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Critique de film
Le film
Affiche du film

Le Port des passions

(Thunder Bay)

Analyse et critique

1946. Steve Martin (James Stewart) et Johnny Gambi (Dan Duryea), deux ex-soldats, décident de poursuivre leur rêve d'avant-guerre, n’ayant pas peur de mettre toutes leurs économies dans l’intention de trouver du pétrole en mer. Ils ont inventé un système de forage sous-marin et souhaitent construire une plate forme au large des côtes de la Louisiane. Grâce à Kermit McDonald (Jay C. Flpipen), le directeur d’une grande compagnie pétrolifère qui leur fait entièrement confiance malgré l’avis négatif de son conseil d’administration, ils obtiennent les fonds pour se lancer dans l’aventure à condition d’avoir pu faire jaillir de l’or noir avant trois mois. D’autres difficultés viendront s'ajouter, provenant des conditions météorologiques, de l’opposition musclée des pêcheurs de crevettes de ce coin tranquille du Golfe du Mexique voyant d’un mauvais œil l’arrivée de ces "industriels" qui risquent de détruire leur principal aliment de subsistance, et enfin d’histoires de jalousies avec les deux filles d’un des principaux pêcheurs de Port Felicity qui vient s’amourache de nos deux tenaces aventuriers, passant ainsi "à l’ennemi"...

Coincé chronologiquement au sein de la filmographie d'Anthony Mann entre, d'un côté, Les Affameurs (Bend of the River) et L'Appât (The Naked Spur), de l'autre Romance inachevée (The Glenn Miller Story) et Je suis un aventurier (The Far Country), ce petit film d'aventures fait vraiment pâle figure entouré de tels chefs-d’œuvre. En effet, même s’il est intéressant de voir un film se déroulant dans un endroit assez peu fréquenté par Hollywood et décrivant un milieu assez rarement montré lui aussi (celui des pêcheurs de crevettes d’une part, des hommes construisant des plates-formes pétrolières de l'autre), il faut se rendre à l’évidence : le scénario n’est guère passionnant et de plus, peu avare de clichés. La mise en scène d’Anthony Mann, certes parfois efficace, se révèle néanmoins ici assez pauvre, manquant de souffle et de conviction. Avec un tournage sur les lieux mêmes de l’action et avec l’aide de William Daniels à la photographie, nous espérions au moins des paysages magnifiés par leurs talents respectifs ; je ne l’ai pas vraiment remarqué malgré le fait que cela soit l’aspect le plus souvent mis en avant par les défenseurs du film, Dominique Rabourdin venant en rajouter une couche dans sa présentation de l’œuvre en bonus du DVD !

Heureusement, nous nous trouvons devant un formidable casting pour rattraper le tout : James Stewart se révèle une fois de plus impérial dans le rôle de cet homme laconique, têtu et roublard, néanmoins attachant, prêt à tout pour assouvir ses rêves, y croyant dur comme fer et n’étant pas tant intéressé par l’argent que par le défi qu’il a à relever. « Vous n’avez jamais baratiné pour vous sortir du pétrin ? Vous n’avez jamais misé votre dernier sou pour un rêve ? » D’ailleurs, Steve Martin - comme pas mal de personnages joués par James Stewart durant les années 1950 - peut parfois faire penser à Howard Roark, le personnage individualiste créé par Any Rand et interprété par Gary Cooper dans Le Rebelle (The Fountainhead) de King Vidor, des hommes à la poursuite de leur "vision" envers et contre tout. A ses côtés, Dan Duryea, que nous avions plus l’habitude de voir dans la peau d’impitoyables "Bad Guys" (notamment face à James Stewart dans Winchester 73), est plutôt convaincant dans la peau de l’associé jovial et débonnaire de James Stewart. Nous trouvons aussi la charmante Joanne Dru, actrice ayant illuminé quelques-uns des plus beaux westerns des années précédentes (La Rivière rouge de Howard Hawks ou La Charge héroïque et Le Convoi des braves de John Ford) ainsi que le moustachu Gilbert Roland ou encore l’excellent Jay C. Flippen (habitué des westerns d’Anthony Mann) dans le rôle d’un sympathique et courageux mécène industriel qui n’hésite pas à prendre d’énormes risques financiers seul et contre tous. La qualité de l’interprétation d’ensemble permet à un Thunder Bay trop bavard de se suivre néanmoins sans ennui ; bref, à condition d’oublier qu’Anthony Mann se trouve derrière la caméra (sans le savoir on aurait pu penser se trouver devant un film de Rudolph Maté), on pourra passer un agréable moment mais il ne faut pas s’attendre à des miracles, loin de là ! Dernière chose assez cocasse : si le film se faisait aujourd’hui, à une époque où l’écologie se montre sur le devant de la scène internationale, on peut vraisemblablement penser que ce sont les pêcheurs de crevettes qui auraient le beau rôle et non les industriels malgré le fait que ces derniers mettent ici en avant les paramètres du progrès et du défi technologique pour excuser leur "invasion".

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 23 août 2009