast of New Orleans ainsi que That Midnight Kiss. Tout cela pour la Metro Goldwin Mayer, au sein de laquelle la séquence la plus mémorable qu’il aura réalisée aura vraisemblablement été Slaughter on Tenth Avenue, un fabuleux ballet de huit minutes dansé par Gene Kelly et Vera-Ellen, issu du biopic sur le compositeur Richard Rodgers, Ma vie est une chanson (Words and Music). Passé à la Paramount, Taurog deviendra le faire-valoir de Jerry Lewis (huit films) puis d’Elvis Presley (neuf films, loin d’être parmi ses plus mauvais, GI Blues et Girls! Girls! Girls! se situant même dans le haut du panier). Palm Springs Weekend qu’il réalisa pour la Warner est dans la veine de ces derniers, régressifs - voire même idiots - mais néanmoins plutôt amusants et attachants. Loin de moi l’idée de trouver un quelconque talent artistique chez Norman Taurog, juste l’envie de lui redorer son blason d’honnête faiseur de divertissements hollywoodiens.

Concernant Palm Springs Weekend, devant la minceur des enjeux dramatiques, la médiocrité du scénario et de la mise en scène, il n'y pas grand-chose de bien intéressant à en dire. On se contentera de revenir sur les idées amusantes tel ce jeune gamin rouquin faisant tourner en bourrique ses parents et sa baby-sitter ; cette dernière championne d'arts martiaux et qui tiendra tête aux plus entreprenants par des prises de judo ; la piscine transformée en bain de mousse géant par l’insupportable gosse ; la "Love Machine" inventée par Jerry van Dyke pour "mettre en condition" les femmes qu’il espère voir tomber dans ses bras ; Bye Bye Blackbird, le duo musical au banjo de Van Dyke et Ty Hardin ; le morceau plein de vitalité interprété par le Modern Folk Quartet... On peut également toucher un mot de cet intéressant et sympathique casting composé presque exclusivement de jeunes comédiens issus de la télévision ou bien qui feront ensuite carrière principalement pour la petite lucarne. A commencer par Troy Donahue qui, après nous avoir fait bonne impression dans les superbes mélodrames de Delmer Daves, se contente ici du strict minimum en n’ayant d’ailleurs quasiment rien à faire (il interprète néanmoins tant bien que mal la chanson du générique) ; Jerry Van Dyke, le "clown" de l’équipe qui fut la même année inoubliable dans le rôle d’un incurable macho qui deviendra par amour un être d’une grande délicatesse dans ce chef-d’œuvre méconnu de Vincente Minnelli qu’est Il faut marier papa (The Courtship of Eddie’s father) ; Ty Hardin, l’un des Merrill’s Marauders de Samuel Fuller ; la délicieuse Stefanie Powers (future partenaire de Robert Wagner dans la série Pour l’amour du risque) ; la non moins charmante Connie Stevens, partenaire de Troy Donahue dans le Susan Slade de Delmer Daves ; Robert Conrad - ultra célèbre pour avoir été le James West des Mystères de l’Ouest puis Pappy Boyington dans Les Têtes brûlées - dans un rôle ici peu gratifiant, celui du playboy psychotique et haïssable roulant dans sa Thunderbird Roadster. Parmi les comédiens plus âgés, nous retiendrons la prestation savoureuse de Carole Cook en croqueuse d’hommes qui n’a pas la langue dans sa poche et d’Andrew Duggan dans celui du chef de police qui doitt veiller entre autre sur la virginité de sa fille.

Un scénario idiot uniquement prétexte à des scènes de drague, une mise en scène sans idées ni consistance (néanmoins assez efficace lors de la séquence homérique de bagarre générale) mais au final, pour peu que l'on ne soit pas trop exigeant, on peut s’y amuser et trouver l’ensemble certes poussif et vulgaire mais pas spécialement désagréable d'autant que vu d’aujourd’hui il pourra sembler délicieusement kitsch. A condition évidemment aussi de bien vouloir accepter ce changement de ton des vingt dernières minutes, qui non seulement casse la bonne ambiance installée jusque-là mais fait prendre au film un tournant plus dramatique et extrêmement moralisateur en sombrant dans le plus pénible des puritanismes, le tout au milieu de décors en studio assez ridicules. Si l’on veut bien oublier ce long final, Palm Springs Weekend est non seulement une teen comedy susceptible de divertir les nostalgiques de cette époque mais aussi un film qui peut également de nos jours se voir comme un document sociologique. Ce fut en tout cas un immense succès de 1963 pour la Warner, les adolescents américains de ce début de décennie lui ayant fait une véritable ovation.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 31 mars 2016