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Critique de film
Le film
Affiche du film

Le Démon de la danse

(Dance Hall)

L'histoire

Histoire de quatre ouvrières et leurs diverses aventures dans une salle de danse londonienne....

Analyse et critique

Dance Hall est une production assez oubliée du studio Ealing, dont l'approche inédite restera sans lendemain au vu de son insuccès. Le film est en effet un des rares Ealing adoptant un point de vue féminin à travers une trame se préoccupant justement de la place de la femme dans cette Angleterre d'après-guerre. Le contexte avait conduit à une certaine autonomie des femmes; avec les hommes au front et ces dernières contribuant à l'effort de guerre en usine. Dance Hall nous montre la situation complexe de l'après-guerre où les femmes sont déchirées entre un retour au statut de ménagère soumise et des aspirations à l'indépendance qu'elles ont entrevue durant cette période sans hommes.

Dans le film, une salle de danse londonienne sera le vecteur de ces désirs contradictoires. C'est là que se retrouvent les quatre ouvrières Eve (Natasha Parry), Carole (Diane Dors), Georgie (Petula Clarke) et Mary (Jane Hyton). Entre les contraintes de l'usine et un foyer parental qu'elles ne pourront quitter que par le mariage, la salle de danse représente leur seul vrai espace de liberté. C'est là que le scénario situe tous les rebondissements, la semaine ne constituant qu'un interlude au moment où ces jeunes femmes se sentent réellement vivre, le weekend sur la piste de danse. Les attentes sont très différentes pour chacune des héroïnes. Eve retrouve au dance hall le ténébreux Alec (Bonar Colleano), séducteur glacial mais plus excitant que son fiancé terre à terre Phil (Donald Houston). Georgie rêve elle d'une carrière de danseuse en gagnant le concours organisé au dance hall tandis que Carole n'aspire qu'à y trouver un mari. La justesse de la caractérisation laisse deviner que le scénario a été écrit par une femme, en l'occurrence Diana Morgan qui le cosigne avec Alexander Mackendrick. Le regard aurait été encore plus juste si elle en avait assuré la réalisation (dans la logique de promotion de Ealing puisqu'on lui doit d'autres scripts fameux comme celui de Went the day well (1943)) mais Michael Balcon préférera la confier à l'efficace Charles Crichton.

Le film interroge sur des thématiques novatrices et propose nombres de séquences fortes où les jeunes femmes se confrontent aux limites entre leur statut et leur rêves, Eve subissant des crises de jalousie injuste à chaque échappée au dance hall; et Georgie nourrissant une culpabilité face à ses parents durant les concours de danse. Cela ne va cependant pas plus loin avec un retour dans le rang final qui évite la mièvrerie grâce au charme des actrices. Petula Clark trouve son premier rôle adulte après ses débuts d'enfant star et est très touchante, Diana Dors impose déjà sous une forme plus légère ses atours de vamp et Natasha Parry campe un personnage assez poignant dans ses hésitations. La presse britannique sera assez injuste avec le casting, estimant les actrices trop glamour et pas crédibles en héroïnes working class.

Autre point fort, les formidables scènes de bal. La caméra de Charles Crichton explore le décor splendide du sol au plafond, les travellings capturent dans le mouvement les figures des danseurs et la frénésie de l'orchestre (The Geraldo Orchestra pour les amateurs) qui alternent avec l'excitation du public dans un ensemble dynamique. La photo de Douglas Slocombe sait cependant donner un contour plus inquiétant aux lieux au fil des déconvenues rencontrées par les héroïnes. Une œuvre intéressante dont les qualités seront reconnues au fil des décennies, notamment lorsque Terence Davies en vantera les mérites dans les années 90.

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La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 5 mai 2023