
L'histoire

Au pénitencier de Westgate, la cellule R-17 est occupée par six hommes parmi lesquels un comptable (Whit Bissell) ayant détourné de l’argent pour acheter un vison à son épouse, un soldat (Howard Duff) qui, durant la Seconde Guerre mondiale, s’est dénoncé pour un crime commis par sa fiancée, et un joueur (John Hoyt) trahi par sa compagne. S’y trouve aussi le gangster Joe Collins (Burt Lancaster) qui, sachant que sa femme malade n’acceptera d’être opérée qu’à condition qu’il soit à ses côtés, ne pense plus qu’à une chose, "se faire la belle". Excédés par la tyrannie et les brimades de Munsey (Hume Cronyn), le gardien-chef sadique qui souhaite secrètement prendre la place du directeur, les autres prisonniers sont prêts à se révolter et décident de prendre part à cette évasion annoncée.
Analyse et critique



Le film est bouclé en deux mois dans un garage de Universal faisant office de décor pour la prison. William Daniels assure la fonction de chef opérateur, travail bien éloigné mais tout aussi réussi que ceux qu’il a pu effectuer dans les années 1920 pour les films de Greta Garbo ou Erich Von Stroheim. Mark Hellinger réutilise cinq des acteurs de son hit The Killers et donne la chance au commentateur de base-ball Jay C. Fippen d’effectuer sa première apparition à l’écran. Sa silhouette de second rôle illuminera ensuite nombre de films, ceux entres autres de Nicholas Ray et d’Anthony Mann. Charles Bickford, le patriarche de nombreux westerns, réussit lui aussi une excellente interprétation. Quant à Burt Lancaster, il confirmera tout le bien qu’on pouvait en penser après sa percée spectaculaire dans le film noir de Siodmak. Son torse nu révélant une charpente sexy et athlétique fit beaucoup pour le succès du film. Cet érotisme masculin ajouté à la brutalité inhabituelle de Brute Force fera interdire ou censurer ce dernier dans certains pays comme le Danemark ou l’Australie. Si Jules Dassin est un peu moins sévère sur ce film que sur ses précédents, il n’en est pourtant pas entièrement satisfait parlant même plus tard en interview de « script idiot ». Mais le cinéaste a toujours eu l’habitude de dénigrer sa période américaine pour pouvoir valoriser ses œuvres européennes sur lesquelles il avait eu un contrôle absolu. Jules Dassin supportait mal la mainmise des producteurs hollywoodiens sur le travail des cinéastes. Ce qui peut expliquer aussi ces jugements lapidaires est la période sombre de "La Chasse aux sorcières" qu’il a beaucoup de mal à occulter. 1947 est l’instauration du soupçon dans les milieux cinématographiques avec les premières auditions de la commission Parnell Thomas enquêtant au nom du Congrès sur l’emprise communiste en leur sein.

Munsey, le gardien sadique qui fait tout pour rendre la révolte inévitable afin de mieux pouvoir la réprimer et devenir ainsi le directeur de la prison n’imite-t-il pas les comportements des politiciens de l’époque en mal de notoriété qui, comme McCarthy, n’hésiteront pas à trouver des boucs émissaires (en l’occurrence, les "Rouges"), en les


Brute Force conjugue donc, par l’intermédiaire d’un scénario carré et d’une mise en scène musclée, un réalisme proche du documentaire et une violence hallucinante pour l’époque. Il est le prototype des "films de prison" à venir mais, à cause de certaines concessions dues au producteur et au manque d’épaisseur des personnages, je ne le considère pas comme étant une grande réussite d’autant plus que quinze ans plus tôt, Mervyn LeRoy réalisait un pamphlet beaucoup plus fort, osé et virulent sur les prisons avec le sublime Je suis un évadé (I Was a Fugitive from a Chain Gang) qui n’hésitait pas en outre à porter un regard acerbe et impitoyable sur la société de l’époque, ce que Dassin et Brooks n’ont fait qu’effleurer ici, l’efficacité prenant le pas la plupart du temps sur la réflexion. Efficacité, à l’image de la puissante partition de Miklos Rozsa, qui trouve son apogée dans l’étonnante scène de révolte finale qui ne démérite pas du titre original du film. Les Démons de la liberté est un bon film en l’état mais nous ne pouvons que déplorer qu’un libéral comme Richard Brooks n’ait pas poussé plus loin ses idées. Il le fera par la suite dans se propres films. Mark Hellinger produit également l’année suivante The Naked City, second volet de la "trilogie américaine" de Dassin, qui s'achèvera avec Les Bas-fonds de Frisco en 1949. Hellinger ne verra jamais ce dernier ; il décède au début du tournage alors qu’il était également sur le point de s’associer avec Selznick et Bogart pour produire les films de l’acteur.