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Critique de film
Le film
Affiche du film

Le Trésor de Pancho Villa

(The Treasure of Pancho Villa)

L'histoire

1915 en pleine révolution mexicaine. Le mercenaire américain Tom Bryan (Rory Calhoun) et le révolutionnaire Juan Castro (Gilbert Roland) se cachent à l’abri d’un mur constitué de sacs remplis de pièces d’or alors qu’un petit détachement de l’armée régulière du Mexique les entoure. Comment les deux hommes en sont-ils arrivés là et vont-ils pouvoir s’en sortir ? Nous le saurons à la fin du flash-back qui constitue le reste du film. Tom aide Juan à dévaliser une banque, l’argent volé devant contribuer à renforcer l’armée révolutionnaire de Pancho Villa. Devant l’efficacité de l’aventurier américain et de sa mitrailleuse nommée la "cucaracha", on lui demande de participer à nouveau à l’attaque d’un train cette fois-ci. Seul l’argent l’intéressant, il aurait préféré se retirer au soleil maintenant que ses poches sont remplies ; mais quand il apprend que le commandant de cette nouvelle mission ne sera autre que Juan (avec qui il s'est pris d'amitié), il accepte. Et le voilà parti le retrouver. Juan arrive à Santo Tomas où il est désagréablement surpris de constater que le chef du groupe révolutionnaire qui doit participer à l’attaque ferroviaire n’est autre qu’une de ses connaissances, Pablo Morales (Joseph Calleia), en qui il n’a aucune confiance. L’épouse de ce dernier ayant convaincu Juan de sa loyauté, ils se préparent pour l’attaque du train qui, sans l’intervention surprise de Tom et sa mitrailleuse meurtrière, aurait pu mal tourner pour les rebelles. L’imposant magot porté à dos de mulet, le groupe quitte le coin pour se rendre au refuge de Villa, suivi d’assez près par un détachement de l’armée mexicaine qui compte bien les empêcher d’arriver à bon port. Se joint au convoi des pro-Villa une institutrice américaine, Ruth Harris (Shelley Winters), dont le père a été assassiné par les Fédéraux et qui épouse avec ferveur la cause révolutionnaire. En route, elle fait tourner la tête de Tom mais est extrêmement déçue quand ce dernier lui apprend que son idéal est l’argent et non la cause à laquelle elle s’est ralliée.

Analyse et critique

Alors que George Sherman était encore relativement méprisé et/ou oublié par l’ensemble de la critique française (qui ne connaissait en fait de sa prolifique filmographie qu’une infime partie), Le Trésor de Pancho Villa était un de ses rares films à ne pas être passé sous l’échafaud. Maintenant que le cinéaste est revenu dans les petits papiers de pas mal de monde, force est de constater qu’il s’agit paradoxalement d’un de ses westerns les moins enthousiasmants même si le postulat de départ pouvait sembler alléchant. Décidément, après Les Rebelles (Border River), le Mexique ne semble pas avoir grandement inspiré le réalisateur, pas plus au niveau des histoires qu'il y faisait se dérouler que d'un point de vue esthétique. Alors que son western précédent, le médiocre Grand Chef (Chief Crazy Horse), s’avérait néanmoins plastiquement splendide, il n’en va pas de même pour Le Trésor de Pancho Villa finalement assez terne, le spectateur ayant du mal à s’extasier devant les plans d’un réalisateur qui s’était pourtant illustré en début de décennie par sa capacité à magnifier les paysages qu’il avait à sa disposition par sa science du cadrage et de l’espace. Au vu du Trésor de Pancho Villa, je continue de penser que la période faste du cinéaste se situe bel et bien derrière lui, ses meilleurs westerns ayant été ceux tournés entre 1948 et 1952 pour la compagnie Universal.

Au vu de l’histoire telle qu’elle est racontée plus haut, il est évident qu’on pouvait s’attendre à un film mouvementé et romanesque, non dénué d’intéressantes réflexions sur l’engagement, la loyauté ou l’appât du gain. Malheureusement le film échoue sur tous les tableaux. Le script de Niven Busch s’avère très mal rythmé, intempestivement bavard et guère captivant. Il faut dire que le scénariste ne m’a jamais vraiment passionné, estimant que ses meilleurs travaux auraient pu facilement sombrer dans le ridicule sans le génie des cinéastes qui s’en étaient emparés ; je pense surtout à Duel au soleil (Duel in the Sun) de King Vidor ou à The Furies d’Anthony Mann. Ici, l’ironie de certaines séquences s’allie mal avec le solennel pompeux de certaines autres, la construction de l’intrigue s’avérant tout aussi inharmonieuse, succession de courtes séquences d’action et de longues séquences parlées sans que les premières soient efficaces et les secondes prenantes. Il faut dire que les dialogues se révèlent bien mauvais, entre punchlines qui tombent à plat et messages répétitifs et très basiques sur la loyauté, les valeurs, le sens de l’honneur et les causes à défendre. Le martèlement des même thèmes remis sur le devant de la scène est au moins aussi intensif que la récurrence de mélodie de La Cucaracha répétée jusqu’à plus soif au sein de la pénible, envahissante et assommante musique signée de l’inconnu (et pour cause) Leith Stevens. Autant dire qu’on aurait presque envie que l’armée mexicaine rapplique plus vite pour faire cesser les jérémiades de l’institutrice interprétée par Shelley Winters. Non pas que l’actrice soit mauvaise mais on a vite fait le tour de son personnage et l’on regrette à nouveau que, au vu du nombre de westerns dans lesquels elle est apparue, hormis Louis King au sein de l’excellent Frenchie (La Femme sans loi), les réalisateurs du genre ne l’aient pas plus et mieux mise en avant.

Ses partenaires ne sont pas non plus à mettre en cause (quoique Joseph Calleia soit particulièrement inexpressif) mais, que ce soit Rory Calhoun (qui porte admirablement bien la chemise noire) ou Gilbert Roland (plutôt originalement et joliment costumé lui aussi), on ne peut pas dire qu’ils possèdent un charisme suffisant pour arriver à porter le film sur leurs épaules ou tout du moins sauver les meubles. Nous sommes quand même très loin de Burt Lancaster et Gary Cooper dans le film le plus célèbre a auparavant être sorti sur les écrans concernant la révolution mexicaine, à savoir Vera Cruz qui, malgré le fait qu’il ne me convainque pas totalement, se situe à cent coudées au-dessus du film de George Sherman. Rien que dans l’écriture des personnages qui, dans Le Trésor de Pancho Villa, sont quand même très peu développés et même sacrément monolithiques. Le Mexicain dont on se doute dès la première apparition qu'il sera le traître à la cause (Joseph Calleia), l’idéaliste héroïque dévoué corps et âme à Villa (Gilbert Roland, l’un des trois "ensorcelés" de Vincente Minnelli), l’opportuniste aventurier qui n’est là que pour l’argent (Rory Calhoun, le rival de Robert Mitchum dans Rivière sans retour) et la maîtresse d’école fidèle à ses idéaux et à la cause révolutionnaire (Shelley Winters que l’on ne présente plus, dans La Nuit du chasseur la même année) : rien de bien fin ni de bien neuf et de plus, les autres seconds rôles n’ont aucune vie propre. En somme, un scénario guère palpitant (et c’est d’autant plus dommageable que l’intrigue, sur le papier, avait tout pour plaire), une interprétation assez moyenne et enfin une mise en scène indigne de George Sherman (même si loin d’être honteuse puisqu'il arrive encore de temps en temps à nous proposer quelques très beaux cadres).

Un détail semble démontrer le manque de motivation du cinéaste sur ce tournage ; un détail qui, pour ma part, ne me gêne pas outre mesure mais qui constitue une preuve flagrante du laisser-aller de la production : l’enseigne fifties de Coca-Cola qui ne passe pas inaperçue, à hauteur de la tête de Rory Calhoun durant une bonne vingtaine de secondes lors de la séquence de l’attaque de la banque. Malgré la mauvaise impression d'ensemble, on se sera quand même amusés de la façon qu’a Rory Calhoun de ne pas se départir de sa mitrailleuse qu’il nomme Cucaracha et qu’il dit être son "assurance-vie", on aura apprécié les vingt premières minutes prometteuses, on aura un peu tremblé lors de l’avancée des rebelles sur le rebord d’une falaise d’où un cheval dégringole, et lors de l’explosion de la dynamite qui fait s’écrouler un pan de montagne au final. Entre-temps, le film aura eu du mal à capter notre attention et on aura trouvé l’ensemble mou, prévisible et sans rythme... Bref, assez laborieux !

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 15 mars 2019