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Critique de film
Le film
Affiche du film

La Peur du scalp

(The Half-Breed)

L'histoire

1867, Arizona. Apaches et blancs vivaient en bonne harmonie dans la région de San Remo jusqu’à ce que certains habitants peu scrupuleux apprennent l’existence d’or et d’argent sur les terres de la réserve indienne. Réussissant à corrompre l’agent aux affaires indiennes, le vil Crawford (Reed Hadley) monte un plan pour provoquer la colère des indiens afin qu’ils entrent en guerre, espérant ainsi s’en débarrasser une fois pour toutes par l’intervention de l’armée qui devrait logiquement s’ensuivre. Mais les sinistres individus sont contrés par la confiance qu’ont les indiens commandés par le métis Charlie Wolf (Jack Buetel) en la parole d’un ex-soldat confédéré devenu joueur de poker professionnel après avoir tout perdu durant la Guerre de Sécession, l’élégant Dan Craig (Robert Young). En effet ce dernier, coincé en ville par le fait que la diligence ne circule plus à cause du danger que font peser sur la population les indiens révoltés, et après avoir refusé l’offre de l’armée, finit par se convaincre qu’il fera une bonne action en essayant de maintenir la paix durement éprouvée. Il est d’autant plus motivé de devenir médiateur que Crawford, à l’origine du déclenchement des hostilités, est entre temps devenu également son rival en amour, tous deux s’étant épris de la ravissante chanteuse de cabaret, Helen Dowling (Janis Carter)…

Analyse et critique

La peur du scalp (titre français une nouvelle fois totalement stupide et qui trompe dans les grandes largeurs le spectateur sur la ‘marchandise’, hormis le fait que nous allons y côtoyer des indiens) est un de ces innombrables westerns pro-indiens qui pullulaient dans la première moitié des années 50 suite au succès considérable de La Flèche brisée (Broken Arrow) de Delmer Daves en tout début de décennie. Il s’agit cette fois d’une série B tournée pour la RKO par un homme qui ne réalisera en tout et pour tout que cinq films, aucun d’entre eux n’ayant, loin de là, marqué les esprits ; Stuart Gilmore aura en fait été bien plus talentueux à la table de montage que derrière la caméra. En effet, il fut le monteur de cinéastes aussi réputés que Preston Sturges (sur la plupart de ses classiques des années 40), Howard Hawks (Hatari, Le Sport favori de l’homme), Robert Wise (Le Mystère Andromède), Richard Fleischer (Deux sur la balançoire) ou John Wayne (Alamo) : un superbe tableau de chasse qui aurait pu faire bien des envieux ! Parmi ses cinq films en tant que réalisateur, quatre westerns dont le plus connu (et c’est un bien grand mot le concernant) est Le Traître du Far-West (The Virginian) qu’il tourna pour la Paramount avec Joel McCrea, Brian Donlevy et la délicieuse Barbara Britton : un film qui n'avait rien d'exceptionnel mais qui n'en était pas moins assez plaisant à regarder surtout grâce à la chatoyante photographie en Technicolor signée Harry Hallenberger.

On pourrait en dire autant de The Half-Breed qui aborde néanmoins un sujet totalement différent mais pas spécialement novateur, celui de la tentative de spoliation des terres indiennes convoitées par des blancs malfaisants à seule fin de s’accaparer les biens qu’elles recèlent et notamment l’or et l’argent. Pour arriver à leurs fins, quoi de plus facile, non sans avoir expressément et allègrement piétiné les traités de paix, que d’en faire fuir les occupants quitte à les massacrer ou les faire massacrer par l’armée après leur avoir fait prendre les armes et fait porter le chapeau de la reprise des hostilités. Ce sont donc ici certains blancs qui n’ont pas le beau rôle et non les indiens comme le titre français pourrait nous le faire croire. Et puis il n’y a que très peu d’indiens belliqueux dans cette intrigue qui, à défaut d'être originale, reste plutôt bien écrite. Les deux scénaristes réussissent par exemple durant la première demi-heure à mettre en place une construction alternée assez fluide passant, d’une séquence à l’autre, des problèmes qui se profilent avec les indiens à la romance qui se fait jour entre Janis Carter et Robert Young. Rien donc de neuf ni de surprenant dans la trame narrative, les péripéties, le caractère ou les réactions des personnage mais, malgré aussi une fin expéditive, le tout demeure, même si prévisible, assez bien mené et l’on n’a guère le temps de s’ennuyer durant les 77 minutes de sa durée. Une petite originalité cependant : dans ce western la tribu est en quelque sorte commandée par un métis interprété par le Billy le Kid de Howard Hughes dans le sulfureux et iconoclaste Le Banni (The Outlaw), Jack Buetel. Malheureusement le jeune acteur s’avère on ne peut plus fadasse ; ce qui n’est pas très grave non plus dans l’absolu car, malgré le titre original, le ‘statut’ de métis du personnage n’est pas un des points les plus importants du scénario, les problèmes liés au métissage n’étant étonnement quasiment pas abordés par les auteurs ou alors très succinctement et avec trop de discrétion : "Je l'aime bien car il est rejeté de partout, comme moi" dira de lui l’ex-confédéré. On ne ressent finalement qu'assez peu cette 'exclusion' du métis.

Ce n’est donc pas à Charlie Wolf que le spectateur pourra s’attacher mais plutôt au personnage joué par Robert Young, l'acteur s'avérant convaincant alors qu’il n’eut que très peu d’occasions d’aborder le genre, sa seule autre participation connue à un pseudo-western étant dans Le Grand passage (Northwest Passage) de King Vidor dans lequel il tenait la tête d’affiche aux côtés de Spencer Tracy. Ses deux rôles les plus marquants, il les devra à Frank Borzage puisqu’il fût l’un des Trois camarades du film homonyme du cinéaste en 1938 puis fit partie de la distribution de son chef d’œuvre suivant, le superbe The Mortal Storm en 1940. Robert Young est donc très à l’aise dans ce rôle de gentleman sudiste devenu joueur professionnel par nécessité, ayant tout perdu lors de la Guerre de Sécession. Toujours tiré à quatre épingles, il emporte le morceau grâce à son charme, son élégance, sa probité et son humour. C’est lui qui règlera le conflit en s’improvisant médiateur, allant expliquer aux indiens que seule une poignée de sinistres individus tire les ficelles de cette reprise des faits d’armes et qu’il serait dommage de répliquer par la violence (au risque de se faire massacrer par l’armée) alors que le cas pourrait être réglé par la mise hors d’état de nuire de quelques individus sans scrupules et leur arrestation. Ce sera tellement efficace de sa part que les auteurs se contenteront de la réussite de sa mission, oubliant de conclure le film, laissant en suspens l'histoire d'amour par exemple.

Si les seconds rôles sont en majeure partie moyennement bien caractérisés (Reed Hadley est par exemple un Bad Guy un peu faiblard et Barton MacLane un shérif trop inexistant), Janis Carter (La Bagarre de Santa Fe aux côtés de Randolph Scott) tire plutôt bien son épingle du jeu dans le rôle de la chanteuse de cabaret qui rêve de finir sa carrière à San Francisco et qui en attendant fait tourner toutes les têtes. Non seulement charmante, elle fredonne avec entrain les deux chansons ‘When I'm Walking Arm in Arm With Jim’ et ‘Remember the Girl You Left Behind’ et s’avère plutôt convaincante comme l'était son principal partenaire ; dommage alors que sa romance avec Robert Young qui commençait avec pas mal de piment se transforme ensuite en une banale bluette pour être même carrément oubliée sur la fin comme je l'ai dit juste avant. Pour le reste, une mise en scène sans guère d’entrain et totalement impersonnelle mais de très beaux paysages qui font oublier la paresse de la réalisation. Des indiens, la cavalerie, un saloon richement décoré, des numéros de cabaret, une jolie chanteuse, un héros assez classieux et de magnifiques décors naturels : autant d’éléments qui, au sein d’une banale et prévisible série B, arrivent à nous rendre néanmoins le spectacle attrayant. Pas désagréable pour les aficionados ; les autres, vous pouvez passer votre chemin !

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 29 juillet 2021