Critique de film
Le film
Affiche du film

La Mort était au rendez-vous

(Da uomo a uomo)

L'histoire

Bill, un jeune garçon, est le témoin du meurtre de son père, ainsi que du viol et du meurtre de sa mère et de sa sœur, pas une bande de criminels qui convoitent un riche butin caché dans le chariot du père. Pendant cette scène sauvage, des détails le frappent, des éperons, une balafre, un tatouage, une boucle d’oreille et un pendentif en forme de crane. Quinze ans plus tard, alors qu’il s’entraine au tir, un étranger, Ryan, vient saluer les tombes de la famille de Bill. Ryan vient de sortir de prison et il veut se venger de ceux qui l’ont dénoncé. Bill comprend vite que Ryan recherche les mêmes hommes que lui, et va le suivre.

Analyse et critique

Réalisateur d’une petite quinzaine de longs métrages, Giulio Petroni avait vu sa carrière s’interrompre durant 5 ans après son quatrième film, Un Dimanche d’été, tourné en 1962. Il fait son retour alors que Sergio Leone a fait du western le filon italien du moment, avec sa trilogie du dollar. Il est logique que Petroni, comme beaucoup d’autres, s’engouffre dans le genre pour plusieurs films, dont le point culminant sera Trois pour un massacre, incontournable incarnation du versant politique du genre, le western « Zapata ». La Mort était au rendez-vous est donc le coup d’essai du cinéaste dans le registre, et la première séquence du film pourrait le faire passer pour un coup de maître. L’attaque de la ferme de la famille de Bill, sous la pluie et dans la boue, puis le massacre sauvage de sa famille sous ses yeux, sont assez remarquablement mis en image. La violence est impressionnante mais jamais filmée de manière complaisante par Petroni, y compris au moment du viol, séquence toujours très piégeuse dans le cinéma de genre. Il filme également habilement les images qui vont devenir les souvenirs de Bill, lui permettant de traquer des années plus tard les auteurs de ce crime odieux. Dix premières minutes mémorables, remarquablement menées, qui nous amènent immédiatement dans le film tout en posant intelligemment les jalons du récit à venir, La Mort était au rendez-vous peut se targuer de faire partie des films qui offrent au spectateur une grande scène d’ouverture.

Les qualités de cette introduction se retrouvent ensuite principalement dans la dernière séquence, grande fusillade et dénouement dramatique du film qui est également un moment marquant, avec un bel effet de surprise, savamment ménagé, pour le dernier coup de feu. Entre les deux, une série de scènes d’action plutôt efficaces, dont on dit que Giancarlo Santi, qui fut assistant réalisateur de Sergio Leone sur Le Bon, la brute et le truand et qui est ici l’assistant de Petroni, serait en fait le metteur en scène de plusieurs d’entre elles. Quoi qu’il en soit le résultat est tout à fait convainquant, tout au long du film, à défaut d’être totalement inoubliable. Pour lier ces scènes, le ton de Luciano Vincenzoni, auteur de Et pour quelques dollars de plus – entre autres, se fait particulièrement sentir. Le récit de La Mort était au rendez-vous qui voit deux hommes poursuivre la même quête, semble faire directement écho au film qu’il écrivait pour Leone, mais avec un ton plus léger, et peut-être un peu moins de profondeur. Le script est en tout cas remarquable pour sa dynamique dramatique. En mettant en place avec force ses deux personnages principaux, Bill enfant confronté au massacre de ses parents, et Ryan que nous retrouvons à sa libération d’un camp de travaux forcés, le récit emporte immédiatement l’empathie du spectateur pour ses deux personnages principaux, en quelques images fortes, tout en faisant l’impasse sur une grande partie de leur passé. Qu’à fait Bill pendant 15 ans ? Pourquoi les anciens complices de Ryan n’ont-ils pas réussi, dans le même temps, à s’évaporer dans la nature ? Le film n’apporte aucune réponse, il pose ses personnages, et les lances directement dans l’action, pour un récit efficace, mais au dépend peut-être de son épaisseur, et pour un résultat moins épique que Et pour quelques dollars de plus et moins riche que Trois pour un massacre.


Le lien avec le film de Leone scénarisé par Vincenzoni se retrouve également au casting, avec la présence, classique dans le western italien, de Lee Van Cleef. L’acteur, toujours charismatique, offre ici une interprétation qui fait plutôt partie de ses meilleures, moins rigide et monocorde que dans certains cas. Le personnage de Ryan prend d’ailleurs petit à petit le dessus sur celui de Bill, présenté d’abord comme personnage principal, mais qui devient, petit à petit, le second de Ryan, dans une sorte d’étrange film d’apprentissage. John Phillip Law est lui aussi très convainquant en Bill, mais dans un rôle qui est plus monolithique que celui de Van Cleef. Face à eux, une galerie de trognes habituelles complète le casting, avec entre autres le toujours savoureux Luigi Pistilli, pour un paysage typique du western italien, sur une musique elle aussi habituelle, celle de l’incontournable Ennio Morricone. La Mort était au rendez-vous présente tous les atouts du solide western, avec quelques scènes mémorables, mais manque d’un peu de richesse, à tous points de vue, pour s’imposer comme un incontournable du genre. Il s’agit néanmoins d’un film qui se regarde avec plaisir, et devrait satisfaire les amateurs du genre.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Philippe Paul - le 20 juin 2024