
L'histoire

New York endormie ; il est une heure du matin. Dans un appartement de Manhattan, Jane Dexter, jeune mannequin, est assassinée par deux hommes dont l’un est à son tour tué par son complice. Dès l’aube, l’enquête est en route, menée par un vétéran des affaires criminelles, l’inspecteur Dan Muldoon (Barry Fitzgerald) et le novice Jimmy Halloran (Don Taylor), à la Brigade Criminelle depuis seulement six mois. Ils se mettent consciencieusement à effectuer leur labeur journalier dénué de tout héroïsme et comportant moult filatures, interrogatoires, réunions… Alors que la traque du meurtrier se poursuit dans les rues de Big Apple, les policiers découvrent que la jeune femme assassinée était liée à un gang spécialisé dans le trafic de joaillerie...
Analyse et critique
« There are eight million stories in The Naked City. This has been one of them. » Telle est la célèbre phrase finale de ce film noir qui marque un tournant historiquement très important pour le genre. Après la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle génération de cinéastes arrive, influencée par les images documentaires des

Pour connaître un peu la genèse de The Naked City, grâce à l’aide du passionnant livret inclus dans le coffret Wild Side, laissons parler Malvin Wald, l’auteur de l’histoire commanditée par Mark Hellinger lui-même, tout en ayant


Selon les vœux de Dassin, la ville de New York aurait donc du être la star du film et pourtant, elle ne le sera pas assez à son goût et au vu du résultat, on ne peut qu’abonder dans son sens. Il sera floué par Hellinger après le tournage, ce dernier ne tenant pas sa parole, jurant de ne rien toucher au film mais le faisant malgré tout entièrement remonter derrière son dos. Dépité du résultat obtenu, Dassin sortira en larmes de la projection lors de l’avant-première. C’était déjà le producteur qui avait ajouté les pénibles flash-back dans Brute Force ; ce sera encore lui qui aura l’idée de ce remontage et de l’omniprésence encombrante de la voix off (la sienne propre) pour commenter le film. Lors de l’ouverture de The Naked City sur de superbes vues de Manhattan filmées d’hélicoptères, la voix-off a tout à fait sa place pour nous le présenter ; le générique est fait oralement (à la Guitry) avant que le commentateur nous explique ce que le film va avoir d’innovant : « This motion picture is a bit different from most films you've ever seen…It was not photographed in a studio and the actors played out their roles on the streets, in the apartment houses, in the skyscrapers of New York itself… This is the City as it is - hot summer pavements, the children at play, the buildings in their naked stone, the people, without makeup... » Mais ensuite, même si elle nous délivre encore de superbes "Taglines" comme, à propos de la fille assassinée : « Yesterday she was just another pretty face. This morning she's the marmalade on everybody's toast », ou encore en conclusion, après que l’affaire ait été dénouée : « Her name, her face, her history were worth five cents a day for six days. Tomorrow a new case will hit the headlines », elle devient la plupart du temps plutôt lourde, redondante avec les images défilant sous nos yeux.

Pour en revenir à New York, nous aurions voulu encore plus ressentir sa respiration, sa vie propre, pouvoir prendre son pouls. Evidemment que cette vision à l’époque a du être formidablement novatrice mais à posteriori, après les innombrables autres films ayant été tournés dans des conditions identiques, force est de constater que l’intrigue assez peu enthousiasmante prend trop souvent le pas sur la description de la ville telle que l’aurait souhaitée le réalisateur. Le scénariste a du mal à bien imbriquer les différents éléments constitués par, d’une part l’aspect documentaire, de l’autre par l’intrigue policière proprement dite, sans oublier l’aspect hollywoodien qui demeure malgré tout encore bien prégnant ici, dans l’interprétation entre autres. Le contexte social et politique est bien présent mais discrètement et en filigrane. Tout ceci reste bien trop tiède. Le fait de vouloir décrire le travail quotidien et procédurier de la police dans ses aspects les moins glorieux, sans
aucun glamour est bien évidemment très honorable mais encore eut-il fallu un scénario remarquablement écrit ou une vision très personnelle du metteur en scène pour que le spectateur ait quelque chose de solide sur quoi s’accrocher sous peine de rapidement s’ennuyer, ce qui est parfois le cas ici. A la même époque, les films produits par Louis De Rochemont ou Otto Lang pour la Fox et dirigés, pour une grande partie, par Henry Hathaway (13 rue Madeleine, Appelez Nord 777…) avaient eux aussi pour ambition de témoigner de la réalité brute mais bénéficiaient de scénarios bien plus solides et convaincants. La mayonnaise prenait un peu mieux.
Mais trêve de critique ! Si ce Naked City paraît quelque peu décevant, il demeure encore aujourd’hui le prototype qui a ouvert une brèche à toute une frange du film noir ou urbain dans laquelle se sont engouffrés des cinéastes comme Don Siegel, Robert Aldrich, Gordon Douglas, Martin Scorsese, William Friedkin et des centaines d’autres jusqu’aux créateurs de séries télévisées tel qu’aujourd’hui Law and Order. William Daniels innove en utilisant le plus possible des focales grand-angle pour dévoiler au maximum tous les recoins de la ville, inventant des projecteurs légers et souples d’emploi, se servant d’un camion avec miroir sans tain pour éviter que la foule ne regarde la caméra... Il obtiendra un Oscar mérité pour son remarquable travail : grâce à lui, des millions de spectateurs à travers le monde découvrent New York, les hommes qui y vivent, qui s’y pressent, qui y travaillent ; les enfants s’arrosant au milieu des rues surchauffées ; les jeunes filles faisant du lèche-vitrines ; le métro bondé. Le Williamsburg Bridge devient ainsi presque aussi célèbre par la séquence finale que l’Empire State Building par celle de King Kong.

Tout cela (la principale motivation de Dassin) ne représente finalement qu’un faible pourcentage de la durée du film, la quasi totalité se déroulant en intérieur. Ici, nous voyons nos policiers en pleine besogne dans les bureaux et appartements ; un travail de longue haleine, consciencieux, patient, laborieux et souvent frustrant, les journées se terminant parfois sans qu’aucun élément supplémentaire du puzzle n’ait put être décelé. Nous les apercevons également (trop) brièvement dans leurs vies quotidiennes. Le lieutenant Muldoon est un vieux de la vieille ayant déjà passé vingt-deux ans au sein de la Brigade Criminelle. Barry Fitzgerald a beau être excellent dans la peau de ce policier, il préfigure plus Columbo qu’un Inspecteur Lambda. Sa confrontation avec Howard Duff dans le rôle d’un menteur congénital est franchement savoureuse. Don Taylor est un peu fade dans la peau du jeune Halloran et Ted De Corsia n’hésite pas à cabotiner pour nous rendre son assassin franchement inquiétant. Comme on peut le constater, ce style d’interprétation n’est pas forcément en phase avec un film qui se serait voulu néoréaliste mais apporte une touche de fantaisie qui nous fait parfois oublier le caractère plutôt insignifiant de l’intrigue.
Le 4 mars 1948, Universal sort le film à New York. Le studio ne débourse pas un dollar dans sa campagne pour les Oscars, ne misant pas un centime sur les chances pour The Naked City de l’emporter. Les dirigeants tombent des nues lorsque le film de Jules Dassin reçoit trois nominations à la récompense suprême. Le réalisateur, malgré sa déception suite au mauvais coup que lui joua Hellinger, tourne encore Thieves' Highway dans les rues de San Francisco, puis, sur le point d'être inquiété pour ses prises de position, s'expatrie et part pour l'Angleterre où il tourne Night and the City (Les Forbans de la nuit), le réalisme de ses dernières œuvres étant talentueusement saupoudrée ici d’un surprenant expressionnisme qui fait de lui un film noir unique et magnifique, le seul chef-d’œuvre de son auteur mais quel chef-d’œuvre !

Mais trêve de critique ! Si ce Naked City paraît quelque peu décevant, il demeure encore aujourd’hui le prototype qui a ouvert une brèche à toute une frange du film noir ou urbain dans laquelle se sont engouffrés des cinéastes comme Don Siegel, Robert Aldrich, Gordon Douglas, Martin Scorsese, William Friedkin et des centaines d’autres jusqu’aux créateurs de séries télévisées tel qu’aujourd’hui Law and Order. William Daniels innove en utilisant le plus possible des focales grand-angle pour dévoiler au maximum tous les recoins de la ville, inventant des projecteurs légers et souples d’emploi, se servant d’un camion avec miroir sans tain pour éviter que la foule ne regarde la caméra... Il obtiendra un Oscar mérité pour son remarquable travail : grâce à lui, des millions de spectateurs à travers le monde découvrent New York, les hommes qui y vivent, qui s’y pressent, qui y travaillent ; les enfants s’arrosant au milieu des rues surchauffées ; les jeunes filles faisant du lèche-vitrines ; le métro bondé. Le Williamsburg Bridge devient ainsi presque aussi célèbre par la séquence finale que l’Empire State Building par celle de King Kong.

Tout cela (la principale motivation de Dassin) ne représente finalement qu’un faible pourcentage de la durée du film, la quasi totalité se déroulant en intérieur. Ici, nous voyons nos policiers en pleine besogne dans les bureaux et appartements ; un travail de longue haleine, consciencieux, patient, laborieux et souvent frustrant, les journées se terminant parfois sans qu’aucun élément supplémentaire du puzzle n’ait put être décelé. Nous les apercevons également (trop) brièvement dans leurs vies quotidiennes. Le lieutenant Muldoon est un vieux de la vieille ayant déjà passé vingt-deux ans au sein de la Brigade Criminelle. Barry Fitzgerald a beau être excellent dans la peau de ce policier, il préfigure plus Columbo qu’un Inspecteur Lambda. Sa confrontation avec Howard Duff dans le rôle d’un menteur congénital est franchement savoureuse. Don Taylor est un peu fade dans la peau du jeune Halloran et Ted De Corsia n’hésite pas à cabotiner pour nous rendre son assassin franchement inquiétant. Comme on peut le constater, ce style d’interprétation n’est pas forcément en phase avec un film qui se serait voulu néoréaliste mais apporte une touche de fantaisie qui nous fait parfois oublier le caractère plutôt insignifiant de l’intrigue.
Le 4 mars 1948, Universal sort le film à New York. Le studio ne débourse pas un dollar dans sa campagne pour les Oscars, ne misant pas un centime sur les chances pour The Naked City de l’emporter. Les dirigeants tombent des nues lorsque le film de Jules Dassin reçoit trois nominations à la récompense suprême. Le réalisateur, malgré sa déception suite au mauvais coup que lui joua Hellinger, tourne encore Thieves' Highway dans les rues de San Francisco, puis, sur le point d'être inquiété pour ses prises de position, s'expatrie et part pour l'Angleterre où il tourne Night and the City (Les Forbans de la nuit), le réalisme de ses dernières œuvres étant talentueusement saupoudrée ici d’un surprenant expressionnisme qui fait de lui un film noir unique et magnifique, le seul chef-d’œuvre de son auteur mais quel chef-d’œuvre !