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Critique de film
Le film
Affiche du film

Le Fleuve sauvage

(Wild River)

L'histoire

Chuck Glover (Montgomery Clift) est envoyé dans le sud des Etats-Unis pour le compte de la Tennessee Valley Authority, organisme d’Etat chargé de la fabrication de barrages le long du fleuve dans le but d’endiguer ses crues dévastatrices. Chuck a pour mission d’obtenir des habitants qu’ils acceptent de quitter les zones destinées à être inondées par les travaux. A son arrivée, il ne reste qu’une île dont les habitants refusent l’expropriation. Véritable maîtresse des lieux, Ella Garth, (Jo Van Fleet) par son obstination forcenée à ne pas quitter ses terres, va vite se révéler être un adversaire de poids. Silencieuse, en retrait, sa petite fille Carole (Lee Remick) attire le regard de Chuck…


Analyse et critique

En 1960, Elia Kazan n’est plus sous l’égide de Jack Warner, producteur avec qui il s’est violemment heurté dans un souci constant de protéger son indépendance. Il peut donc entamer une phase de sa carrière plus intime et personnelle, fortement marquée par des aspects biographiques (1). Le Fleuve sauvage est le prélude d’une trilogie américaine composée de La Fièvre dans le sang (Splendor in the Grass, 1960) et d’America, America (1963), son œuvre la plus autobiographique. Une autobiographie qui se poursuivra dans L’Arrangement (1969), plus intime, notamment sur sa vie de couple avec Barbara Loden, puis avec Les Visiteurs (1972). Mais toujours avec ce souci de parler de son pays en parlant de l’homme. « Oui, j’aime l’Amérique, et chaque film que je fais est une critique de l’Amérique. Mais pour moi, c’est un pays merveilleux, je m’estime heureux d’avoir pu y vivre. » Kazan veut parler de son pays d’accueil, en creuser les paradoxes, en défricher l’histoire, mais avant tout il veut parler des hommes qui y vivent, ces immigrants, ces « Américains à trait d’union » comme il les appelle, ces victimes de la crise ou des mœurs rétrogrades, ces descendants d’esclaves qui n’ont pu briser leurs chaînes… toutes ces destinées vont habiter cette trilogie magnifique, que beaucoup considèrent comme l’aboutissement de la carrière du réalisateur. Mais il ne faut pas, devant la beauté sidérante de cette fresque, négliger pour autant tous les films qui l’ont précédée, toutes ces réussites qui portent en germe la quasi perfection que le réalisateur atteint alors. On trouve déjà les thèmes qui parcourent Le Fleuve sauvage dans A l’est d’Eden (1955) qui traitait des conflits de génération, ou Le Mur invisible (Gentlemen’s Agreement, 1947) qui dénonçait le racisme, Baby Doll se languissait déjà au climat du sud des Etats-Unis.


Kazan ancre son récit dans un contexte historique et social très précis, celui des travaux lancés en 1933 par la Tennessee Valley Authority, pendant le New Deal de Roosevelt, politique qui visait à redresser l’Amérique suite au crash de 1929. Le film s’ouvre sur des images d’archives représentant les crues destructrices du Tennessee qui emportent tout sur leur passage. Un homme devant la caméra pleure sa famille disparue. Ouverture poignante qui place d’emblée le spectateur dans la position de Chuck Glover, nous fait partager l’importance salvatrice de la mission qui lui incombe.

Lorsque Chuck arrive à Garthville, la première chose que nous montre Kazan est une boutique fermée, barrée d’une affiche « A vendre pour cause de faillite ». Plus loin devant une porte marquée d’un panneau « Distribution de vivres », une cohorte de miséreux attend. En deux plans, et un regard de Montgomery Clift, Kazan nous expose la situation avec une économie de moyen sidérante, et dans le même temps campe le personnage de Chuck Glover avec une précision qui vaut tous les discours. L’évocation de ces années 30 se poursuit par une simple pancarte « Your New City Hall » qui évoque le New Deal et son désir de reconstruire ce qui a été brisé. Des images d’archives, trois panneaux, une brève explication de la situation par l’assistante de Chuck, l’intrigue est posée. Mais le film ne se réduit pas à celle-ci et tout le talent de Kazan va consister à broder tout autour des motifs qui vont donner sa richesse et sa profondeur à un récit qui de prime abord semble si simple. Mais d’abord, revenons sur cette toile de fond composée de racisme, de problèmes sociaux, de dérive du capitalisme, cette critique de l’Amérique, cette mise en perspective de ses fondements, ces thèmes chers au cinéaste qu’il évoque par le prisme de quêtes et de drames individuels.


Kazan a puisé dans ses souvenirs de jeunesse où il s’était engagé dans le New Deal de Roosevelt et avait longuement voyagé dans le sud des Etats-Unis. Ces années 30, où le pays essaie de cicatriser les blessures du crach de 29, sont également l’époque où se passe La Fièvre dans le sang. A travers ces deux films, Kazan entend parler de lui-même, nourrir le film de son vécu : « La formation d'acteur est utile en ce sens pour un metteur en scène : on essaie de se retrouver dans le rôle, de retrouver le rôle en soi. Celui-là ne me posait pas de problème, parce que je pensais que j'étais ainsi à cette époque. J'étais timide, peu sûr de moi avec les femmes - comme à peu près tout le monde. J'ai essayé dans ce film de rassembler tout ce que je pouvais à mon sujet. Je savais ce qui s'était passé là-bas, je n'avais pas à m'en occuper abstraitement. J'ai pris ces personnages en moi parce que je savais quelles étaient mes propres faiblesses, qui n'étaient pas les mêmes que maintenant. »

Kazan pour la première fois de sa carrière prend donc la plume, et rédige tour à tour quatre versions du scénario, avant de faire finalement appel à l’écrivain Paul Osborn (A l’est d’Eden). A partir de sa propre expérience, il dresse le portrait d’un libéral acquis au New Deal et aux vertus du progrès. Mais le cinéaste n’aime pas imposer ses réflexions, il préfère que le spectateur se fasse sa propre opinion, et surtout il aime exposer les complexités de la vie. Il aime les contradictions et creuse ses sujets et ses personnages dans ce sens. Il cherche à comprendre. Il s’attache donc aux habitants, par le biais du personnage d’Ella Garth, qui refusent de se voir arracher à leur terre. Peut-être ressent-il même le drame des immigrés à travers ces figures déchirées. Empathie est de toute manière le maître mot dans les films de Kazan. Une des beautés du film est qu’il ne prend pas partie, et donne sa chance à tous les protagonistes, « Peut-être commençais-je à sentir humainement au lieu de penser idéologiquement. » Tout le monde a ses raisons. Il n’y a pas de gouvernement corrompu à stigmatiser, de véritable salaud, exception faite d’un meneur raciste et de la foule abrutie qui le suit. Dans cette évocation du Sud, le racisme tient bien sûr une place importante. Omniprésent, il prend plusieurs figures. Dans un premier temps, on ne peut embaucher des Noirs pour l’arasement du terrain par risque de faire partir les ouvriers blancs. Puis, obligé de faire appel à eux, on ne peut les payer la même somme par risque de voir l’économie de la région en souffrir. Racisme ancré, traditionnel, sur lequel s’est bâti ce Sud. La foule se déchaîne sous la démagogie d’un leader qu’on imaginerait facilement caché sous une cagoule. Racisme terrible, spectaculaire. Sur l’île d’Ella, les Blancs ne travaillent pas la terre et les Noirs vivent dans une forme policée d’esclavage. Ella les traite de manière maternelle et infantilisante. Autre forme de racisme, plus insidieuse, qui fragilise encore plus une population opprimée qui peine à se défaire de ses chaînes. Kazan a toujours été un farouche défenseur de la cause noire, et il rend un hommage au romancier James Baldwin en donnant son nom au défunt mari de Carol. L’œuvre de Baldwin n’est d’ailleurs pas sans écho avec celle de Kazan. L’écrivain exalte l’individu, et trace le lourd chemin qui l’amène à s’épanouir dans une société coercitive, chemin qui passe souvent par l’amour, seule force capable de libérer l’homme. Les films de Kazan ne racontent pas autre chose. Le Fleuve sauvage raconte comment la naissance d’un amour extrêmement fort va libérer deux êtres et changer le destin d’une population.

Ella Garth est, selon Chuck, l’exemple parfait de « l’individualisme indécrottable des Américains ». On ne peut qu’admirer sa volonté de fer, ce refus d’être arrachée à son passé et à sa terre. Mais Ella, par cette obstination, met en danger les habitants de l’île et compromet un projet salvateur pour toute une population. Quand elle demeure seule sur son île avec Sam, un employé noir qui refuse de partir, elle se rend compte du mal qu’elle provoque et va commencer à se résigner à partir. Le passé est trop ancré en elle pour que ce soit une pleine acceptation, c’est un regret, un remords vivant qui la tiraille et la tue. Comme dans les romans de Baldwin, ce destin individuel broyé représente les malheurs d’un peuple tout entier. Si Ella ne peut survivre à ce changement, c’est qu’elle n’est pas portée par les élans de l’amour, ou plutôt qu’elle est liée à une promesse faite à son mari défunt. Le poids du passé, toujours, qui tisse profondément ses racines dans la terre.

Le destin de Chuck et Carol est tout différent. Ils sont portés par une passion qui va les transformer, les sauver, leur permettre de s’envoler. Chuck arrive dans ce Sud, plein d’idéal, croyant aux forces du progrès, à la capacité de changer et d’améliorer le monde. Il est rapidement confronté au vécu de ses êtres, découvre leur attachement à leur terre. On voit l’évolution du personnage et c’est une des choses les plus précieuses de ce film. Il s’y passe quelque chose, c’est un morceau de temps pendant lequel les personnages, et Chuck en premier lieu, évoluent, se transforment. Ils confrontent leurs idéaux à la réalité et apprennent, comprennent. Le rythme du film est à l’image de cette évolution lente et profonde de l’individu. On ressent constamment le passage du temps, sa force. C’est ce qui frappe dans ce film, la manière dont le temps est traité. Un court voyage en voiture prend des allures d’éternité, la nuit tombe brutalement sur des amants… c’est toute la structure même du film qui est sujette aux desiderata du temps qui passe, à son effet subjectif sur les personnages. Ce temps c’est également celui historique du passé, des générations qui se suivent, des traditions qui se répètent. C’est le présent qui se veut dynamique, en rupture, porteur d’un espoir en un avenir radieux. Chuck représente ce futur, Ella le passé. Entre eux, Carol. A la fois prisonnière d’un drame passé, la disparition de son mari, et tournée vers le futur, vers des études libératrices avortées et maintenant vers ses enfants, Carol est le pont entre Ella et Chuck.

Cet amour qui naît entre Chuck et Carol est le véritable cœur du film, sa palpitation intime. Ce thème d’un amour qui prend racine alors que les conflits grondent autour est une constante de l’œuvre de Kazan, thème qui atteindra des sommets de lyrisme rarement égalés dans La Fièvre dans le sang. Ici, c’est un amour d’automne que le cinéaste saisit, un amour qui naît de la langueur du fleuve Tennessee. Alors que le récit débute sur une description sociale, que les conflits grondent, que l’intrigue semble se concentrer sur la façon dont Chuck va faire plier Ella, un événement le fait basculer irrémédiablement dans autre chose. Alors que Chuck quitte l’île, Carol se jette sur le bac et le rejoint, mouvement qui entend trancher avec son passé et lui faire prendre pied dans l’avenir, qui défie les lois d’Ella et va par un jeu de dominos faire vaciller ses convictions et celles de Chuck. Ce geste brise d’un coup et l’intrigue du film, qui n’est dès lors n’est plus un simple face à face entre deux antagonistes, et son mouvement même. Carol monte sur la barge, prends la perche et la jette à l’eau. La traversée doit se faire au rythme du fleuve, et le film va suivre dorénavant son lent cours. Kazan fait alors passer les scènes de tensions et de conflits au second plan, et se concentre sur l’amour qui naît entre Carol et Chuck. Le film se fait mélancolique, languissant. C’est le temps de la guérison, de la compréhension, le temps de l’évolution et de l’apaisement. Le film change de cap et nous emporte dans un tourbillon passionnel que rien ne laissait prévoir. Cet amour semble prendre naissance dans le lit du fleuve, surgir de la nature.

Les personnages sont noyés dans les brumes du Tennessee, ou lovés dans la douceur du crépuscule. L’homme et la nature ne semblent plus faire qu’un, comme réconciliés après le heurt des crues et ses myriades de morts, comme si le fleuve sauvage acceptait de se faire domestiquer en faisant naître une romance. Ils aspirent tout deux à la paix, sont las de la violence et des conflits. Il y a quelque chose de presque panthéiste dans cette œuvre de Kazan. Malgré son athéisme, l’œuvre entière du réalisateur est d’ailleurs marquée par la Bible. Mais comment pourrait-il en être autrement alors que Kazan peint l’Amérique et que la religion est intrinsèquement liée à ce pays ? Ce poids de la religion s’incarne dans le farouche refus d’Ella de voir l’homme dicter sa loi à la nature. Elle veut que la nature reste indomptée, sauvage. « Des barrages il n’y en a que trop, ils disciplinent la nature, compriment ses élans. Je suis contre les barrages de toutes sortes. » L’art de Kazan explose dans cette scène : lorsque Ella lance ses paroles à la face de Chuck, Kazan filme le visage de Carole et l’on comprend alors tout le désir sexuel qui brûle cette femme. Kazan a su à de nombreuses reprises capter le désir, notamment féminin, et Le Fleuve sauvage brûle littéralement de la passion de Carole. Présenté frontalement dans Baby Doll, cette représentation va provoquer la fronde des censeurs et de l’église. La frustration sexuelle est également au cœur de son œuvre, frustration causée par le puritanisme comme dans La Fièvre dans le sang ou A l’est d’Eden.

Lee Remick et Montgomery Clift sont renversants en amants qui se découvrent. Ils forment un couple peu orthodoxe où la femme est forte et l’homme fragile. L’opposition est au cœur de leurs rapports. Chuck est âgé mais est tourné vers le futur, Carole est jeune et déjà embourbée dans le passé. Chuck est en retrait, il subit, traverse le film de sa démarche fatiguée. Carole agit, prend son destin en main, c’est elle qui défend physiquement Chuck quand il est agressé et reçoit les coups sans y répondre. Chuck voit ses convictions vaciller, il doute, tandis que Carole s’en forge de nouvelles, inébranlables. On a l’impression souvent que Chuck glisse vers l’abandon et que dans le même temps Carole ne vit plus que pour gagner son bonheur, se déraciner pour vivre enfin. Montgomery Clift, que Kazan avait déjà dirigé sur les planches dans The Skin of our Teeth, incarne Chuck avec une densité bouleversante. Il sortait alors d’un grave accident, était accablé par un alcoolisme naissant. « Au moment de faire le film, je l'ai trouvé dans un état épouvantable. Comme il est mort maintenant je peux le dire. J'adorais Monty Clift. J'avais le même genre de liens avec lui qu'avec Brando. Il venait chez moi me raconter ses problèmes et ma femme était pour lui une espèce de figure de la mère. Monty avait une quantité terrible de problèmes psychiques. Il arrivait même quelquefois qu'on ne puisse pas le regarder tant il souffrait. Je ne voulais pas l'engager parce que je ne pensais pas qu'il eût la force de jouer ce rôle. Je ne l'aurais pas pris si j'avais pu avoir Brando. Mais finalement je le fis avec lui. Avant le film il était tout le temps saoul. Je lui dis : " Monty, il faut que tu me donnes ta parole d'honneur que tu ne boiras pas une goutte pendant ce tournage." (…) Et pendant le tournage il commença à aller mieux, à avoir plus de force et de confiance en lui. Et alors, environ trois jours avant la fin, Monty arriva sur le plateau, s'approcha de moi, me dit bonjour, et tomba tout droit sur le nez : il avait recommencé à boire. » Clift habite complètement le rôle et par sa seule présence imprègne le film d’un sentiment diffus de fatigue et de lassitude. Face à lui, Lee Remick, dont Kazan était le professeur de théâtre et qui avait fait ses débuts au cinéma dans Un Homme dans la foule, semble ne jouer que par son regard. Ses grands yeux bleus sont au début du film perdus dans le passé, passent loin au dessus de ses interlocuteurs. C’est quand elle accroche enfin les yeux de Chuck, que son regard se baisse sur lui, que quelque chose se passe. Elle accroche soudainement le présent et ouvre le voile vers un futur possible. Son regard va alors n’être que va-et-vient, combat, entre le passé et Chuck. Kazan offre à Lee Remick un magnifique portrait de femme, à la fois fragile et forte, un portrait comme le cinéma en donne si peu.

Le reste de la distribution (2) n’a pas à pâlir des performances magistrales de Remick et Clift. Jo Van Fleet (dont le premier film était A L’est d’Eden), artificiellement vieillie, est une Ella Garth inoubliable. On réduit (tout en saluant) la direction d’acteur chez Kazan à l’exacerbation et la violence des sentiments. C’est oublier un peu vite qu’il ne s’est jamais reposé sur des recettes, qu’il a constamment poussé l’acte de jouer dans des directions multiples, voire opposées. Le Fleuve sauvage fait partie de ses œuvres où l’intériorisation du jeu atteint des sommets émotionnels, où les corps et les regards valent mille discours. Si l’acteur, l’humain, prévaut dans le cinéma de Kazan, il n’éclipse en rien la beauté de sa mise en scène. Si le réalisateur se méfie souvent des mouvements d’appareil, préférant de simples champs/contrechamps pour accentuer la continuité dramatique, favorisant constamment les gros plans, il n’en demeure pas moins que ses films ont l’évidence de la beauté. Kazan excelle lorsqu’il film des décors naturels, tels le Mississipi de Baby Doll, la Nouvelle-Orléans de Panique dans la rue, Hoboken de Sur les quais. Ici, dans un scope magnifique qui lui permet de jouer admirablement sur la palette de couleur de l’automne, il capte toute l’ambiance du Tennessee, la lumière changeante des journées. Les couleurs sont véritablement sublimes, flamboyantes. Les derniers rayons de lumière baignant le visage de Carole, la fine lueur d’une aube ou d’un crépuscule, la danse de la pluie sur une fenêtre deviennent des tableaux d’un lyrisme hors du commun. Kazan filme des plans très larges qui semblent aspirer les acteurs et les fondre dans le décor, liant irrémédiablement les hommes à la nature par une savante utilisation de la profondeur de champ.

L’homme et la nature. L’homme et la religion, la sexualité. L’homme dans son rapport au monde, à l’Histoire… Kazan en explore toute les facettes, le lie inextricablement à la société qu’il habite et qu’il incarne. On est véritablement devant le regard d’un artiste qui voit et décrypte le monde. Durant toute sa carrière, Kazan n’a jamais perdu ce désir d’explorer le monde. Il se renouvelle de film en film, se met en danger, détruit des structures qu’il avait mis en place, contredit des discours qu’il avait fait siens. Il n’y a aucun acquis sur lesquels Kazan se repose. Il se remet en cause, remet en cause ses idéaux. Si l’homme est complexe, avec ses zones d’ombres et ses choix difficiles, il en est de même de son œuvre, hétéroclite, traversée de courants divers et contradictoires. Quand il passe du théâtre (il était le maître de Broadway dans les années 40 et 50, mettant en scène les pièces les plus reconnues d’Arthur Miller ou Tennessee Williams) au cinéma, puis du cinéma à la littérature, l’homme semble toujours repartir de zéro, se chercher et chercher à comprendre le monde et les hommes.


Kazan est certainement parmi les plus grands génies du septième art, un cinéaste dont l’influence prodigieuse se fait constamment ressentir. On ne peut qu’être ébloui par l’œuvre de l’homme, par son honnêteté d’artiste, son courage, son constant désir d’évoluer, de rechercher. Kazan, immense metteur en scène de théâtre, immense cinéaste, immense écrivain, est de ces hommes qui changent notre vision du monde, et peut être le monde lui-même.


(1) Si Kazan est son propre producteur, c’est bien la Fox qui finance et distribue le film. Le Fleuve sauvage fut très mal distribué, et la compagnie ne désirait même pas le sortir en Europe. Il fut visible pendant près de vingt ans uniquement dans des copies en 16 mm.
(2) On peut remarquer Barbara Loden qui trouve ici son premier rôle au cinéma.

Dans les salles

DISTRIBUTEUR : SHAWSBUCKLER FILMS
DATE DE SORTIE : 21 MAI 2014

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Par Olivier Bitoun - le 25 octobre 2005