Menu
Critique de film
Le film
Affiche du film

La Boum 2

L'histoire

Deux ans sont passés depuis les évènements survenus dans le premier opus. Vic (Sophie Marceau) a quinze ans et entre en seconde, toujours au lycée Henri IV. Ses parents, François (Claude Brasseur) et Françoise (Brigitte Fossey), se sont rabibochés mais des changements de perspectives dans leurs carrières remettent en cause le fragile équilibre de leur mariage. Vic de son côté n’est plus avec Mathieu, elle semble bien attirée par des garçons plus âgés que ceux de sa classe. Ses succès, notamment auprès de Philippe (Pierre Cosso), ne manqueront pas de rendre jalouse sa meilleure amie Pénélope (Sheila O’Connor).

Analyse et critique

Incontestablement La Boum premier du nom fut un phénomène, outre son succès en salles c’est évidemment les innombrables rediffusions télévisuelles qui assirent son statut de film culte. La scénariste Danièle Thompson, fille de Gérard Oury et future réalisatrice elle-même, s’inspirait alors de son quotidien de jeune maman d’une fille de 13 ans. Autour des nombreuses intrigues sentimentales, celles de Vic, de ses amies, de ses parents, étaient émaillés quantités de détails prosaïques au service de l’authenticité autant que de la comédie. L’acuité du regard de la scénariste contribua à en faire un instantané de son époque.

La Boum 2, sorti deux ans plus tard le 8 décembre 1982, semble s’être donné le même objectif. La fille de Danièle Thompson avait alors 15 ans, Sophie Marceau aussi, et c’est ainsi que l’équipe du premier film s’est remise en branle pour donner une suite aux atermoiements tragicomiques de ses protagonistes. Dès avant la sortie du premier film, Claude Pinoteau commençait à envisager une trilogie, menant ses jeunes personnages de la fin de l’enfance jusqu’à l’entrée dans l’âge d’adulte. Thompson elle-même, associée originellement au producteur Roland Gritti, avait envisagé d’en faire une série. Nous retrouvons donc les personnages dans une parfaite continuité par rapport à l’épisode précédent.

Le couple des parents avait traversé la difficile épreuve de l’adultère, il s’agit désormais pour eux de se confronter à leurs évolutions professionnelles respectives, alors qu’ils ont un deuxième enfant en bas âge. De plus en plus sollicitée par sa carrière de dessinatrice, Françoise travaille désormais pour un studio d’animation et participe à la négociation de contrats avec d’importants investisseurs étrangers (en l’occurrence des Japonais). François, en revanche, a quitté son cabinet de praticien pour s’engager dans la voie universitaire mais le poste de chercheur qu’on lui propose est à Lyon. Alors que le télétravail n’est pas encore une option, il s’agit donc de décider si la famille entière déménagera avec lui ou non. Le scénario n’hésite pas à interroger le modèle patriarcal frontalement tant Françoise doit lutter pour convaincre son têtu de mari de prendre au sérieux son métier et ses ambitions. Le personnage de l’arrière-grand-mère Poupette (interprétée par Denise Grey), toujours aussi truculent, continue de se moquer des conventions et permet d’aborder la question de l’amour chez les seniors. Va-t-elle enfin pouvoir se marier, à 80 ans passés ?

L’une des forces du premier film consistait aussi en sa fin « ouverte », qui montrait Vic en train d’embrasser un garçon complètement inconnu alors que tout le film nous l’avait montré en train de courir après le fameux Mathieu. Une manière de rappeler à quel point les sentiments peuvent être inconstants à l’adolescence. Mais le programme est différent cette fois-ci, Vic va vraiment tomber amoureuse. Du moins, c’est ce que l’on nous demande de croire. Pinoteau s’efforce de donner du poids à la relation qui démarre entre la jeune fille et le jeune homme, Philippe, un séduisant étudiant de 18 ans qui pratique la boxe. Mais difficile d’y accorder crédit après ce que nous avons vu dans le premier film, d’autant plus que l’opposition des parents n’est pas particulièrement marquée (ils sont trop occupés par leurs propres problèmes). Il faut également ajouter que si le comédien a réussi à séduire la comédienne Sophie Marceau (leur relation a fait le bonheur des magazines people durant les deux ans que cela a duré), il peine à convaincre le spectateur par la qualité de son interprétation.

Pour autant le film réussit, aussi bien que le premier, à mener ses multiples intrigues et à faire vivre ses multiples protagonistes. Bien qu’un peu moins présents, nous retrouvons la joyeuse bande de collégiens du premier film qui constituent autant de stéréotypes du teen movie que d’occasions pour les scénaristes de mettre en scène plusieurs de leurs authentiques anecdotes. Rythmé, riche en péripéties, le film offre également quelques étonnants moments de bravoure qui témoignent du budget gonflé qui a été accordé à la production. On retiendra une scène de comédie musicale qui pastiche les classiques de Stanley Donen ou Vincente Minelli, une salle de concert de rock qui déborde de figurants, ou encore une longue scène de bagarre généralisée entre voyous, adolescents, parents et policiers.

Cela permet en tout cas à Pinoteau d’exprimer pleinement son tempérament romantique, car en creux de ce scénario léger, aux accents souvent prosaïques de chronique familiale, se déploie la mise en scène emportée d’un réalisateur que les grands sentiments n’effraient pas. Cartes Orange, cabines téléphoniques, bus de banlieue, walkmans, platines vinyles... tous ces éléments sont consciencieusement intégrés à l’intrigue mais n’enferment pas la mise en scène. D’amples mouvements de caméra et un usage fréquent de la musique viennent régulièrement souligner la force des sentiments de ses personnages. On frôle souvent le kitsch mais ça ne détonne pas dans un film à ce point en phase avec son époque.

Vladimir Cosma rempile également, il sera le fidèle collaborateur de Pinoteau jusqu’à son dernier film de cinéma, Les Palmes de Monsieur Schultz, et s’associe cette fois avec l’éphémère groupe britannique Cook da Books qui chante notamment le titre Your Eyes. La chanson ainsi que sa sirupeuse mélodie baignent le film du début à la fin, presque jusqu’à l’indigestion. Il paraît indéniable que l’objectif était de reproduire le succès phénoménal du Reality de Richard Sanderson, en vain.

Quoi qu’il en soit, le succès fut à nouveau au rendez-vous pour ce deuxième opus. Les chiffres égalèrent presque ceux du précédent, 4 millions d’entrées contre 4 millions trois cent mille, des résultats qui lui permirent d’être le 6ème plus gros succès de l’année 1982. Alors que le projet d’une troisième Boum était dans toutes les têtes, c’est sans nul doute le conflit avec Sophie Marceau, qui survint suite à son départ du tournage de La 7ème cible, qui retint Pinoteau de concrétiser le projet. (1) Cela n’empêcha pourtant pas le réalisateur de renouer avec la jeune comédienne lorsque, en 1988, c’est cette fois Isabelle Adjani qui renonce à incarner un personnage de doctorante dans ce qui deviendra L’Etudiante, et Sophie Marceau qui la remplace au pied levé. Si d’opportunistes distributeurs italiens intitulèrent le film de sorte à le faire passer pour un troisième épisode (à savoir Il tempo delle mele 3), Pinoteau, lui, s’est toujours défendu d’avoir considéré le film comme tel. (2)

Moins mémorable que son aîné, peut-être simplement parce que l’effet de surprise s’était dissipé, cette suite fait pourtant preuve des mêmes qualités, et des mêmes défauts. Les fanatiques de la première heure le connaissent sans doute déjà, ceux à qui le tube de Richard Sanderson provoque des allergies depuis 1980 continueront de passer leur chemin ; mais pour tous les autres, ils trouveront avec La Boum 2 un film éminemment sympathique et le prolongement d’une fidèle peinture de la vie urbaine des années 80, dont chacune des diffusions annuelles à la télévision nous rappelle à quel point nous en sommes les héritiers.

(1) En 1983, Sophie Morceau s’est engagée à jouer un second rôle dans le polar La 7ème cible que s’apprête à réaliser Pinoteau, elle doit y incarner la fille de Lino Ventura. Mais à la même période, Andrej Zulawski, qui deviendra son compagnon pendant dix-sept ans ainsi que le père de son enfant, lui propose le premier rôle de L’Amour braque. Alors que les plans de travail des deux productions sont incompatibles, Sophie Marceau est tenue de participer au film de Pinoteau par contrat et se doit donc de respecter son premier engagement. C’est cependant le matin même de son premier jour de tournage que celle-ci prend la décision radicale d’abandonner le film de Pinoteau au profit de celui de Zulawski. Dévasté par cette décision et obligé de remplacer la comédienne en dernière minute, on comprend que Pinoteau et la Gaumont, qui contraignit la comédienne à débourser un million de franc de dédommagement, ne se soient pas engagés dans la production de cette troisième Boum qui aurait dû suivre très rapidement.
(2) Pinoteau en parle lui-même dans son livre de souvenirs, Merci la vie : « Comment imaginer une troisième Boum sans Brigitte Fossey, Claude Brasseur, Denise Grey et tous les autres ? Et pourquoi dissimuler une Boum 3, alors que nous aurions été si heureux de l'annoncer ?! »

Sources:
Claude PINOTEAU, Merci la vie ! Aventures cinématographiques, 2001, Editions Le cherche midi
Les enfants de la Boum, 2003, documentaire de Thibault Carterot, Gaumont Vidéo

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Nicolas Bergeret - le 14 décembre 2022