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Critique de film
Le film
Affiche du film

Le Cavalier Fantôme

(Brimstone)

L'histoire

Les Courteen, un père et ses trois fils, sont une famille de riches éleveurs ruinés depuis l’arrivée des fermiers et de leurs clôtures. Le vieux Brimstone (Walter Brennan) n’a toujours pas digéré le fait que des pionniers soient venus s’installer sur ses terres transformant cet "Open Range" en innombrables petites parcelles. Avec deux de ses fils, Nick (Jim Davis) et Luke (Jack Lambert), tout en continuant à se faire passer pour un citoyen modèle, il compte bien le leur faire payer. Pour ce faire, il n’hésite pas à tuer, piller mais surtout il dévalise les diligences transportant l’argent des colons-agriculteurs. Il compte ainsi dans un premier temps les ruiner pour ensuite se présenter à eux, leur proposant de racheter leurs terres que, bien sûr, il paierait avec le propre argent dérobé aux fermiers désormais aux abois. Mais un mystérieux cavalier fantôme, masqué et tout de noir vêtu, vient à son tour leur subtiliser l’argent volé, contrariant ainsi leurs plans. Dans le même temps, un étranger, Johnny Tremaine (Rod Cameron), arrive en ville et se présente au shérif (Forrest Tucker) en lui disant connaître la cachette du "butin". Il lui promet de la lui dévoiler à condition qu’il l’embauche en tant que second. Quant au troisième fils Courteen, le calme Bud (James Brown), amoureux d’une jolie fermière au grand dam de son paternel, ayant entendu dire que le cavalier fantôme avait disparu, se fait passer pour lui lorsqu’il décide à son tour d’attaquer une diligence dans le but de se constituer un pécule pour pouvoir épouser sa promise...

Analyse et critique

Voici un western routinier signé d’un des cinéastes hollywoodiens les plus prolifiques qui soient, Joseph Kane. Il fut fidèle au modeste studio Republic de 1935 à 1958, tournant pour lui pas loin d’une centaine de séries B et Z à très petits budgets ; même si seulement une infime partie de sa production est parvenue jusqu’à nous, il faut bien avouer que ce qui nous a été permis de voir ne donne pas franchement envie d’en connaître davantage. Les films qu’il tourna avec John Wayne (Dakota, In Old Sacrameto, Flame of Barbary Coast) étaient franchement très moyens ; celui-ci se laisse regarder avec plus de plaisir même si l'on constate que le cinéaste n’a guère progressé malgré le nombre impressionnant de longs métrages déjà à son actif en cette fin de décennie.

L’intrigue part un peu dans tous les sens et, même si elle demeure assez fluide, se révèle parfois inutilement compliquée. Pourtant, à quelques reprises, certains retournements de situations arrivent néanmoins à nous surprendre, notamment dans la dernière partie du film. Si l’identité du cavalier fantôme est assez facile à deviner (le scénariste Thames Wiliamson, auteur du savoureux Cheyenne de Raoul Walsh, n’a d’ailleurs pas tenu à la cacher longtemps, les spectateurs sachant à quoi s’en tenir au bout d’à peine un quart d’heure), le positionnement d’autres personnages n’était pas forcément évident à déceler. Ce scénario louchant vers l’intrigue policière est en fait le meilleur atout du film, faisant de ce dernier un spectacle assez plaisant, ménageant de l’action à revendre au détriment cependant de toute psychologie. Signalons justement que la séquence d’ouverture, l’attaque d’un troupeau de bétail avec le massacre de tous ses convoyeurs, se révèle très efficace avec des cascadeurs et des monteurs très au point ; on se demande même si Joseph Kane en est à l’origine tellement elle détonne d’avec les autres scènes mouvementées, beaucoup plus ternes, qui parsèment ce western. A l’époque, même les plus grands n’hésitaient pas à reprendre des morceaux de séquences d’autres films pour éviter d’en retourner des similaires et aussi dans un souci d’économie (Walsh l’a fait cette même année, réutilisant certains plans de Cheyenne pour les y insérer dans Colorado Territory). D’où mon interrogation !

Car pour le reste, Joseph Kane en est resté à une réalisation très basique, sans aucune idée particulière de mise en scène, faisant confiance au monteur pour donner du rythme à son film. Du rythme, Brimstone n’en est d’ailleurs pas dénué mais sans que cela nous fasse jamais bondir de notre fauteuil. On trouve beaucoup de déjà-vu à quel que niveau que ce soit mais aussi et tout de même une image insolite grâce à la boulimie du personnage joué par Guinn "Big Boy" Williams, une "roulotte à sandwich" où viennent s’attabler en pleine rue à trois reprises cet acteur que nous avons déjà croisé à de nombreuses reprises - et notamment aux côtés d’Errol Flynn - ainsi que Rod Cameron, le héros positif du film, notre cavalier fantôme comme vous l’aviez probablement deviné. Ce dernier est un acteur ayant tourné dans d’innombrables séries B depuis le début des années 40 sans jamais vraiment arriver à sortir du lot ; s’il ne fait pas d’étincelles, sa carrure, son physique et sa taille lui donnent assez de prestance pour ne pas paraître ridicule dans son accoutrement d’homme de l’Ouest. Ici, il est loin d’être désagréable et l'on se prend même à lui trouver de temps à autre une belle prestance.

Mais évidemment, il fait pâle figure face au Brimstone du titre, un Walter Brennan que l’on croirait tout droit sorti de La Poursuite Infernale (My Darling Clementine) tellement les rôles se ressemblent, mais ici avec beaucoup plus de temps de présence à l’écran pour ceux qui auraient été frustrés de ne pas avoir assez vu le vieux Clanton dans le film de John Ford. En patriarche respecté, dur, sévère et impitoyable, tueur et pilleur de banque, il domine le reste du casting ; seul Jack Lambert arrive à se rappeler à nous avec sa trogne menaçante sauf que cette fois il se révèle plus amusant qu’inquiétant, interprétant l’un des fils de Brennan, un crétin s’étonnant d’apprendre par exemple que la terre est ronde et que ceux d’en dessous arrivent malgré tout à garder leurs chapeaux sur la tête, un parfait idiot dont le père se lamente sans cesse de son imbécilité. Cependant, on ne trouve pas plus d’humour que cela dans cette série B qui se prend la plupart du temps très au sérieux, trop même lorsqu’elle se plonge dans une romance assez mièvre entre deux comédiens sans saveur, Lorna Gray et James Brown.

Pour l’anecdote, ce western fut tourné avec le procédé Trucolor mais d’après ce que j’ai lu le résultat aurait été esthétiquement assez catastrophique ; d’où sa sortie simultanée en noir et blanc, notamment en France. Dommage que les conventions et la paresse dominent l’ensemble car le spectacle ne s’avère pas désagréable. Le Cavalier fantôme est un divertissement sans ambitions, idéal pour un après-midi pluvieux, aussitôt vu aussitôt oublié mais pas dénué d’un certain charme à condition de ne surtout pas trop en demander. Bref, une fois encore, à réserver impérativement aux seuls inconditionnels !

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 29 janvier 2021