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Critique de film
Le film
Affiche du film

Le Lit conjugal

(Una storia moderna: l'ape regina)

L'histoire

Alfonso, la quarantaine, épouse Regina, une jeune fille catholique et vierge afin de l’initier au devoir conjugal selon ses désirs. Mais Regina va vite s’avérer insatiable et l’épuiser jusqu’à ce qu’elle soit fécondée, tout comme la reine des abeilles...

Analyse et critique

Le Lit conjugal est l'un des premiers succès public et critique de Marco Ferreri, dont le sujet sulfureux lui vaudra également ses premiers démêlés avec la censure. Le film est en quelque sorte un prolongement plus acide encore de La Petite voiture (1961) qu'il réalisa en Espagne. Dans ce dernier, un octogénaire se voyait mis de côté par sa famille pour laquelle il n'avait plus d'utilité, négligeant ses demandes, telle cette petite voiture pour laquelle il retrouvera toute sa pugnacité envers les siens. Féroce satire contre la famille, le mariage et l'Eglise, Le Lit conjugal est encore plus cinglant avec cette fois un protagoniste dans la fleur de l'âge qui va connaître le même sort que le vieillard de La Petite voiture. Alfonso (Ugo Tognazzi) renonce à sa vie de célibataire pour épouser Regina, jeune fille catholique et vierge. Avant même l'union, les signes avant-coureurs du désastre affluent avec cette belle-famille partagée entre vieilles tantes bigotes envahissantes et beau-frère idiot, Regina dont les regards provocants (un échange fort ambigu avec une bonne sœur durant la scène de mariage) contredisent les attitudes chastes et timorées.

Impression confirmée une fois le mariage célébré lorsque la prude Regina se transforme en véritable chatte en chaleur harcelant de ses assauts Alfonso à tout instant et en tout lieu. Le mâle italien viril est largement moqué avec un Tognazzi rapidement éreinté, obligé de se faire des piqûres d'hormones pour suivre la cadence, et surtout surpris du féroce désir de son épouse alors qu'il attendait du mariage un paisible repos après une vie de célibataire agitée. La famille est ici un enfer pour lequel vous devez tout sacrifier, qui vous use jusqu'à la corde et se débarrasse de vous lorsque vous ne pouvez plus répondre à sa demande. L'élément le plus manifeste est bien sûr les étreintes incessantes du couple de la part d'une Regina désirant au plus vite être engrossée. Il faut voir le sourire malicieux de satisfaction de Marina Vlady lorsque l'heureux évènement est annoncé, signifiant l'arrêt immédiat des ébats du couple puisque le but est atteint et Alfonso très diminué. Les autres renoncements se révèlent plus matériels - Regina prenant en charge l'entreprise, Alfonso renonçant à son appartement luxueux pour vivre avec la nombreuse famille de son épouse - ou symbolique - la vue sur Rome de l'appartement d'Alfonso devient une terrasse donnant sur le Vatican une fois marié, puis carrément sur une impasse à la fin lorsqu'il est malade et isolé.


Ce déroulement "naturel" des choses obéit aux vertus procréatrices de l'Eglise qui en prend pour son grade, mais masque surtout la dimension de sangsue de la cellule familiale où l'homme doit être vidé dans tous les sens du terme. Le mâle faible et manipulé, la femme en quête d'un géniteur et d'un mécène, la famille qui en profite et l'Eglise qui cautionne le tout constituent un ensemble vicié où personne n'est épargné. Dans son premier rôle majeur, Ugo Tognazzi est parfait en chien battu rapidement dépassé mais c'est surtout une sournoise Marina Vlady qui emporte l'adhésion en passant de la jeune fille innocente à la matrone dominatrice avec une finesse épatante et récompensée du Prix d'interprétation féminine à Cannes (même si entaché de polémique puisque, comme souvent dans le cinéma italien, elle fut doublée car française). Un grand Ferreri.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 22 décembre 2021